Depuis que j’ai vu Phil Collins déambuler frénétiquement dans South Park avec son Oscar, je n’arrive plus à le prendre au sérieux. Pourtant, que ce soit avec Genesis ou durant sa carrière solo, l’Anglais ne manque pas de crédibilité. Il s’agit ni plus ni moins d’un des plus gros vendeurs de disques de tous les temps doublé d’un musicien hors pair ! Mais rien n’y fait… Heureusement, mes états d’âme n’empêchent pas notre bonhomme de dormir. En effet, depuis plusieurs années, Collins jongle entre ses nombreux projets (un album solo par ci, une comédie musicale par là et une réunion de Genesis pour faire bonne figure) en cherchant uniquement à se faire plaisir. Et, puisque ça lui réussit, il continue. Avec un album de reprises de standards de la Motown et quelques extras. Pas vraiment l’univers habituel auquel nous a habitué celui qui, il y a plus de quarante ans, définissait aux côtés de Yes et de King Crimson le rock progressif. Purement et simplement.

Il aura fallu huit ans à Phil Collins pour se décider à « retourner en arrière ». Cela était sans doute nécessaire après le naufrage critique et commercial de Testify en 2002. Et ce retour en arrière peut se lire à deux niveaux. Le premier voit le chanteur-batteur se ressourcer dans un répertoire qu’il a de tout temps affectionné. Le second peut s’interpréter comme une volonté de renouer avec des tubes faciles. Après tout, You Can’t Hurry Love reste un de ses plus gros hits et c’était une reprise (The Supremes). Toujours est-il que depuis le début de l’année, nous avons droit à des albums de reprises de multiples nababs de la pop. Tom Jones, Carlos Santana, Peter Gabriel et maintenant Phil Collins. L’épidémie du millionnaire flemmard semble donc se répandre à une vitesse inquiétante…

Malgré tout, Collins tire son épingle du jeu… dans une certaine mesure. Si sa patte est bien présente tout le long des dix huit morceaux choisis, que le filtre « pop » a été appliqué sans équivoque possible et que l’interprétation vocale et instrumentale demeure impeccable de bout en bout, on reste quelque peu sur sa faim quant aux nouveaux arrangements. Phil Collins fait des copies carbones et espère que son timbre de voix soit suffisant pour rendre hommage à la ribambelle de classique ici présentés.

Même les techniques de production sont parfois reproduites comme en atteste Do I Love You des Ronettes, rendu célèbre par le génial Phil Spector, ce qui, avouons-le, est très étrange. De ce fait, Going Back s’écoute comme on écouterait un sampler, avec une curiosité distraite. Car même si Phil Collins s’approprie remarquablement bien quelques morceaux uptempos comme Girl (Why You Wanna Make Me Blue) des Temptations ou Uptight (Everything’s Alright) de Stevie Wonder, toutes ces chansons ont été maintes fois revisitées. C’était déjà le cas à l’époque de leur sortie initiale où de nombreux groupes anglais adaptaient ce que les Américains avaient pu écrire. Alors en 2010, on ne peut que rouler des yeux…



D’un point de vue strictement créatif, Peter Gabriel bat son ancien camarade de Genesis dans l’exercice de l’album de reprises. En effet, aussi décrié Scratch My Back soit-il, on ne peut ni lui reprocher son audace dans le choix des morceaux ni son courage dans la ré-interprétation. Le compositeur de In The Air Tonight semble réellement reparti à l’époque de la photo illustrant la pochette de Going Back : un temps où le jeune musicien devait s’appliquer à reproduire ses modèles avant de prétendre à la création. Quarante ans plus tard, fort de nombreux enseignements et expériences, Phil Collins aurait pu prendre le recul que son jeune âge ne lui permettait alors pas et offrir à son public un disque un peu plus marquant. Comme au bon vieux temps, en somme…


Line-up :
Paul Collins (chant+instruments)
+ musiciens de session

Discographie :
Face Value (1981)
Hello, I Must Be Going! (1982)
No Jacket Required (1985)
... But Seriously (1989)
Both Sides (1993)
Dance into the Light (1996)
Testify (2002)
Going Back (2010)

Tracklisting de Going Back (en gras les morceaux essentiels) :
1. Girl (Why You Wanna Make Me Blue) 2:28
2. (Love Is Like A) Heatwave 3:03
3. Uptight (Everything's Alright) 3:03

4. Some of Your Lovin' 3:20
5. In My Lonely Room 2:25
6. Take Me in Your Arms (Rock Me a Little While) 2:59
7. Blame It on the Sun 3:27
8. Papa Was a Rolling Stone 6:44
9. Never Dreamed You'd Leave in Summer 3:00
10. Standing in the Shadows of Love 2:41
11. Do I Love You 2:50
12. Jimmy Mack 2:56
13. Something About You 2;47
14. Love Is Here and Now You're Gone 2:40
15. Loving You Is Sweeter Than Ever 2;48
16. Going to a Go-Go 2:49
17. Talking About My Baby 2:47
18. Going Back 4:36

Phil Collins – Going Back
Atlantic
www.philcollins.co.uk
Le baluche vu par Phil Collins