Il arrive souvent un jour où les groupes cultes méritant éclatent en plein jour. Pour Gogol Bordello, cela s’est produit lorsque Madonna a évoqué dans la presse son admiration pour l’énergie tribale d’Eugene Hütz et sa troupe. Cela s’est même confirmé lorsque la bande d’agitateurs a été signée chez Columbia et que le travail de production de son cinquième album a été confié à Rick Rubin. Une collaboration somme toute logique et qui amène avec Trans-Continental Hustle de nouvelles perspectives de développement à ce collectif libre pensant.

Fidèle à son crédo, Rick Rubin pousse Gogol Bordello à revenir à la base de son son et à se focaliser sur le strict essentiel. Néanmoins, avec un violoniste et un accordéoniste dans son line-up, le strict essentiel du groupe comporte de nombreuses couches. Pour autant, Gogol Bordello s’essaie à quelques exercices dépouillés comme When Universes Collide, tenu en grande partie par des lignes vocales sponsorisés par Eristoff et une lugubre guitare acoustique. Toutefois, le naturel revient petit à petit, au fur et à mesure qu’évolue le morceau, et nous rappelle que les forces du combo sont avant tout ancrées dans une mixture acide de gypsy punk populaire.

La véritable nouveauté est à trouver du côté des influences latines qui émaillent l’ensemble de Trans-Continental Hustle. En effet, Eugene Hütz, globe-trotter insoumis, s’est installé au Brésil depuis quelque temps et sa musique s’en ressent énormément. Pala Tute, Raise The Knowledge, My Companjera, Last One Goes the Hope, Trans-Continental Hustle ou Uma Menina Uma Cigana possèdent tous des relents rythmiques sud américains qui se marient superbement bien à l’approche américano-slave du reste. Gogol Bordello distille une world music loin de la vision du label Real World mais elle fédère un nombre impressionnant de nations, comme si Regina Spektor, Manu Chao, Ska-P, Flogging Molly, The Dresden Dolls et Devotchka s’étaient rassemblés pour jouer à l’unisson, sans tabou.

Malgré tout, le résultat final se situe un bon cran en dessous des deux précédents albums, la faute à plusieurs morceaux de second rang et – reconnaissons-le – une certaine lassitude qui commence à poindre. Sun Is On My Side ressemble à un titre acoustique de Johnny Cash où la voix alcoolisée de Hütz ne trouve pas la bonne interprétation. To Rise Above se fait remarquer quant à elle comme une des seules mauvaises chansons écrites par le moustachu.

Au final, Gogol Bordello, en complexifiant sa musique et en variant les styles, a perdu un élément essentiel de sa personnalité : son positivisme décomplexé. On se rappelle de titres comme Sally, Ultimate, Think Locally Fuck Globally, Immigrant Punk ou American Wedding et on se demande où sont passés les délires taillés pour la scène. Le trio de morceaux qui clôt le disque nous laisse tout de même sur une bonne impression et montre que, si Gogol Bordello a choisi de faire un album différent, il n’a aucunement perdu la gnac. Madonna peut dormir tranquille.

Line-up
Eugene Hütz (chant+guitare+percussion)
Sergey Ryabtsev (violon)
Yuri Lemeshev (accordéon)
Oren Kaplan (guitare)
Thomas Gobena (basse)
Pamela Jintana Racine (percussion)
Elizabeth Sun (percussion)
Pedro Erazo (percussion)
Oliver Charles (batterie)

Tracklist de Trans-Continental Hustle
1. Pala Tute – 4:05
2. My Companjera – 3:22
3. Sun Is on My Side – 4:25
4. Rebellious Love – 3:57
5. We Comin' Rougher (Immigraniada) – 3:47
6. When Universes Collide – 4:48
7. Uma Menina Uma Cigana – 4:35
8. Raise the Knowledge – 4:57
9. Last One Goes the Hope – 4:35
10. To Rise Above – 3:48
11. In the Meantime in Pernambuco – 3:11
12. Break the Spell – 4:07
13. Trans-Continental Hustle – 4:17

Discographie
Voi-La Intruder (1999)
Multi Kontra Culti vs. Irony (2002)
Gypsy Punks: Underdog World Strike (2005)
Super Taranta! (2007)
Trans-Continental Hustle (2010)

Gogol Bordello - Trans-Continental Hustle
Columbia
www.gogolbordello.com
Gogol Bordello, sans trop de surprises...