Nous avions laissé Fall Out Boy avec l’excellent Infinity On High que le sympathique Joe Trohman nous avait présenté en détail. Avec son successeur, Folie à Deux, les punk rockers les plus en vogues du moment prennent un virage important dans le style abordé. Tempi plus modérés, textes moins originaux, productions de plus en plus massives et un réflexe quasi maladif de s’écarter de tout ce qui a pu faire le succès des albums précédents : le gang de Pete Wentz a semble-t-il délibérément décidé de composer le disque de la maturité. Mais maturité et punk rock ne sont-ils pas antinomiques ?

Alors que lentement et sûrement le groupe prenait cette voie en ajoutant à sa palette artistique des couleurs surprenantes – les influences industrielles et la participation de Jay-Z et de Babyface avaient marqué Infinity On High – Fall Out Boy force sa démarche sur Folie à Deux en s’associant les services de Pharrell Williams, Lil Wayne ou encore Elvis Costello pour quelques featurings étranges… Si, sur le papier, tout cela pourrait faire croire à une redite, le résultat est tout autre. Andy Hurley explique en tout cas que « toutes les collaborations sur l'album se sont déroulées naturellement. Nous n’avons rien planifié. Les morceaux allaient avec des voix spécifiques, nous avons simplement demandé et ça a marché. »

Avec une ligne directrice plus politique dans les thèmes abordés, par opposition aux paroles très personnelles auxquelles Wentz nous avait habitué jusque-là, Fall Out Boy perd la bonne humeur caractéristique de ses chansons et se focalise sur des titres mid tempo où le piano et les arrangements orchestraux font de nombreuses percées. Pour Partick Stump, « la paternité de Pete a beaucoup à voir avec le fait de penser à autre chose qu'à sa propre personne en tant que parolier. Beaucoup de gens s'attendent à ce que ce disque soit une sorte d'introspection et parle de ses enfants par exemple, mais ce n'est pas ça. Cet album tente de mettre en avant les gens alors que dans nos cultures occidentales, on ne fait que penser à soi-même. »

Aussi bien dans la musique que dans les textes, l’exemple le plus frappant de cette direction nouvelle est le premier single « I Don’t Care ». Patrick continue : « Cette chanson dissèque l'égoïsme d'une certaine façon. "Je me fous de ce que tu penses de moi, du moment que tu parles de moi". C'est une idée si atroce ! C'est quelque chose qui est très présent aux Etats-Unis. C'est pourquoi notre album est politique. Il n'est pas politique de manière très dure, mais je pense qu'il y a cette idée forte chez les gens qui se rendent aux urnes et, la majeure partie du temps, ne pensent qu'à leur personne et aux choses qui les affectent. » « I Don’t Care » place, il est vrai, le quartette américain à un autre niveau sur l’échelle de maturité mais en s’assagissant de la sorte il ressemble aussi de plus en plus à Panic At The Disco, groupe moins intéressant qui a toujours vécu (dans tous les sens du terme) dans leur ombre. L’avenir dira s’il s’agit d’une technique de recul pour mieux sauter…

Le reste de l’album alterne le bon et le moins bon. Le bon avec des morceaux aventureux comme « America’s Suitehearts » ou « Disloyal Order of Water Buffaloes » ou des titres plus conformes au Fall Out Boy tel qu’on le connaissait jusqu’à présent avec le génial « (Coffee’s For Closers) » ou les incisifs « 27 » et « She’s My Winona ». Le moins bon avec « Watch A Catch », « Donnie » et son orgie d’invités derrière le micro ou « w.a.m.s ». avec sa pléthore de lignes vocales énervantes.

Alors que la plupart des groupes comparables s’entêtent à réécrire tous les deux ans le même opus, Fall Out Boy fait preuve ici d’une énorme vitalité qui rend la formation difficile sinon à suivre au moins à prédire. D’ici cinq ans peut-être que tous ses fans auront été entièrement renouvelés… En attendant, profitons d’un disque posé prenant, pour un combo établi, suffisamment de risques pour susciter l’admiration.

Line up :
Patrick Stump (chant, guitare, claviers)
Andy Hurley (batterie)
Joe Trohman (guitare)
Pete Wentz (basse)


Tracklist de Folie à deux (en gras les morceaux essentiels) :

1. Disloyal Order of Water Buffaloes - 4:17
2. I Don't Care - 3:34
3. She's My Winona - 3:51
4. America's Suitehearts - 3:34
5. Headfirst Slide into Cooperstown on a Bad Bet - 3:54
6. The (Shipped) Gold Standard - 3:19
7. (Coffee's for Closers) - 4:35
8. What a Catch, Donnie - 4:51
9. 27 - 3:12
10. Tiffany Blews - 3:44
11. w.a.m.s. - 4:38
12. 20 Dollar Nose Bleed - 4:17
13. West Coast Smoker - 2:46


Discographie :
Fall Out Boy's Evening Out with Your Girlfriend (2003)
Take This to Your Grave (2003)
From Under the Cork Tree (2005)
Infinity on High (2007)
Folie à Deux (2008)



Fall Out Boy – Folie à Deux
Island

Fall Out Boy fait la folie à deux ?