La Scène ouverte accueille pour la seconde fois un groupe de jazz, et c’est très bien comme ça, car on aime à varier les plaisirs chez Guitariste.com. Diversité, curiosité… Nous avons déjà écouté Paul Jarret à la guitare de White Note en décembre dernier. Il nous présente ici son projet, son bébé, son groupe, les PJ5. Et pour les avoir vus sur scène, je peux vous garantir qu’ils savent capter l’attention de leur public, déjà affranchi ou non. Pas de démonstration outrancière de leur savoir-faire, mais un partage à sa juste valeur. Une belle complicité émane au sein de cette formation, ainsi qu’un grand professionnalisme. Respect !

Quelle est la genèse du groupe ?
Paul Jarret : Ça date d’il y a presque trois ans. Nous nous sommes tous rencontrés au conservatoire. J’avais déjà eu quelques expériences musicales en tant de leader d’un groupe et compositeur, mais après une petite pause dont j’avais besoin pour faire un travail de fond sur mon instrument, j’ai eu envie de remonter un nouveau projet. Début 2010 j’avais repéré quelques « collègues » au conservatoire qui jouaient très bien et qui avaient des personnalités que je trouvais intéressantes à faire rencontrer. Du coup, au mois de mars, je leur ai innocemment proposé de faire une session, au cours de laquelle j’ai apporté quelques compos. Ça a plutôt bien marché, et à la fin de la répète je leur ai simplement proposé de faire partie de l’aventure !

Le mieux, c’est de l’écouter, on est tous d’accord, mais avec quels mots définirais-tu la musique des PJ5 ? Quelles sont vos influences à chacun ?
Paul : Nous sommes tous les cinq des musiciens de jazz avant tout. Nous tenons à cette culture des standards, et à cette conscience de ce qui nous a précédé, musicalement parlant. Nous écoutons bien sûr tous le jazz d’aujourd’hui, en particulier la scène new-yorkaise qui est très intéressante (je pense à Ambrose Akinmusire, Kurt Rosenwinkel, Ben Van Gelder, Ben Wendel, et des dizaines d’autres). En ce qui concerne d’autres styles musicaux, ça dépend de la personnalité de chacun dans le groupe : Maxence (saxophone) écoute énormément de hip-hop, Alexandre (contrebasse) beaucoup de musique brésilienne, etc. En ce qui me concerne, j’écoute autant de jazz que de rock, folk, et tout ce qui s’y apparente. C’est cette double culture que j’ai voulu exprimer par la musique du PJ5. C’est clairement du jazz, avec des phases d’improvisation, une grande place laissée à l’interaction, parfois d’une certaine complexité technique, mais je m’efforce de porter beaucoup d’attention aux mélodies et à certains grooves qui n’ont rien à voir avec du jazz.
Pour résumer, j’ai trouvé cette formule qui convient plutôt bien : « Nu-jazz with a rocky touch ! »

Qui fait quoi niveau compos, implication dans le groupe ?
Paul : Nous avons chacun de notre côté des tas d’autres groupes, ce qui fait que nous sommes tous très occupés. Certains d’entre nous sont encore au conservatoire ! J’ai déjà beaucoup de chance que les autres aient accepté de participer à ce groupe, malgré leur emploi du temps de ministre… Alors je n’exige rien d’eux, j’assume le fait d’être leader : je compose tout (même si nous retravaillons et arrangeons les morceaux ensemble en répétition) et j’organise tout (répétitions, enregistrements, démarches pour trouver des concerts, des financements, communication, etc.).

Où et dans quelles conditions a été enregistré l’EP ? Avec qui ?
Paul : Nous avons enregistré l’EP en novembre 2011 au Studio des Egreffins, qui a été créé par l’excellent batteur André Charlier. Nous avons fait les prises en une journée, comme souvent en jazz en jouant tous simultanément mais dans différentes cabines.
André nous a aidés en début de journée à placer les micros, puis c’est son fils Nicolas (non moins excellent batteur que son papa) qui a fait les prises. Nous étions entre copains, l’ambiance était détendue même si la journée a été dense et fatigante ! Puis Hermanno Grossi a patiemment mixé le tout aux studios Level 25, que je recommande.

Côté guitares, amplis, effets, quel matériel a été utilisé ?
Paul : Avec Pj5 je joue toujours sur ma vieille Gibson ES-347. Pour cet EP, j’ai utilisé mon ampli, un Fender Deluxe Reverb R65. Je change régulièrement mes effets, mais de mémoire, j’utilisais à ce moment-là une vieille Proco Rat des années 80, un ring-modulator Moog, une pédale de volume Ernie Ball, un delay Line 6 DL4, une reverb EHX Holy Grail. Je ne peux pas me passer de mon égaliseur MXR et de mon tremolo Voodoo Lab qui est enclenché en permanence, avec le Mix à zéro. Je n’ai jamais compris pourquoi, mais ça rend le son beaucoup plus large et épais !

Quels sont les actus et projets ? Au moins un album en préparation si mes sources sont bonnes !
Paul : En effet ! Nous enregistrons ces jours-ci notre premier album ! C’est le gros événement de 2013… Il n’y aura que de la nouvelle musique, pas mal d’invités, et le son promet d’être assez monstrueux ! Julien Birot (une référence en matière de son) est aux manettes. Nous faisons ça aux Studios de Meudon.
Sortie prévue en septembre 2013, ce sera une autoproduction sous licence du label Such Productions (Electro Deluxe, Louis Winsberg, Stéphane Huchard…), distribué par Harmonia Mundi. Ça devient du sérieux ! Autre actualité de taille : nous sommes en train de créer un collectif de groupes, avec Clerks et pinocchioO : le Collectif BLO ! Un concert de création du collectif est prévu le 1er mars au 59 Rivoli ; entrée gratuite pour un triple concert ! Ce collectif est avant tout une bande de copains, mais nous nous sommes regroupés pour mieux représenter ce nouveau type de jazz qui est en train d’apparaître. Et des concerts du PJ5, bien sûr, le plus possible, partout en France ! Notamment pour la sortie de l’album, il devrait y avoir pas mal de concerts en octobre/novembre. Également peut-être à l’étranger !

Le jazz est-il un genre plus difficile à défendre que le rock par exemple, plus populaire et médiatisé ? Bien que rien ne soit simple non plus pour nos rockeurs bien aimés…
Paul : Vu que j’officie également au sein du groupe de rock White Note, qui a déjà été interviewé sur Guitariste.com, je peux faire la comparaison…
Bizarrement, je pense que la situation est plus difficile pour un groupe de rock. Pour la simple et bonne raison que des groupes de rock, il y en a des milliers ! Et ce ne sont pas toujours les plus intéressants et les meilleurs qui ont du succès… Tout est histoire de savoir si le groupe sera « facile à vendre », s’il s’inscrit dans la mouvance actuelle, et surtout, c’est une histoire de contacts. Il y a bien quelques concours qui permettent de se démarquer, mais là encore, c’est souvent les critères commerciaux qui priment, car il y a des producteurs qui tirent les ficelles. Un groupe de rock qui marche, c’est très rare, finalement, si on compare au fourmillement de groupes dont on ne parle jamais dans les médias.
Alors qu’en jazz, nous sommes moins nombreux (même si nous sommes dix fois plus qu’il y a vingt ans !). Les exigences techniques ne sont pas les mêmes, les différents concours et tremplins sont plus efficaces et les médias plus accessibles.
Pour ce qui est de la popularité, soyons clairs : la vieille rumeur comme quoi le jazz s’écoute difficilement et est ennuyeux à mourir en concert, c’est n’importe quoi. Certains types de jazz demandent peut-être de la curiosité et de la persévérance, oui. Le jazz est une musique qui se mérite, mais elle est loin d’être inaccessible. D’autre part, les jeunes jazzmen ont les oreilles grandes ouvertes sur d’autres styles, ils créent de nouveaux métissages. Alors allez voir des concerts de jazz, soyez curieux : il y a plein de jeunes musiciens qui ne demandent qu’à jouer, qui créent une nouvelle musique qui vous paraîtra curieusement familière. Vraiment, quelque chose est en train de se passer en ce moment.
Et le jazz ne se joue pas que dans des clubs onéreux, il y a tant de lieux sympas où l’entrée est gratuite et la conso pas chère…

De qui, de quoi aurais-tu besoin pour le bon développement du groupe ?
Paul : Nous sommes dans une bonne dynamique : nous avons gagné plusieurs prix au prestigieux Concours National de Jazz à la Défense, ce qui nous a donné un petit peu plus de visibilité dans les médias spécialisés, et nous a permis de faire des rencontres intéressantes. Nous allons sortir prochainement notre album, qui, je l’espère, rencontrera un écho favorable dans la presse, et constituera un bon outil pour trouver des concerts… Car c’est le but ! Jouer le plus possible, partout, tout le temps…
C’est sûr que si nous avions l’aide d’un tourneur, ce serait génial, mais ils sont rares en France et déjà bien occupés. Idem pour quelqu’un qui m’aiderait à gérer la communication et l’organisation. Tout ça prend un temps fou.
Nous pouvons espérer avoir des propositions de production de notre deuxième album, mais on n’y est pas encore !

Pas de question, la voie est libre pour dire ce que tu veux !
Paul : Merci à toi Maritta et à Guitariste.com pour nous avoir laissé la voie libre. N’hésitez pas à écouter notre musique, si ça vous plaît « likez » notre page facebook, achetez nos disques, venez à nos concerts !
Frank Zappa a dit « jazz is not dead, it smells funny » - alors sortez de chez vous, soyez curieux. Vous verrez que c’est très loin d’être le cas…



Liens :
La page Facebook de PJ5
Le site de Pj5
Le site de Paul Jarret

Dates de concert :
1er mars 2013 – 59 Rivoli – concert de création du Collectif BLO
20 avril 2013 – Salle Daniel Féry (Vigneux-sur-Seine)
5 juillet 2013 – festival « Le Jazz Bat La Campagne » (Parthenay)


Cette rubrique est aussi la vôtre, alors n'hésitez pas à envoyer vos productions pour être interviewé par Maritta Calvez à maritta[a]guitariste.com (remplacez le [a] par @).
[Scène ouverte] PJ5 - Floor Dance EP