Comme son groupe "cousin", The Flaming Lips, Mercury Rev semble inoxydable. Il traverse les époques en se réinventant, en devançant les codes du rock indé pour toujours préserver son étiquette avant-gardiste. Les américains sont moins prompts que par le passé pour livrer de la nouvelle musique - The Light In You arrive sept ans après Snowflake Midnight - mais ils n'ont pas perdu la foi. Mieux, ce neuvième opus, qui marque l'ouverture du quatrième chapitre de la carrière du groupe selon son guitariste Grasshoper, est la célébration de tout ce qui fait de Mercury Rev une formation brillante, subtile et vibrante.
On a du mal à se rappeler qu'il fut une époque où Mercury Rev produisait du bruit aussi facilement que la discographie de Neil Young se rallonge. Depuis le succès du remarquable Deserter's Songs, Mercury Rev s'applique davantage à produire des chansons « parfaites » que des titres distordus et chaotiques. Aujourd'hui, quand on pense à Donahue et Grasshoper, on pense à un envol de papillons, un regard désuet sur l'amour, une mélancolie à fleur de beau, une sensibilité presque excessive... Il faut dire que le duo s'est fait un nom avec sa musique sentimentale qui tire à son avantage les gimmicks sirupeux de la pop orchestrale.
En effet, sur le papier Mercury Rev devrait frôler l'overdose de gnan-gnan. Paroles, arrangements, lignes mélodiques et même l'utilisation d'une chorale d'enfants : tout est une recette pour l'échec. Pourtant, le groupe ne fait pas les choses comme les autres. Coming Up For Air, pris au premier degré, ou comme une chanson de South Park, pourrait prêter à sourire. Or, il s'agit d'une excellente vitrine pour le quintette qui y déploie son énergie enfantine avec application. Amelie perpétue la tradition des chansons intimistes qui ne reposent pas sur grand-chose si ce n'est la voix éberluée de Jonathan Donahue triturée sur un lit d'arrangements minimalistes.
Et quand The Light In You prend un tournant inattendu disco avec Sunflower (inclus : bruits de moteur et groove dansant qui ferait bouger les formes de Beyoncé), on repense à tout ce qu'est capable de produire le duo. C'est tout le dernier tiers du disque qui semble perdu dans une faille temporelle. Son successeur, Moth Light, est le genre de pop expérimentale des années 60 que les Beatles ont popularisée tandis que Rainy Day Record est dopé par des rythmes funk avec quelques attaques de cithare avant un break rappé. A l'écoute, cela reste bien plus cohérent que cette description et clôt les débats dans une explosion d'ondes positives.
Ces incursions en territoire inconnu sont bienvenues mais ne doivent pas distraire du véritable intérêt de The Light In You : les titres introspectifs constamment émerveillés. The Queen Of Swams ou Are You Ready? ne possèdent pas une mesure qui ne soit pas typique du son Mercury Rev et pourtant ils réussissent à convaincre. Le groupe s'est fait suffisamment rare pour créer un vrai manque et aucun de ses suiveurs n'a réussi à lui emboiter le pas. Malgré l'absence du bassiste/producteur Dave Fridmann, les américains ont su gérer à la perfection leur retour. Ils ne signent pas un album tout à fait indispensable, mais The Light In You n'en demeure pas moins un plaisant voyage.
Line-up :
Jonathan Donahue (chant+guitare)
Sean "Grasshopper" Mackowiak (guitare)
Jeff Mercel (batterie+claviers)
Carlos Anthony Molina (basse)
Jason Miranda (batterie)
Discographie :
Yerself is Steam (1991)
Boces (1993)
See You on the Other Side (1995)
Deserter's Songs (1998)
All is Dream (2001)
The Secret Migration (2005)
Hello Blackbird (2006)
Snowflake Midnight (2008)
The Light in You (2015)
Tracklist (morceaux essentiels en gras) :
1. The Queen of Swans 3:58
2. Amelie 3:57
3. You've Gone with So Little for So Long 3:30
4. Central Park East 6:13
5. Emotional Free Fall 4:16
6. Coming up for Air 3:16
7. Autumn's in the Air 4:31
8. Are You Ready? 3:47
9. Sunflower 3:28
10. Moth Light 3:43
11. Rainy Day Record 3:41
Mercury Rev – The Light In You
Bella Union
www.mercuryrev.com
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