Véritable artiste qui provoquera des réactions de passion et de rejet, Ayin Aleph a d’ores et déjà réussi à se créer un univers de « baroque metal » grâce à la virtuosité de son toucher au piano et de son chant éthéré. La folie qui anime ses compositions ne fait que renforcer ses dispositions techniques. Désormais installée en France, Ayin Aleph a pris quelques minutes de son temps pour intéresser les lecteurs de Guitare Live à son monde, perdu quelque part entre le metal et la musique classique.

Tu as une formation classique. Comment est-ce que cela t’a préparé à ta carrière actuelle ?
Ayin Aleph : Bien sur que lorsque tu étudies la musique plus de la moitié de ta vie, cela te donne des connaissances très vastes dans les domaines de la musique classique, romantique, moyenâgeuse et baroque. Cette connaissance durant mes études était obligatoire et cela m’a donné des envies de m’intéresser aux autres genres de musique, par exemple : tu écoutes Bach, tu t’intéresses alors directement au jazz ; si tu aimes la musique baroque cela tombe dans l’univers de Queen ; et si tu aimes Prokoviev et Wagner, tu tombes dans le metal directement… Les exemples et les parallèles peuvent se trouver dans une quantité infinie. Pendant cette évolution de la connaissance musicale, ton esprit choisit ce qu’il aime le plus et se souvient de tout cela et avec le temps cela se transforme en une partie de ton esprit et devient ton background, qui de son côté se transforme dans ta musique personnelle mais seulement avec tes moyens individuels qui « grave » ton talent unique.

Quel est ton premier souvenir musical ?
A. A. : Dans une église, au printemps, un orchestre et des chœurs ont interprété la messe en si mineur de Johann Sebastian Bach. Je me souviens que l’on était près la porte d’entrée de l’église, déjà sur la terre du cimetière (car il y a avait plein de monde à l’intérieur) et je ne me rappelle pas avec qui j’étais. J’étais très petite. Je me souviens seulement de la sensation de cette musique pas humaine, même pas de la musique... Quelque chose d’inhumain plus que la musique, très grand, sans dimension, mais en même temps très définitif. Je veux dire avec tout cela que cette chose ne peut pas se comprendre avec l’intellect mais uniquement avec l’âme. Je me souviens de mes larmes (mais je ne pleure pratiquement jamais), des cris déchirés internes et de la sensation que je vivais quelque chose de divin et très fort. Tu te sens comme une toute petite partie de ce quelque chose de divin et incompréhensible avec ton intellect humain; et ton existence se fond dans l’infinité… Voila le Kyriae Eleison de la messe en si mineur de Bach.

Au niveau artistique, tu avais une voie toute tracée en Russie. Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de partir et de t’installer en France ?

A. A. : Je n’ai jamais fait le plan de venir en France et de construire ma vie ici. Je suis venu par hasard et je suis resté par hasard mais c’est une histoire personnelle qui ne peut pas intéresser mon public car tellement c’est ordinaire et peu intéressant même pour moi. Une âme n’a pas de nationalité ni d’endroit fixe. Seul l’amour ne disparaît jamais.

Si on décrit ton disque comme du « metal baroque » est-ce que cela te paraît pertinent ?

A. A. : Absolument parce que harmoniquement ma musique est la plupart du temps complètement baroque avec des éléments du romantisme, mais l’arrangement est metal. Dans cet album acoustique, je ne joue pas seulement les parties de piano pour le piano ; je joue au piano les parties de basse et par moments les parties de guitare, avec les éléments très percussifs. Et croyez moi mon approche pour cet enregistrement n’était pas du tout pianistique ni au niveau technique ni au niveau sonore. C’est une transcription pour piano de mon album metal.

On sent dans ta musique un regroupement assez riche de différents courants, de différentes influences, de différentes envies… Comment est-ce que te vient l’inspiration et comment la canalises-tu pour en sortir des chansons ?
A. A. : L’inspiration chez moi vient toujours dans le moment de la souffrance de mon âme. Je suis comme un tuyau d’orgue avec la seule différence que mon air pour pouvoir sonner ne vient pas d’en bas mais d’en haut et après mon « tuyau » commence à sonner et crée certaines sensations avec les personnages visuels. Ensuite, cette espèce de matière immatérielle tombe dans mon « tuyau » (parce que je me considère uniquement comme un récepteur) et se transforme dans une mélodie – langage des émotions de mon esprit… Je suis un genre d’antenne qui transforme la souffrance dans une mélodie… Avec les arrangements, j’habille cette « nymphe ».

Tu t’es fait connaître avec des clips très réussis. La vidéo est-elle parfois plus importante que la musique ou est-ce pour toi un tout ?
A. A. : Toutes mes vidéos sont seulement le complément pour ma musique. J’essaie d’expliquer à travers des allégories et expressions artistiques mon énergie musicale. C’est comme un miroir de ma vie de l’autre côté du miroir et je pense que si quelqu’un ne regarde pas mes clips, il peut s’imaginer son propre monde visuel qui est lié à ses émotions et à son ressenti. C’est très personnel… Dans mes vidéos je vous propose uniquement comment moi-même je ressens ma musique, sans plus.



Quels sont les pays qui apprécient le plus ton univers musical pour le moment ?
A. A. : La France, les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne, en gros.

Quelles sont tes envies pour l’avenir ?
A. A. : Faire mon metal opéra et tourner un film dessus.

Quel genre de spectacle proposerais-tu si tu te produisais dans une grande salle de type Zenith ou Bercy ?

A. A. : Si j’ai des moyens, je veux bien vous proposer un show avec beaucoup d’effets spéciaux actuels, beaucoup de personnages différents, quelque chose entre le cinéma fantastique/gore et le concert métal. Comme je l’ai déjà fait dans mes shows en arrière, je change beaucoup de costume et quand je ne joue pas le piano je joue chaque esprit de mes personnages. Pas seulement avec les moyens du costume mais avec les moyens des expressions aussi. J’aime bien proposer non seulement un univers gore et dark mais également le glamour, les personnages des autres dimensions et la tragédie, comme je fais dans mes vidéos.

Y a-t-il des groupes de la scène hard rock / metal française que tu apprécies à titre personnel ?
A. A. : Je ne connais que Gojira et Dagoba. Ce sont des bons groupes mais je ne suis pas fan et à vrai dire je ne connais pas trop le metal français pour détester ou aimer quelque chose. La plupart du temps j’écoute du black et death metal scandinave ou anglais et bien sûr je suis également fans de quelques groupes américains. Mon groupe préféré est Pantera.


Ayin Aleph – Ayin Aleph
Invencia

Ayin Aleph : baroque, metal, gore et inspiration divine