Carlos Santana, revenu à la surprise générale sur le devant de la scène à la fin des années 90, jongle depuis la sortie de Supernatural entre compilations, live et albums studio très décevants. Il ne manquait au tableau qu'un album de reprises. Heureusement, le Mexicain se rappelle aujourd'hui à notre bon souvenir avec sa vision de quelques-uns des plus grands classiques rock des années 60 à 90, un exercice où il est bien connu que jamais aucun artiste n'a produit un album de piètre qualité (roulement dépité des yeux). Santana sera-t-il capable à travers Guitar Heaven: The Greatest Guitar Classics of All Time de redonner ses lettres de noblesses aux LPs de « cover versions » ?

Un coup d'œil aux morceaux choisis ébranle déjà quelque peu la confiance qu'on peut lui accorder. Aucune pépite rare, uniquement des standards de The Rolling Stones, Cream, The Beatles, Van Halen, Jimi Hendrix, Led Zeppelin, AC/DC ou encore Deep Purple. On aurait aimé entendre au moins deux ou trois morceaux moins emblématiques mais qui ont façonné le style et le jeu de Santana dans sa jeunesse. Mais n'est pas Gary Moore qui veut et, après tout, il est toujours possible de réussir son coup si l'on profite de l'occasion pour revisiter en profondeur et avec sa propre personnalité l'ensemble de cet héritage musical.

Manque de bol, Santana, à la manière d'un élève studieux, nous livre un album léché, très bien produit mais sans la moindre saveur. Chaque titre choisi est arrangé de la même façon : 95% à l'identique de l'original et 5% de différenciation. Et encore cette différenciation se répète de chanson en chanson : quelques soli « santaniens » accompagnent les mélodies avec un renfort plus ou moins prononcé de percussions latines. Pas de quoi taper sur ses congas de joie.

Et comme pour mieux cacher cet abysse de créativité, le guitariste se replie derrière des invités (vocaux pour la plupart) à l'aura presque aussi importante que les artistes repris. Chris Cornell nous donne sa meilleure imitation de Robert Plant sur Whole Lotta Love, comme si ce n'était pas déjà ce qu'il faisait à longueur d'années au sein de Soundgarden ou Audioslave. Jacoby Shaddix et Rob Thomas, également en mode clone, s'attaquent respectivement à Smoke On The Water et Sunshine Of Your Love. Même Joe Cocker a du mal à s'exprimer pleinement sur le Little Wing d'Hendrix. Seuls Chester Bennington, sur une version assez agréable de Riders On The Storm où le frontman de Linkin Park trouve le ton juste, et Chris Daughtry sur Photograph prennent un peu de plaisir à se plier à l'exercice imposés par leur chef d'un jour. Ce dernier joue, pour le meilleur et pour le pire, avec tous les clichés qu'il a accumulés au fil des années et devrait, au moins pour ce type de disques, apprendre à maîtriser ses envies d'asperger ses licks à tout va sans la moindre raison apparente.

Guitar Heaven: The Greatest Guitar Classics of All Time présente tout de même deux titres arrangés de manière un peu « spéciale ». Malheureusement, cette prise de risque ne s'avèe pas payante puisqu'ils ne sont pas loin de constituer également les deux plus gros ratés de l'entreprise. Back In Black voit l'excellent rappeur Nas tenir le micro dans une version bas de gamme du classique des frères Young où toute la puissance de l'original s'est dissipée dès les premières secondes. On ne peut accuser le flow de Nas de cet échec ni même l'idée de base, puisque Jay-Z a déjà prouvé que le hip hop pouvait s'approprier avec brio cette chanson, mais bien Santana qui se contente simplement du minimum syndical. Quant à While My Guitar Gently Weeps : on découvre sans doute le meilleur titre des Beatles dans un arrangement vomitif – où le maître Yo Yo Ma passe pour un des violoncellistes d'Apocalyptica - tout droit sorti d'une compilation easy listening vendue dans un magasin bio.

Dans cette catastrophe, Santana aura néanmoins réussi un bien bel exploit : celui de produire un disque banal à base de compositions de génie jouées par des musiciens prodigieux. A écouter absolument une fois pour voir à quel niveau de médiocrité on peut tomber.


Line-up :
Carlos Santana (guitare)
Dennis Chambers (batterie)
Benny Rietveld (basse)
Karl Perrazo (percussion)
Tommy Anthony (guitare)
Freddie Ravel (claviers)
Andy Vargas (chœurs)
Raul Rekow (congas)
Bill Ortiz (trompette)
Jeff Cressman (trombone)

Discographie :
1969 : Santana
1970 : Abraxas
1971 : Santana III
1972 : Caravanserai
1973 : Love, Devotion, Surrender (avec John McLaughlin)
1973 : Welcome
1974 : Illuminations
1974 : Borboletta
1976 : Festival
1976 : Amigos
1978 : Inner Secrets
1979 : Oneness, Silver Dreams - Golden Reality
1979 : Marathon
1980 : The Swing of Delight
1981 : Zebop !
1982 : Shangó
1983 : Havana Moon
1985 : Beyond Appearances
1987 : Freedom
1987 : Blues for Salvador
1988 : Viva Santana !
1990 : Spirits Dancing in the Flesh
1992 : Milagro
1993 : Santana Jam (Bootleg)
1994 : Brother
1995 : Dance of the Rainbow Serpent
1996 : MCMLXVIII
1999 : Supernatural
2001 : Carlos Santana, Divine Light
2002 : Shaman
2003 : Ceremony
2004 : Food For Thought
2005 : All That I Am
2010 : Guitar Heaven: The Greatest Guitar Classics of All Time

Tracklisting de Guitar Heaven: The Greatest Guitar Classics of All Time (en gras les morceaux essentiels) :
1. Whole Lotta Love (feat. Chris Cornell) 3:51
2. Can't You Hear Me Knocking (feat. Scott Weiland) 5:38
3. Sunshine of Your Love (feat. Rob Thomas) 4:43
4. While My Guitar Gently Weeps (feat. India.Arie & Yo-Yo Ma) 6:02
5. Photograph (feat. Chris Daughtry) 4:04
6. Back in Black (feat. Nas & Robyn Troup) 4:20
7. Riders on the Storm (feat. Chester Bennington & Ray Manzarek) 5:23
8. Smoke on the Water (feat. Jacoby Shaddix) 5:06
9. Dance the Night Away (feat. Patrick Monahan) 3:23
10. Bang a Gong (feat. Gavin Rossdale) 3:41
11. Little Wing (feat. Joe Cocker) 4:52
12. I Ain't Superstitious (feat. Jonny Lang) 3:56


Santana - Guitar Heaven: The Greatest Guitar Classics of All Time
Arista
www.santana.com
Carlos Santana, des classiques, des pointures mais pas d'album