Biosmog a écrit :
(...)
Ouh non, c'était un cri à la cantonade
et cela ne s'adressait pas plus aux messages passés, que présents ou futurs. Ce topic est quand même le petit coin des indispositions verbales.
A l’occasion, amuse-toi donc avec les pages des
«Curiositez Françoises» (1640) d’Antoine Oudin que je portais à toute attention il y a quelques jours et que tu pourras dépiauter, ici-même, dans leur jus, avec étonnement et délectation, grâces en soient rendues à la Gallica de la B.n.F, pour découvrir comment, six ans après la création politique de la langue policée au nom d’
«Académie Françoise», le parallélisme n’est sans doute pas le fruit du hasard, et plus d’un demi-siècle avant que cette même Académie mît enfin bas son tout premier dictionnaire, l’ironie d’Oudin, au détour de certaines définitions qu’il procure, n’était pas une manière, une pose, mais au rebours un grand vacillement grave avec la tristesse baroque et ses tourbillons de joie à la tresse, détresse, au partage ; ces
«Curiositez Françoises» pour apprécier encore, renifler toujours, comment enfin cette langue vivait, vibrait en ces temps lointains où, de ma petite fenêtre myope, le poète français le plus renversant s’était appelé, à quelques années de là (il meurt en 1626), Théophile de Viau, le prisonnier, et non pas Malherbe, le courtisan, petit juge en bois brut.
Tiens, d’un désœuvrement sans partage, cette relecture choisie d’une de ses longues
Élégies (soit, comme il sied, un chant de deuil) dont je n’ai modernisé que l’orthographe baroque :
«La coutume et le nombre autorise les sots :
Il faut aimer la Cour, rire des mauvais mots,
Accoster un brutal, lui plaire, en faire estime.
Lorsque cela m'advient, je pense faire un crime;
J'en suis tout transporté, le coeur me bat au sein,
Je ne crois plus avoir l'entendement bien sain,
Et pour m'être souillé de cet abord funeste,
Je crois longtemps après que mon âme a la peste.
[...]
Mais déjà ce discours m'a porté trop avant,
Je suis bien près du port, ma voile a trop de vent ;
D'une insensible ardeur peu à peu je m'élève,
Commençant un discours que jamais je n'achève.
Je ne veux point unir le fil de mon sujet,
Diversement je laisse et reprends mon objet,
Mon âme imaginant n'a point la patience
De bien polir les vers et ranger la science :
La règle me déplaît, j'écris confusément.
Un bon esprit ne fait rien qu'aisément...»
(Théophile de Viau, Élégie à une dame, extraits)
Un tic sans toc à la langue où, à l’image de la pesanteur d’Antonin Artaud, je ne perds jamais mes nerfs, mais le temps des autres, sans mesure.