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Hier, mardi 18 juin 2019, a eu lieu un évènement qui fera date dans l’histoire des droits sociaux.
Hier, mardi 18 juin 2019, ce n’était pas un appel plein d’espoir, pour organiser la résistance, mais des annonces qui constituent sans aucune contestation, la plus grave attaque contre les plus précaires. Vous ne trouverez pas d’équivalent dans l’histoire.
Hier, mardi 18 juin 2019, le gouvernement de France par la voix d’Edouard Philippe et Muriel Pénicaud, a osé décrire par le menu et très tranquillement la manière dont ils allaient faire plus de 3 milliards d’euros d’économie en 3 ans sur les plus pauvres à travers la réforme de l’assurance chômage.
Il faut dire les choses très clairement : pour tous les salariés à l’emploi discontinu (sauf pour les intermittents), cette réforme est tragique. Vous pensez peut-être que j’exagère, que je surjoue la pièce. Et pourtant !
Je vais essayer d’expliquer assez simplement l’ampleur des dégâts. Le dossier est technique et bon nombre de travailleurs pauvres mesureront l’étendue du massacre uniquement lorsque la réforme sera appliquée en 2020. Je ne retiendrai que 3 points parmi beaucoup d’autres :
1- Les critères d’accès
Aujourd’hui, pour accéder à l’assurance chômage dans le régime général (hors annexes 8 et 10), il faut avoir travaillé, au minimum, 4 mois sur les 28 derniers mois. Avec la réforme, la période de travail minimum pour accéder à l’assurance chômage sera donc ramenée à 6 mois sur 24.
Cela peut paraître négligeable ces 2 « petits mois » supplémentaires, mais quand vous êtes un salarié avec des pratiques discontinues, c’est beaucoup. Et les intermittents du spectacle en savent quelque chose. Ce changement de critères d’accès empêchera des centaines de milliers de travailleurs de bénéficier de l’assurance chômage.
2- Le massacre du montant de l’indemnité journalière
Ce point est passé presque inaperçu. Et pourtant, c’est de loin le plus terrible.
« Les indemnités chômage seront désormais calculées sur le revenu mensuel moyen du travail, et non sur les seuls jours travaillés comme aujourd’hui. »
Cette phrase résonne comme une sorte de banalité mais elle aura des conséquences tragiques. Pour bien comprendre, lisez attentivement ce qui suit :
Actuellement quelqu’un qui travaille 1 jour sur 2 au Smic jour a son indemnité calculée sur la base du smic jour. Donc le jour où il a un mois entièrement chômé, son indemnisation mensuelle sera basée sur le smic. Et il en va de même s’il travaille 1 jour sur 3. Pour calculer l’IJ (indemnité journalière), on se base sur son prix de journée travaillée.
Dorénavant, avec la réforme, ce salarié à travail discontinu aura son indemnité calculée sur la base d’un demi smic s’il travaille 1 jour sur 2, d’un tiers s’il travaille 1 jour sur 3 etc ..
Pour bien comprendre, si ce mode de calcul était mis en place pour les intermittents, l’immense majorité des indemnités journalières ne dépasserait pas 20 euros soit 600 euros par mois en cas de mois entièrement chômé !
3- Le malus pour les employeurs de salariés aux pratiques discontinues
Le bonus-malus fonctionnera de la manière suivante: plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus une entreprise paiera de cotisations patronales à l’assurance chômage.
Cette façon de faire est en place aux Etats Unis (Merci Mathieu Grégoire pour l’info) et a des conséquences bien perverses à commencer par le non recours aux droits. En clair, un deal est passé entre l’employeur et son salarié afin que ce dernier ne s’inscrive pas à pôle Emploi. Ainsi l’employeur ne paye pas de malus pour le salarié en échange de quoi il lui promet de lui donner du travail. Si le salarié ne se plie pas à cette demande, il ne l’embauche plus. Le non recours aux droits sera une « belle » manière, assez radicale, de faire des économies sur le dos des plus fragiles.
Vous l’aurez compris j’espère, cette réforme est la plus importante baisse de droits et de « pouvoir d’achat » jamais appliquée en France. Elle est ciblée principalement contre les plus fragiles des précaires.