La psychanalyse pour les nuls (et les moins nuls)

Seth Rotten
Rappels de nos derniers échanges :

Seth Rotten a écrit :
Biosmog a écrit :


Mince, c'est raté! justement, Freud est un très bon exemple. Il ne pensait pas l'homme comme être de culture. La psychanalyse se voulait science naturelle, justement. Il y a de la lecture sur cette position particulière du médecin Freud. C'est même une spécificité importante de la psychanalyse freudienne. En reprenant le modèle physique de la catharsis, avec les pulsions, l'économie psychique on est en plein dans la nature. C'était un affreux rationaliste élitiste dans la droite ligne de Platon.


Ce dont tu parles, c est la position freudienne de la premiere topique.
Le changement radical vient avec le narcissime, la pulsion de mort puis la seconde topique : la métapsychologie. Il quitte la "psychologie scientifique" (n oublie pas que cet essai a été avorté et il n en existe qu une "esquisse") héritée en effet de la biologie et cesse de penser l inconscient comme un organe pour le penser comme une formation qu on ne peut pas encore appeler "structure" mais l idée est la.

Il y a vraiment ces deux temps chez Freud. Le premier temps, tres médical, c est celui de l inconscient organe (et en meme temps c est le temps des études sur l hystérie, la sexualité infantile...). Le second, apres l identification de la pulsion de mort, quand il dit que le psychanalyste peut ne pas etre médecin, qu il repense l angoisse, etc... perd ce caractere de science naturelle meme si Freud garde sa rigueur de scientiste dans son écriture.

Tu as lu ou écouté Lacan ? je trouve que ca ressort bien des premiers séminaires mais Lacan c est pas juste une relecture de Freud, c est aussi une pensée analytique propre. Mais j aime son approche des textes freudiens.

Ce qui peut faire penser a la "nature humaine" chez Freud c est quand il parle de l universalité de l Oedipe, quand il parle du pere de la horde avec cette espece de mythe originel a la formation de l inconscient et de l Oedipe... Mais il le dit bien c est mythique, c est métaphorique et descriptif. Lacan parle tres bien de ca, quand il dit que le mythe freudien c est oedipe et le réel le sien.
Et puis Freud aimait l idée de l universel. Depuis d autres psychanalystes (Lacan, Guattari...) ont repensé l historicité du sujet et de l inconscient. Le déterminisme devient plus relatif et individuel, intra-psychique, mais aussi social, culturel, historique et politique (je sais plus qui a dit "l inconscient c est politique", peut etre Lacan justement).

Pour moi la psychanalyse dit que la nature humaine n existe pas, mais je suis lacanien, pas freudien.


quantat a écrit :
Seth Rotten a écrit :


Ce dont tu parles, c est la position freudienne de la premiere topique.

[...]

Pour moi la psychanalyse dit que la nature humaine n existe pas, mais je suis lacanien, pas freudien.


Je crois que la formule c'est "l'inconscient c'est le social".. elle est de Lacan et elle a bien le sens que tu lui donnes...

On saura jamais vraiment la position de Freud sur la psychanalyse: à ranger dans les sciences naturelles ou bien humaines...: ce qui rend les choses difficiles c'est que Freud écrit dans un contexte où il est tenu à l'œil par les pontes de l'époque... mais il est vrai aussi qu'il est scientiste...
Tu évoque un retournement avec la pulsion de mort : pourtant quand tu lis "au delà du principe de plaisir" tu restes ahuri devant les contorsions auxquelles il se livre pour faire rentrer ses constructions dans le champ des sciences biologiques... mais fondamentalement je crois que tu as raison: c'est ce que tu dis ensuite : Lacan se contente pas de "relire" Freud... Freud doit être lu non pas comme un "maître" mais comme si c'était un analysant

+1 sur L'Œdipe et la horde primitive: je crois que le terme "mythe" ou "fiction" figure en sous titre du "Moïse"... finalement la mise à mort du père primitif n'est peut-être que la représentation mythique de l'effet de l'inscription du sujet dans l'ordre du signifiant... la façon dont nous inscrivons dans cet ordre requiert qu'une limite soit posée à notre jouissance: nous les névrosés faisons "société" dans la mesure où la jouissance illimitée est interdite... Mais , d'un point de vue" logique", il n'y a pas d'ensemble fondé sur un trait s'il n'y a pas d'exception possible à l'adoption de ce trait: d'où le mythe du père primitif qui jouit sans limite... mais qui a toujours été "mort" (qui n'existe que comme condition logique et non réelle)

Mais enfin, je crois que l'idée d'une "nature humaine" n'est ni freudienne ni lacanienne... en revanche l'idée de "structures universelles"... là peut-être...


Seth Rotten a écrit :
Dans l ordre !

Il y a eu plusieurs formules : l inconscient c est le politique, l inconscient c est le social, l inconscient c est le discours de l autre... Mais possible que la mienne ne soit pas de Lacan mais d un de ses successeurs (je vois bien Guattari dire ca).

Freud, je crois, dans un premier temps, voyait l inconscient comme un organe et la psychanalyse comme une branche de la médecine. Mais tu as raison, il se sentait obligé de prouver certaines choses, et avait un besoin indéniable de reconnaissance. Puis je pense qu il est devenu plus blasé et pessimiste avec le temps et ca a donné la pulsion de mort. En effet, il est scientiste, mais il s ouvre progressivement a d autres discipline. Qu est ce que ca aurait donné s il avait connu Jakobson, Saussure... ?

Oui, c est vrai qu il se base sur la névrose traumatique pour définir la pulsion de mort, névrose corporelle s il en est, avec ses conversions spectaculaires et ses flashbacks. Mais je crois que la pulsion de mort ne peut exister sans métapsychologie, et la seconde topique sonne tres structuraliste (a moins que l on ne la connaisse que par le prise structuraliste des lacaniens des années 50 quand son enseignement était hégémonique dans la psychanalyse francaise, bien avant les scissions de la fin des années 50).

Tu as raison pour la lecture de Freud comme analysant : Lacan dégage ce qui est purement freudien du corpus, comme un analyste aide le sujet a se révéler comme sujet désirant et a se détacher des liens de langage de l Autre. On voit de toute facon que lire Freud puis Lacan comme des maitres a conduit a beaucoup de rigidifications et de dogmatisation de deux oeuvres au départ tres ouvertes.

Le pere de la horde est bien un mythe, car c est une fiction symbolisante, avec cette fonction d encadrer un peu le rapport a la jouissance de l autre.
C est un peu ce que tu dis : l inscription du sujet dans l ordre du signifiant, soit l idée que ce pere qui jouissait sans limite est tué pour prendre sa place mais cette place est inatteignable car ce meurtre entraine la névrose et la culpabilité. Mythiquement cela induit l idée d une jouissance impossible a atteindre car on manque toujours dans la névrose, on s approche du vide sans le voir, en en devinant les contours.
Ce pere est mort car il faut bien que quelqu un jouisse pour que l on puisse parler de jouissance, il faut bien un point de départ, un peu comme Freud, pere de la horde des analysants qui a joui car ayant inventé la psychanalyse et que ses successeurs ont tous tué d une maniere ou d une autre sans jamais retrouver cette position mythique de maitre absolu (Lacan est le seul qui s en est rapproché et il l a payé cher). Totem et Tabou c est le mythe de la psychanalyse a plus d un titre.
As tu lu Guattari, L anti oedipe ? Il critique cette ,,Dictature du signifiant,, a savoir cette tendance de la psychanalyse a tout ramener au symbolique et a faire du mythe une réalité universelle.

Pour la structure universelle Freud est tombé dans le panneau, Lacan y a cru mais a lire les derniers enseignements, ceux sur RSI, le sinthome, les non-dupes errent... et puis meme quand il dit que finalement oedipe n existe pas, que c est la métaphore paternelle, etc... bref quand il lache le structuralisme, il finit par tout relativiser, et dire qu au fond, il y a l historicité, qu on est pas névrosé en 1972 comme en 1900, et puis le sinthome, c est que tout le monde délire, le délire n étant plus la sortie du sillon mais une tentative d y revenir, alors on délire tous plus ou moins, sur oedipe, la psychanalyse, etc...


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Starfucker Inc.
Je conseille le film "Le petit guide pervers du cinéma" de SLavoj Zizek, qui illustre des notions psychanalytiques avec des scènes de film (Hitchcock, Matrix, etc...)
VENTE A PERTE PEDALES ET BAFFLE HAUT DE GAMME

"J'ai l'impression que certains ici ne prennent pas la guitare assez au sérieux... J'en ai surpris en train de s'amuser... Dommage..." - Zepot

FAUVE ? "imiter Thierry Roland qui imite Grand corps malade, c'est pas donné a tout le monde" - Mia Wallace
Seth Rotten
Oui c est pas mal Zizek, c est d assez haute volée mais toujours avec des exemples des pubs, du ciné... il a tout un article sur son site, en faisant le parallele entre Lacan et Alien lol.
Invité
Citation:
Qu est ce que ca aurait donné s il avait connu Jakobson, Saussure... ?


Et bien tu tombes pile poil sur une question qui me taraude depuis un moment :

Freud a eu le fils de (Ferdinand de) Saussure en analyse !!! je n'arrive pas à m'expliquer qu'il n'ait pas fait les liens entre la linguistique et ses propres affirmations (le rêve est un rébus.... le mot d'esprit, etc...)
C'est franchement étonnant... ou alors c'est parce que je n'ai connu Freud qu'au travers de lunettes lacaniennes ? fort possible...

A t'il eu connaissance des travaux non publiés de Saussure ? Starobinski a écrit un bouquin dessus : les mots sous les mots (sauf erreur de ma part) ... Saussure a rédigé des centaines de cahiers dans lesquels il traque la présence obscure de certains signifiants dans la compositions de poèmes antiques...


J'ai pas lu Guattari (j'ai pourtant bien aimé ce que racontait son copain Deleuze, finalement plus proche du véritable esprit de la psychanalyse quand il la critique que ne le sont les "orthodoxes")... Je sais que Lacan a rompu avec Dolto sur la question de la primauté du signifiant; c'est à partir de là qu'il veut faire valoir la notion de "réel"


Le "dernier" Lacan est celui que je connais le plus mal...

Mais ce que tu me dis sur la mise en cause de structures universelles, sur le fait qu'on est pas névrosé de la même façon en 1900 et en 1972, a, me semble t'il , permis une sorte de dérive qu'on observe aujourd'hui...
Je ne dis pas qu'il y a des structures universelles - mais pour être honnête j'ai du mal à ne pas y croire-, mais il me semble que ce que Melman développe aujourd'hui sous le nom de "nouvelle économie psychique", et qui s'autorise probablement de cette mise en question des structures universelles, m'apparaît comme une vaste blague...

Mais enfin, je suis un grand ami de Karl Popper et si tu te sentais en forme pour me dire ce que toi tu as compris de cette mise en question... ben je serai pas contre (y'a pas le feu non plus : si ça te branche, et quand ça te branche...


Cela dit, l'affirmation que tout le monde délire et que le délire est une tentative de revenir dans le sillon me semble fort intéressante...: voilà qui va m'occuper sainement l'esprit dans les heures qui viennent . C'est pas à propos de Joyce et de la psychose qu'il aurait soulevé cette idée ? (j'avoue que, même sous la plume de Serge André , ce qui se rapporte à cette question de l'écriture et de la psychose est encore très difficile pour moi; bon là je vais aller donner le bonjour à Doumit)
Invité
Starfucker Inc. a écrit :
Je conseille le film "Le petit guide pervers du cinéma" de SLavoj Zizek, qui illustre des notions psychanalytiques avec des scènes de film (Hitchcock, Matrix, etc...)


Connais pas : merci pour le tuyau !!!
Blow Up
Houla, ça dérive grave sur le structuralisme.
"Macron est de gauche" BluesBarbu le 20/02/2021
Seth Rotten
Ah ah amusant !

Mais tu sais on est nombreux a ne lire Freud qu a travers Lacan. Donc forcément on est plus sensibles a la question de la linguistique mais d autres approches s en foutent un peu plus meme si je crois, en France en tout cas, que c est assez unanime cette approche.
Question amusante en tout cas.

Pour Guattari c est intéressant : philosophe, psychanalyste un temps (avant la schizo analyse), analysant un peu rebelle de Lacan, membre longtemps (voire toujours ? a vérifier) de l EFP, et surtout grand ami de Jean Oury et théoricien de la psychothérapie institutionnelle des années 70 (différente de celle des années 50 car plus expérimentale, moins purement psychiatrique). Le mec est tres critique de l institution analytique et ce faisant est, comme tu dis pour Deleuze, tres proche de l idée originale, de l esprit... du moins lacanien. D ailleurs, autant Lacan s est éloigné de Dolto sur la question du signifiant, autant il a a mon avis repris les idées de Guattari : il semble qu il voyait ce livre d un bon oeil.

Le réel c est le grand concept lacanien, celui des dernieres années, l aboutissement de ce qu il a commencé avec le séminaire sur l angoisse quand il développe l idée de l objet a...

Moi je crois qu il y a des mythes universels, des structures je ne sais pas, je crois a l historicité des structures et du sujet.
Je n ai pas lu ce livre de Melman, sur le papier ca paraissait séduisant mais je crains le moralisme de comptoir derriere l histoire de l homme sans gravité.
Je ne sais pas. Mais dans la clinique on voit bien des choses apparaitre qui étaient marginales, voire inexistantes dans les bouquins d il y a cinquante ans, et c est vrai que les paradigmes névrotiques et psychotiques ont évolué...

Moi ce que je crois, c est que le sujet est pris dans les dynamiques culturelles, politiques... de son epoque et la psychanalyse en dépend.
La psychanalyse freudienne, quand meme assez paternaliste, est née a l époque des grandes hystériques qui remettaient en question la phallocratie... d ailleurs, symptome, Freud a cru Dora amoureuse de papa alors qu elle aime maman. Bref...
Lacan c est la psychose, enfin, les psychoses. On est en plein dans les années post-guerre, l arrivée de la société de consommation, la fin des familles traditionnelles, plus on avance dans Lacan, surtout apres mai 68, plus on voit des trucs apparaitre, la chute du signifiant phallique comme phare, la relativisation de l oedipe qui ne serait qu un mythe sociétal... Je crois que c est pas un hasard qu a la fin il s interroge frontalement sur la jouissance des femmes, sur la psychose ordinaire, etc... le monde a changé et la clinique aussi, des concepts métaphoriques doivent etre revus, etc... Lacan est mort trop tot et a mal choisi ses continuateurs (Melman qui radote depuis des années, Miller sans commentaire, ... reste des gens comme Allouche qui disent des choses pas trop mal, et puis Guattari : la schizo analyse, le désir révolutionnaire, etc...).
Intéressant chez Lacan, les quatre discours qui ne servent qu a voir le cinquieme émerger : celui du capitaliste. La c etait visionnaire !

En effet il parle de l ecriture chez Joyce comme sinthome, soit un symptome archaique, qui sert a faire tenir les cercles du noeud borroméen. C est pas betement une béquille imaginaire, un etayage comme disent les psychologues, c est un vrai ,,quatrieme cercle,,. Pour le délire, c est de la clinique bete et méchante, quand on se penche sur le délire, on voit bien que c est une tentative de reconstruire un mythe, de se redonner une place, une contenance, de faire tenir le corps et les cercles du noeud. C est toujours un peu les memes trucs : dieu, le pere, l autre, le sexuel, etc... d ailleurs ce qui ne trompe pas, c est que plus un psychotique délire et que son délire fait sens au monde (voir la paranoia, le délire le plus affirmé), moins il est dissocié, moins il se morcelle. Les patients qui délirent le moins, les schizophrenes dits hébéphréniques, ils sont totalement éclatés , morcelés, jusque dans le langage qui pert tout sens. A l inverse les paranos, leur délire les fait mieux tenir, ils ne se morcellent pas.
Et quand on supprime le délire, il ne reste que le vide, ce rapport trop direct au réel auquel nous névrosés n avons pas acces, et ils se suicident parce que le vide est insupportable.


EDIT

encore un mot sur cette historicité. Zizek parle de la différence entre le ,,pere autoritaire,, et le ,,pere post moderne,, : le premier oblige l enfant a aller faire un bisou a mamie, permettant la possibilité d interioriser sa future rébellion contre cette autorité. Le second, plus pervers, dit ,,n y va que si ca te fais plaisir, mais ca lui ferait tant plaisir,,. Ici plus possible d intérioriser une rébellion car on ne te dit pas ,,tu dois y aller que tu le veuille ou non,, mais ,,tu dois avoir envie d y aller,,.

Je sais pas si je résume bien alors voici le texte original en anglais :

http://www.lacan.com/zizbobok.html

Citation:
Instead of bringing freedom, the fall of the oppressive authority thus gives rise to new and more severe prohibitions. How are we to account for this paradox? Think of the situation known to most of us from our youth: the unfortunate child who, on Sunday afternoon, has to visit his grandmother instead of being allowed to play with friends. The old-fashioned authoritarian father's message to the reluctant boy would have been: "I don't care how you feel. Just do your duty, go to grandmother and behave there properly!" In this case, the child's predicament is not bad at all: although forced to do something he clearly doesn't want to, he will retain his inner freedom and the ability to (later) rebel against the paternal authority. Much more tricky would have been the message of a "postmodern" non-authoritarian father: "You know how much your grandmother loves you! But, nonetheless, I do not want to force you to visit her - go there only if you really want to!" Every child who is not stupid (and as a rule they are definitely not stupid) will immediately recognize the trap of this permissive attitude: beneath the appearance of a free choice there is an even more oppressive demand than the one formulated by the traditional authoritarian father, namely an implicit injunction not only to visit the grandmother, but to do it voluntarily, out of the child's own free will. Such a false free choice is the obscene superego injunction: it deprives the child even of his inner freedom, ordering him not only what to do, but what to want to do.
20th Century Boy
quantat a écrit :

Freud a eu le fils de (Ferdinand de) Saussure en analyse !!!


à la fin, le mec était à sa botte, il avait trouvé Saussure à son pied, quoi...


Je m'en vais sur la pointe des pieds...
well I’m a mess / hell, I know that it’s a crappy excuse
Invité
Seth Rotten tu dis là beaucoup de choses fort intéressantes ... j'insiste sur "beaucoup".

Je vais pour l'instant m'en tenir à l'idée que le délire n'est pas une sortie du sillon, mais bien une tentative pour y rentrer...

Voilà comment j'ai tenté de "rationaliser" ça (autrement dit: voilà le délire que j'ai construit pour y voir clair)

Toute nos représentations de la réalité sont des "constructions"; elles reposent sur des axiomes et ne peuvent démontrer d'elles mêmes qu'elles sont "vraies" (je doute fort qu'elles le soient d'ailleurs) : tout ce qui se dit du langage ne saurait s'énoncer que dans le langage (cf "Problèmes cruciaux pour la psychanalyse" ou bien "la logique du fantasme" ? je ne me souviens plus)
Quelle différence y a t'il finalement entre un système philosophique - que ce soit le système d'un auteur "reconnu" ou le système que n'importe quel individu élabore, avec plus ou moins de cohérence- et les constructions de Schreber ?

Peut-être seulement ceci : Schreber ne laisse que très peu de place au doute; le névrosé moyen conserve toujours un doute sur ses propres croyances.

En effet, ces constructions visent à nous protéger du réel (en tant qu'ici le réel c'est le "non symbolisable", c'est à dire l"impossible" - il doit y avoir une référence à Bataille là derrière)

Je te comprends très bien quand tu dis que sans le délire, il ne reste plus qu'un vide insoutenable (j'ai connu un épisode, étant jeune où j'ai dû frôler la psychose: une fascination mystique pour le vide et l'infini... c'est un délire mystico religieux qui m'a protégé des effets dévastateurs de cette fascination et qui m'en a peu à peu sorti - par la suite ce délire mystico religieux s'est de lui même "dissout"... je reste toutefois avec une phobie du vide: le vertige)


On ne voit pas pourquoi, effectivement, Freud ou Lacan auraient échappé au "délire" (on voit mieux les préjugés de Freud... plus "loin" de nous; ceux de Lacan sont probablement encore les nôtres)...est-ce pour cela qu'à la fin Lacan ne disait quasiment plus rien à ses séminaires ?


La question que je me pose sur l'historicité : oui les symptômes dépendent d'une époque et d'un lieu... mais est-ce que cette diversité ne trouve pas à s'ordonner grace à la référence à certains schémas (je pense au schéma R) ?... bien sûr il serait imprudent de confondre cette représentation structurelle avec une structure "hypostasiée" (ce serait une forme de réalisme pythagoricien/platonicien): elle n'est qu'une représentation .... ...

OU dit autrement, est-ce que nous ne serions pas contraint de "croire" qu'il y a des structures (universelles ou quasi universelles) justement pour échapper à ce vide/ au réel ?
(on voit bien chez Bataille que l'expérience du vide n'est pas sans provoquer des angoisses qu'il faut être surhumain pour supporter).


On m'a aussi suggéré Hier de jeter un oeil à Derrida: ça te dit quelque chose ? (bien sûr je connais de nom, mais j'ai jamais vraiment lu) tu connaitrais une référence intéressante ?
Invité
20th Century Boy a écrit :
quantat a écrit :

Freud a eu le fils de (Ferdinand de) Saussure en analyse !!!


à la fin, le mec était à sa botte, il avait trouvé Saussure à son pied, quoi...


Je m'en vais sur la pointe des pieds...




ça fait du bien de lire ces conneries ... je crois que ça aide à pas devenir trop con justement (Desproges devrait être obligatoire à l'école )
Seth Rotten
Oui oui c est ca, d ailleurs on sait que ,,les non-dupes errent,, ... ce qui sous entend que ceux qui sont dupes des jeux de langage de l autre, ce sont les névrosés, ceux qui, pris dans les filets du langage, se construisent une perception du réel aux prises avec l ordre symbolique, qui a finalement pour fonction de temporiser le rapport au réel.

Les constructions de Scherber sont des tentatives claires de revenir a l ordre symbolique, ou plutot, de donner a l ordre symbolique sa fonction temporisatrice... Voir a ce sujet le schéma R et surtout sa version déphallucisée et dé-pere-isée, le schéma I, où le réel envahit tout... Le délire de Schreber il sert a ca, et puis Schreber il dit quoi, il dit qu il veut être une femme, et que les rayons de Dieu le sodomisent, et il invente une langue universelle a laquelle lui seul a acces... Il veut a son tour entrer dans les filets du langage, se recréer un pere exercant sa fonction, mais c est pas possible, du coup il délire.
Il veut etre une femme, il cherche l acces a la jouissance de l autre, et il veut que l autre jouisse de lui.

En effet les psychotiques ne doutent pas, en tout cas pas dans les moments féconds, sans psychothérapie, sans traitement médicamenteux... La névrose c est un rapport au fantasme, au manque et au désir, a l angoisse, donc au doute... bien sur que tous les névrosés doutent, surtout les obsessionnels, mais aussi les autres... la psychose c est un rapport au réel, on ne doute pas de ca... Le réel hors-jeu, hors symbolisme en effet, c est l expérience de ce qui n est pas possible d être mis en parole. C est l expérience pure d exister, d ailleurs les psychotiques ont ce rapport au corps tres fou, peuvent dissocier leur corps...

Le délire sert alors a, non pas combler le vide, mais jeter un pont par dessus, redonner du sens, de la contenance, a ce corps morcelé et a ce psychisme qui se déchaine : la chaine signifiante perd tout sens (exemple les jeux de mots des maniaques, ou la schizophasie des grands schizophrenes hébéphréniques dont la maladie a avancé lourdement : ils sautent d un signifiant a un autre sans aucun lien entre eux...). Ce vide efficacement comblé par la névrose, les psychotiques s en protegent par le délire qui reconstruit une histoire pour combler les trous, recoudre les béances par ou tout l intérieur du corps peut se vider.

Je ne reviens pas sur ta clinique perso mais tout le monde peut vivre une expérience psychotique quand, a un moment, l organisation névrotique ne suffit plus.

Pour Lacan c est surtout qu a la fin de sa vie il commencait a souffrir de problemes neurologiques et de faire de l aphasie (moche !). Mais c est vrai, pourquoi n auraient ils pas moins déliré que les autres ? Freud délirait sur l Oedipe, Lacan sur le réel... dans les limites du sillon !

Oui attention, le schéma R est une représentation.
Lacan a un peu cherché a universaliser sa pensée, a la sortir du contexte de langage, par les mathemes notamment, mais reste que ses métaphores, les plus universelles certes, restent prises dans leur époque.
néanmoins j ai tendance a penser que Lacan est plus universalisable que Freud. C est plus ouvert. Moins dépendant du contexte.

Effectivement, la psychanalyse est notre fantasme, ou notre délire, c est notre facon de construire des choses de l ordre du symbolique et de l imaginaire, parce que l expérience du réel, c est que l Autre n existe pas...
Lire ce texte intéressant de JP Lalloz sur l angoisse :

http://www.philosophie-en-lign(...)5.htm

Pas mal !

Pas lu Derrida par contre, désolé !
Invité
J'ai pas le temps aujourd'hui de lire le texte de Lalloz.e te suis très bien jusqu'à ce point là :


Citation:
parce que l expérience du réel, c est que l Autre n existe pas...


Je peux comprendre : l'expérience du réel est celle de l'épreuve d'un manque (structurel, inéliminable) dans l'Autre (en tant que lieu du signifiant) ; c'est à dire l'épreuve, la rencontre d'un non symbolisable.


Tu peux m'éclairer sur le sens que tu donnes ici à "l'Autre n'existe pas" ?
numero27



oups toutes mes confuses, je me suis trompé de sujet ....
Seth Rotten
Ben l Autre, le grand Autre, c est le ,,trésor des signifiants,, de Lacan, c est le lieu du symbolique par excellence. Il ne peut pas exister autrement que comme fonction symbolique orientant le fantasme. C est un Autre énigmatique, évoquant la perception que nous avons de la Mere, mais chaque fois que nous pensons l atteindre nous sommes décus : il manque quelque chose. C est ce qui rend la rencontre impossible. Et donc valide son inexistence dans le champ du Réel.
L Autre n existe pas car il n existe en fait que des autres, barrés et rendus incomplets par le langage (les psychotiques expérimentent l existence concrete d un Autre tout puissant, ca se sent dans la clinique du ,, tout tout de suite !,,).

Il y a un ,,manque dans l Autre,, : l Autre est incomplet, frappé d impossibilité parce que lui aussi pris dans les méandres du langage. Il lui manque quelque chose et qu il puisse venir le trouver en nous, c est ce qui provoque l angoisse.

En ce moment sur backstage...