Arrivé à un certain stade de popularité, il devient assez rare pour un groupe de sortir de bons albums studio puisqu’il préfère généralement se reposer sur un répertoire bien huilé lui ayant justement permis d’atteindre ce niveau de notoriété. Muse, dont l’ascension fut aussi rapide qu’intense, avait déjà connu une réussite commerciale exceptionnelle au bout de trois albums et l’on pensait le trio perdu pour la cause. Et pourtant, avec Black Holes And Revelations, en 2006, il passe encore un pallier – celui qui lui permit de jouer plusieurs soirs de suite au Palais Omnisport de Paris Bercy puis de booker le Parc Des Princes – et étonne par son ambition, sa vision et sa capacité à traduire tout cela en un ensemble cohérent de musique. Arrive ainsi The Resistance, le cinquième opus des Anglais dont quelques extraits ont été présentés lors d’un concert privé au Théâtre du Châtelet six jours avant la mise en bacs du disque. Retour sur ces deux événements.

Une chose demeure certaine : il s’agit là de deux expériences bien distinctes. La première nous montre un trio en pleine confiance assénant des riffs d’une lourdeur souvent impressionnante pour un groupe aussi « mainstream ». Muse pourrait jouer n’importe quel titre, il en sortira quelque chose d’exemplaire et d’irrésistible tant la scène semble constituer son terrain de jeu de prédilection. La seconde, en revanche, met en lumière quelques inquiétants signes d’essoufflement créatif de Matthew Bellamy.

Ceux qui ont déjà vu un concert du groupe et toute l’artillerie qu’il déballe savent que Muse aime voir les choses en grand. Néanmoins, ce qui passe pour une force lors d’un live peut rapidement se retourner contre soi sur disque. The Resistance, album tombant dans tous les stéréotypes du rock progressif, tente obstinément d’être le disque le plus recherché de la décennie. Avec un luxe ostentatoire permanent et des références non dissimulées à Queen, Depeche Mode, System Of A Down, Queens Of The Stone Age – j’en passe – ce cinquième album a finalement les idées bien courtes et guère plus d’ambition qu’un Chinois réalisant des contrefaçons de sacs Louis Vuitton. Muse serait-il en train de devenir le Dream Theater du rock ?

Le concert joué au Théâtre du Châtelet appuie cette théorie, même si le groupe garde encore dans ce domaine une très confortable longueur d’avance sur les Américains en termes de charisme et de clarté sonore. Avec la reprise inattendue de « Popcorn » et une ribambelle de morceaux expédiés à la va-vite sans grande communication avec le public – excepté de la part du batteur Dominic Howard – mais avec une maîtrise technique laissant pantois le trio semble tout de même prendre la voie tracée par Portnoy & co. L’effet des bombes « Map Of The Problematique », « Stockholm Syndrome » ou « Plug-In Baby », pour n’en citer que trois, n’est pourtant altéré en rien tant le plaisir ressenti par les trois Anglais s’exprime sur leurs visages et dans leur jeu plutôt que par leurs bouches. Pas certain qu’on y perde au change.



Parmi les nouveaux titres seuls « Uprising », classique immédiat, joué en ouverture et plus complexe « Unnatural Selection » se dégagent et laissent entrevoir The Resistance sous de bons auspices. Six jours plus tard : douche froide. Le reste du disque alterne entre morceaux pop sans prétention (« Resistance », « Undisclosed Desires ») et moments pompeux au-delà de l’imaginable (la « symphonie » finale, « United States of Eurasia »). De quoi remettre les Flower Kings à leur place ! Dans ce nouveau positionnement seul l’étrange « I Belong to You/Mon cœur s'ouvre à ta voix » trouve sa place. Reste à savoir si les fans en dehors du territoire français accrocheront à ce titre qui pourrait rapidement être qualifié de farce et ne possède absolument pas le second degré de « Knights Of Cydonia »…

Finalement, qu’on en attende de la pop musclée ou du prog’ arty, The Resistance déçoit. Grandement. Heureusement, dans le cadre d’un concert tous ses extraits, en tranchant avec le répertoire passé, s’acceptent plus facilement et donnent un rythme supplémentaire à une prestation aussi illustre que The Resistance est négligeable.

Line-up :
Matthew Bellamy (chant, guitare, claviers)
Christopher Wolstenholme (basse)
Dominic Howard (batterie)

Setlist du concert privé du Théâtre du Châtelet (Paris / 08/09/09) :
Uprising
Map of the Problematique
Supermassive Black Hole
Resistance
Hysteria
New Born
United States Of Eurasia
Cave
Popcorn (reprise de Gershon Kingsley)
Starlight
Undisclosed Desires
Time Is Running Out
Unnatural Selection
Stockholm Syndrome
---------------------------------
Plug In Baby
Knights of Cydonia


Tracklist de The Resistance (en gras les morceaux essentiels) :

1. "Uprising" – 5:02
2. "Resistance" – 5:46
3. "Undisclosed Desires" – 3:56
4. "United States of Eurasia/Collateral Damage" – 5:47
5. "Guiding Light" – 4:13
6. "Unnatural Selection" – 6:54
7. "MK Ultra" – 4:06
8. "I Belong to You/Mon cœur s'ouvre à ta voix" – 5:38
9. "Exogenesis: Symphony Part 1 (Overture)" – 4:18
10. "Exogenesis: Symphony Part 2 (Cross-Pollination)" – 3:56
11. "Exogenesis: Symphony Part 3 (Redemption)" – 4:37

Discographie :
Showbiz (1999)
Origin Of Symmetry (2001)
Absolution (2003)
Black Holes And Revelations (2006)
The Resistance (2009)



Muse – The Resistance
Helium 3
www.muse.mu

Muse, la fin d'un règne ?