Chronique d'une fin programmée. The Dillinger Escape Plan a fait de l'imprévisibilité son fonds de commerce. Le fait que le groupe annonce son sixième album comme étant son dernier n'est qu'un exemple de plus pour une longue liste. Il rejoint des formations aussi variées que Sentenced, Yellowcard ou A Tribe Called Quest qui ont également eu le luxe de programmer leur arrêt. A partir d'aujourd'hui son héritage commence véritablement.

Dans la carrière d’un groupe, ses deux albums les plus importants sont certainement le premier et le dernier. On passe sur Calculating Infinity, un essentiel de toute discographie metal respectable, et on s’attarde donc sur Dissociation, classique avant même de le devenir ! Bien qu’il n’atteigne pas les sommets d’Ire Works, pondu il y a bientôt dix ans, il est suffisamment empreint de magie, de moments de bravoure et de prouesses divers pour assurer aux Américains une sortie sous un tonnerre d’applaudissements.

 

En dépit de la nature expérimentale de sa musique, The Dillinger Escape Plan nous a habitués à une certaine forme de réflexes au cours des presque deux décennies passées en sa compagnie. On sait que l’on va être balloté en permanence entre passages hardcore et influences électroniques plus atmosphériques. L’album déboule dans un capharnaüm asphyxiant avec Limerent Death. Un peu comme pour Meshuggah dont on vous parle aussi ce mois-ci, les notes apparemment chaotiques laissent place à une expérience musicale intrigante tant sur le plan technique que mélodique. Les Américains, en faisant carburer leurs compositions au groove, sont bien plus accessibles dans leur approche que les Suédois (Wanting Not So Much to as To).

 

Les écarts de style présents dans les cinq premières pistes de Dissociation rendraient fier Mr. Bungle. La plus surprenante, Fugue, en grande partie électronique, rappelle que The Dillinger Escape Plan peut aussi bien cogner qu’inciter à la contemplation. Low Feels Blvd propose un soli jazzy tout droit sorti d’un album du Mahavishnu Orchestra. Ca déborde d’un toucher mélodique subtil qui pourrait paraître hors sujet mais qui au contraire trouve parfaitement sa place en appui de la lourdeur des rythmiques. Il prouve à tous ceux qui pourraient douter des facultés musicales du groupe de quoi il est capable. Pour le reste, Ben Weinman s’applique à nuancer au maximum son jeu. Il en résulte un album plus « tranquille » qu’à l’accoutumée, pas si loin de ce que cherche à faire Mastodon (Symptom of Terminal Illness).

 

Sur la dernière piste de l’album, le morceau-titre, The Dillinger Escape Plan fait vibrer la corde émotionnelle. Les cinquante premières secondes, où apparaissent violon et violoncelle, sont dignes d’une bande originale de drame. La suite s’envole, chargée de sentiments un peu comme sur les derniers efforts de Deftones. On mesure alors le vide que va représenter leur absence. Comme un groupe fauché en plein vol, The Dillinger Escape Plan ne semblait pas encore avoir tout exploré. Il s’arrête peut-être en milieu de phrase mais son discours ne sera pas oublié. Et Dissociation figurera en bonne place lorsqu’il s’agira de se souvenir de ce que le groupe a pu faire durant sa carrière de vingt ans.

 

Discographie : 

  • Calculating Infinity (1999)
  • Miss Machine (2004)
  • Ire Works (2007)
  • Option Paralysis (2010)
  • One of Us Is the Killer (2013)
  • Dissociation (2016)

 

Tracklist de Dissociation

En gras les morceaux essentiels :

  • 1. Limerent Death  4:06
  • 2. Symptom of Terminal Illness  4:03
  • 3. Wanting Not So Much to as To  5:23
  • 4. Fugue  3:49
  • 5. Low Feels Blvd  4:05
  • 6. Surrogate  5:05
  • 7. Honeysuckle  4:22
  • 8. Manufacturing Discontent  4:22
  • 9. Apologies Not Included  3:23
  • 10. Nothing to Forget  5:15
  • 11. Dissociation  6:14

 

 

The Dillinger Escape Plan - Dissociation

www.dillingerescapeplan.org

The Dillinger Escape Plan - Dissociation