A un jour près, les Deftones jouaient au Bataclan, le 13 novembre dernier. A quelques minutes près, trois de leurs membres, présents dans le public durant les premières chansons d'Eagles Of Death Metal, auraient pu faire partie de l'atroce carnage... Les Californiens ont évité le pire, moins de trois ans après le décès de leur "frère" Chi Cheng. Sur son huitième album, le groupe s'acharne dans la voie tracée depuis Diamond Eyes, allie plus que jamais rock aérien et riffs virils et livre une nouvelle composition qui fait briller un invité.

Deftones n'est pas étranger à la cohabitation de la beauté contemplative et de la violence viscérale. Celle-ci se démontre dès l'association de la pochette, et son atmosphère tout aussi flamboyante que zen, avec un titre contenant beaucoup de promesses de sang... Dans sa musique, et notamment dans ses vocaux, Deftones a particulièrement été créatif dans la dualité. Chino Moreno, depuis l'album éponyme, est devenu un chanteur exceptionnel d'expressivité et n'a pas son pareil pour passer d'un registre « murmure / berceuse » aux cris appuyés les plus stressants, parfois quasi démoniaques. Gore fourmille de cette marque de fabrique, ce qui ravira forcément les fans.

Légère nouveauté : ce positionnement se retrouve également chez Stephen Carpenter à la guitare. Et rares sont les moments plus intenses où les deux jouent au chat et à la souris, refusant de déverser le même niveau de violence de concert. Même sur le fort heavy Doomed User, les couplets se distinguent par des lignes vocales assez légères tandis que Carpenter teste les limites de la distorsion de sa gratte. Cette chanson dégage énormément de caractère autant par son dynamise que par la qualité de l'ensemble de ses mélodies.

Car même au cœur des années 90, Deftones a toujours recherché la mélodie. Une mélodie complexe, insaisissable dans les premières écoutes, ce qui a souvent causé les amateurs potentiels à lâcher l'affaire avant de réellement « entendre » toutes les nuances qu'ils écoutaient. Gore ne fait pas exception. Plusieurs écoutes attentives lèvent le voile sur un album plus complexe et varié qu'on pourrait croire. Même les plages les plus simples en apparence, comme Hearts/Wires, qu'on aurait pu imaginer sur un disque de Thrice, révèlent lentement leurs secrets et récompensent la persévérance.

En dehors du riff et des quelques passages un peu ternes sur Pittura Infamante, Deftones n'a pas eu la place pour les moments de faiblesse. Il faut dire que Gore est bien trop occupé à enchaîner les moments de bravoure : du classique Prayers/Triangles à Geometric Headdress, sommet d'inconfort, où Frank Delgado est en état de grâce, en passant par Phantom Bride. Ce dernier, la plus grosse surprise de l'album, donne à Jerry Cantrell la possibilité d'éclabousser de sa guitare grungy un morceau pop qui nécessite toute l'expertise des Américains pour parvenir à se sublimer. Moreno signe une partition référence et donne au public un compagnon idéal à l'incroyable Passenger sur White Pony.

Gore n'est pas un retour triomphant car Deftones n'est, avec des disques comme Diamond Eyes ou Koi No Yokan, jamais vraiment sorti de la circulation. Toutefois, pour la première fois depuis l'indétrônable White Pony, on retrouve Deftones très proche de son sommet artistique. Pas mal, à l'approche des 30 ans du quintette...

Discographie :
Adrenaline (1995)
Around the Fur (1997)
White Pony (2000)
Deftones (2003)
Saturday Night Wrist (2006)
Diamond Eyes (2010)
Koi No Yokan (2012)
Gore (2016)

Tracklist de Gore (en gras les morceaux essentiels) :
1.    Prayers/Triangles      3:38
2.    Acid Hologram      4:06
3.    Doomed User      4:27
4.    Geometric Headdress      3:29
5.    Hearts/Wires      5:21
6.    Pittura Infamante      4:04
7.    Xenon      3:17
8.    (L)MIRL      5:02
9.    Gore      4:59
10.  Phantom Bride    4:53
11.   Rubicon      4:58

Deftones - Gore
Reprise
www.deftones.com

Deftones - Gore