Une harpiste excentrique qui défile pour Armani suffit généralement à créer le buzz autour de la sortie d’un album. Joanna Newsom a clairement bénéficié de ce positionnement unique. Pourtant, elle ne s’arrête pas là. En offrant, bien aidée en cela par la légère bruine de notes assurée par son instrument de prédilection, des chansons enfantines, douces et quelque peu éthérées, elle réussit à incarner les rêves humides de tout fan de folk / rock indie. Encore fallait-il s’inscrire dans la durée et parvenir à trouver un successeur à la hauteur de Ys paru en 2006. Quatre ans, après, comme La Mort de Paul Henreid en 1964, elle frappe trois fois.

Have One On Me est ainsi constitué de trois disques. Trois disques au sens seventies (comprendre « vinyle ») du terme. Trois disques d’environ quarante minutes chacun, avec deux faces de trois titres pour vingt minutes de musique chacune. Cela paraît forcé ? Assurément, Have One On Me possède une certaine artificialité… et d’interminables longueurs. Après tout, si des groupes comme Yes n’ont pas évité de s’épandre inutilement sur leurs albums, comment est-ce que Joanna Newsom le pourrait sur ce triple album de plus de deux heures ?


A première vue, ce troisième opus constitue l’évolution logique du chemin artistique pris par l’Américaine depuis ses débuts. The Milk-Eyed Mender se définissait par son minimalisme extraordinaire. Ys par son emphase quasi démesurée mais fort bien conduite. Have One On Me suit et se place sous le signe de l’excès. L’excès dans les choix de production, l’excès dans la quantité de musique proposée, l’excès dans les moments forts de l’album mais aussi malheureusement l’excès dans ses passages faibles. Et il en est rempli.



Les deux tiers de Have One On Me – soit deux disques entiers – ne valent le détour que pour les amateurs de musique ordinaire sans autre prétention que de faire passer d’étranges messages par le biais des textes. Reste la harpe, brillamment utilisée tant sur les mélodies que comme instrument de percussion. Toutefois, cet émerveillement n’a qu’un temps et, même si l’on découvre l’univers de la belle, il ne surprend déjà plus dès les premiers instants du CD2, la faute à une répétitivité extrême dans la forme des compositions. Celles-ci se rapprochent presque toujours du format ballade à la Kate Bush / Björk / Regina Spektor dans leurs moments les moins inspirés. La chanteuse semble timorée et incapable de s’affirmer avec autorité. Seul « Kingfisher » en toute fin d’album nous fait mentir.

En dépit de tout cela, Have One On Me mérite l’attention pour quelques moments de génie où Joanna Newsom se montre à la hauteur de sa renommée. Dans l’ordre, « ’81 », brillante ritournelle apaisante, « Baby Birch » et « In California », lentes complaintes aux accents progressifs, « Go Long », morceau à l’atmosphère dépressive dépeinte avec une sorte d’ensorcellement, et le très médiéval / folk « Kingfisher » amènent ce triple disque vers des sommets insoupçonnés. Les chutes répétées dans les creux hypnagogiques sont d’autant plus dures à comprendre et, surtout, à accepter…

Line-up :
Joanna Newsom (chant, piano, harpe)
+ invités

Tracklist de Have One On Me (en gras les morceaux essentiels) :

Disc 1
1.Easy 6:04
2.Have One On Me  11:02
3.'81  3:51
4.Good Intentions Paving Company  7:02
5.No Provenance  6:25
6.Baby Birch  9:30

Disc 2
1.On A Good Day  1:48
2.You And Me, Bess  7:12
3.In California  8:41
4.Jackrabbits  4:23
5.Go Long  8:02
6.Occident  5:37

Disc 3
1.Soft As Chalk  6:29
2.Esme  7:56
3.Autumn  8:01
4.Ribbon Bows  6:10
5.Kingfisher  9:11
6.Does Not Suffice  6:44

Discographie :
The Milk-Eyed Mender (2004)
Ys (2006)
Have One On Me (2010)

Joanna Newsom – Have One On Me
Drag City
www.joanna-newsom.com
Joanna Newsom, coup de pub ou coup de tube ?