La sortie de piste de Savatage, plus ou moins contrôlée depuis le décès de Criss Oliva, aura eu pour avantage de nous proposer un nombre important de spin offs, parfois de fort bonne facture. Le plus surprenant est sans nul doute le Trans-Siberian Orchestra qui rencontre un succès commercial assez étourdissant aux Etats-Unis depuis la parution de son premier album en 1996 (Christmas Eve And Other Stories). Bâtie comme une extrapolation du titre Chance extrait de Handful Of Rain, la carrière de ce groupe à géométrie variable, mais toujours centrée sur le trio O'Neill / Oliva / Kinkel, vient maintenant à la rencontre du Vieux Continent en trois temps. Premier mouvement : sortie en fin d'année 2010 du chef d'œuvre du groupe, Beethoven's Last Night. Deuxième acte : arrivée dans nos bacs de Night Castle, avec quelques morceaux bonus, le 18 février 2011. Et enfin : mini-tournée européenne. De quoi se familiariser avec un rock opéra riche en émotions, parfait palliatif à l'absence des géniaux et trop souvent injustement oubliés, Savatage.

Outre-Atlantique, les albums de Noël constituent depuis des dizaines d'années d'authentiques vaches à lait pour l'industrie musicale. Bing Crosby, Elvis Prestley, Céline Dion ou Mariah Carey peuvent le confirmer : un juste mélange de reprises et de nouvelles compositions hivernales peuvent rapporter gros. Christmas Eve And Other Stories s’est inscrit dans cette direction et a permis au Trans-Siberian Orchestra d'imposer ses shows dantesques qui solidifieront sa réputation jusqu'à The Lost Christmas Eve en 2004, dernier domino pour l'instant d'une série de trois albums consacrée au jour le plus férié de l'année. Night Castle voit pour sa part la lumière du jour cinq ans plus tard et fait écho à Beethoven's Last Night en ne s'inspirant pas de la blanche saison pour accoucher de son concept gargantuesque. Les fans auront d'ailleurs tout le loisir de plonger dans l'histoire grâce au livre(t) fourni avec le double disque et très joliment illustré par Greg Hildebrandt.

Mais qu'en est-il de la musique ? Le syndrome « Flower Kings », qui transforme en double album tout disque qui aurait dû tenir en un simple, semble avoir frappé de plein fouet le projet de Paul O'Neill. Il faudra donc fouiller parmi des tonnes de remplissage pour déterrer les meilleurs moments de Night Castle. Tout le contraire de Beethoven's Last Night qui ne s'égarait qu'en de rares occasions. Les chanteurs masculins, au sein desquels se trouve Jeff Scott Soto, peinent à s'écarter des poncifs établis par Meat Loaf (Sparks, Father Son & Holy Ghost) et, lorsqu'ils y parviennent, c'est uniquement pour mieux retomber dans les clichés du Trans-Siberian Orchestra lui-même.



En effet, avec une décennie et demi de musique derrière lui, le collectif commence à se répéter dangereusement dans la composition des lignes de chant et le traitement vaguement heavy metal de grands crus de la musique classique. Pour rajouter aux sources de mécontentement, le Trans-Siberian Orchestra reprend quatre compositions de Savatage dont deux qui sont elles-mêmes des reprises (Mozart And Madness, Believe, Prelude To Madness et Temptation Revelation). Leurs rendus sont globalement assez déplorables et ne font pas honneur au patrimoine immense des frères Oliva.

Néanmoins, Night Castle propose quelques éclairs fulgurants. Le morceau-titre et les deux chansons épiques (There Was A Life et Epiphany) retrouvent la dimension lyrique nous ayant tant fait aimer les premiers albums. Dans le genre « ballades longues et pleines d'entrain », il semble périlleux de faire mieux si on ne s'appelle pas Jim Steinman. Pour autant, en dépit de ces qualités certaines, Night Castle déçoit et montre un groupe trop sûr de ses forces pour se mettre en danger artistique. Comme les canons qui étaient devenus hyper prévisibles sur les albums de Savatage au moment de sortir The Wake Of Magellan, le Trans-Siberian Orchestra s'est mué en une marque de fabrique plutôt qu'en force créative. Dommage.


Line-up :
Paul O'Neill
Jon Oliva
Robert Kinkel
+ de nombreux musiciens

Discographie :
Christmas Eve And Other Stories (1996)
The Christmas Attic (1998)
Beethoven's Last Night (2000)
The Lost Christmas Eve (2004)
Night Castle (2009)

Tracklisting de Night Castle (en gras les morceaux essentiels) :
1. Night Enchanted 5:46
2. Childhood Dreams 4:25
3. Sparks 6:01
4. The Mountain (Instrumental) 4:54
5. Night Castle 3:57
6. The Safest Way into Tomorrow 4:57
7. Mozart and Memories (Instrumental) 5:16
8. Another Way You Can Die 3:54
9. Toccata-Carpimus Noctem (Instrumental) 4:02
10. The Lion's Roar (Instrumental) 4:36
11. Dreams We Conceive 5:13
12. Mother and Son 0:41
13. There Was a Life 9:35
14. Moonlight And Madness (Instrumental) 5:04
15. Time Floats On 3:37
16. Epiphany 10:56
17. Bach Lullaby (Instrumental) 0:49
18. Father, Son & Holy Ghost 6:48
19. Remnants of a Lullaby 3:10
20. The Safest Way Into Tomorrow (Reprise) 1:43
21. Embers (Instrumental) 3:53
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22. Child of the Night 3:29
23. Believe 6:12
24. Nutrocker (Instrumental) 4:07
25. Carmina Burana 2:44
26. Tracers (Instrumental) 5:47


Trans-Siberian Orchestra – Night Castle
BMG - Tonpool
www.trans-siberian.com 
Trans-Siberian Orchestra, Night Castle