Le magnifique Walk The Line, non content d’être un film admirable, aura permis à Johnny Cash d’être enfin reconnu à sa juste valeur en France, un pays qui a dû attendre sa mort pour en entendre réellement parler et un long métrage pour s’y pencher. Prolifique jusqu’à son dernier souffle, le pionnier de la country music a entamé une deuxième carrière en 1994 sur le label American et a sorti coup sur coup ses disques les plus aboutis, intimes et personnels. En 2006, American V: A Hundred Highways paraît de façon posthume et nous présente quelques trésors inédits des nombreuses sessions réalisées sous la direction artistique de Rick Rubin. Quatre ans plus tard sort American VI: Ain't No Grave qui ajoute dix nouvelles perles de folk / country acoustique au répertoire de Johnny Cash. Chronique d’outre-tombe.

 Entouré notamment de deux membres des Heartbreakers, Mike Campbell et Benmont Tench, Cash livre ici un récital connu mais toujours aussi efficace. Il s’appuie sur des morceaux plus ou moins célèbres dont les paroles prennent dans sa bouche un sens prophétique et ténébreux. L’effet a beau être extrêmement familier, il marche à tous les coups tant le soin qu’il apporte à sa performance vocale impressionne.


Les arrangements, dépouillés au possible, possèdent exactement ce qu’il faut d’arpèges, de percussions discrètes et de soutien de la part des claviers pour retranscrire la patte et l’intelligence du singer-songwriter. L’album présente aussi une composition originale intitulée « I Corinthians 15:55 ». Cette dernière est une chanson biblique comme il en a écrit des dizaines par le passé. Il l’interprète toujours avec autant de justesse et d’expressivité, nous rappelant en même temps que la religion fut, avec June Carter Cash, la force essentielle de sa vie

Le reste de la fournée alterne l’excellent (“Ain’t No Grave - Gonna Hold This Body Down, Redemption Day”, “Can't Help But Wonder Where I'm Bound”) et le moyen (“A Satisfied Mind”, “I Don’t Hurt Anymore”). Mais le savoir-faire de la paire Johnny Cash / Rick Rubin permet aux plages moins percutantes d’être tout de même appréciées tandis que les moments forts trouvent une place directement à côté des plus belles réussites de la série. En effet, l’envoûtant « Ain’t No Grave - Gonna Hold This Body Down » ou le délicieux « Redemption Day » n’ont pas à rougir face à « Hurt », version définitive de la chanson signée par Nine Inch Nails, à « Solitary Man » et autres « God’s Gonna Cut You Down ».

Il manque peut-être à American VI: Ain't No Grave quelques têtes d’affiche comme ce fut le cas sur les volumes précédents avec la présence de morceaux de Bruce Springsteen (« Further On » (Up The Road)), U2 (« One »), Nick Cave And The Bad Seeds (« The Mercy Seat »), Soundgarden (« Rusty Cage ») ou Leonard Cohen (« Bird On A Wire »). Mais s’arrêter à ce détail reviendrait à bouder inutilement son plaisir. Un plaisir qui, comme Johnny Cash, revêt un caractère éphémère puisque, à peine le disque fini, on réalise qu’il s’agit cette fois-ci du véritable chant du cygne du Man In Black, le seul artiste capable de sortir deux disques posthumes sans ternir une seule seconde sa vénérable réputation. Révérence éternelle.
 

Line-up :
Johnny Cash (chant, guitare)
Mike Campbell (guitare)
Smokey Hormel (guitare)
Jonny Polonsky (guitare)
Matt Sweeney (guitare)
Benmont Tench (claviers)

Tracklist de American VI: Ain't No Grave (en gras les morceaux essentiels) :
1. Ain't No Grave - Gonna Hold This Body Down (Claude Ely) – 2:53
2. Redemption Day (Sheryl Crow) – 4:22
3. For the Good Times (Kris Kristofferson) – 3:22
4. I Corinthians 15:55 (Johnny Cash) – 3:38
5. Can't Help But Wonder Where I'm Bound (Tom Paxton) – 3:26
6. A Satisfied Mind (Red Hayes, Jack Rhodes) – 2:48
7. I Don't Hurt Anymore (Don Robertson, Walter E. Rollins) – 2:45
8. Cool Water (Bob Nolan) – 2:53
9. Last Night I Had the Strangest Dream (Ed McCurdy) – 3:14
10. Aloha Oe (Queen Lili'uokalani) – 3:00


Johnny Cash - American VI: Ain't No Grave
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Johnny Cash, la gloire posthume

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