Figure emblématique du death metal mélodique, Alexi Laiho cumule les fonctions de frontman, shreddeur et compositeur au sein de son groupe Children Of Bodom. Le style du finlandais mélange à la fois mélodie et brutalité avec comme dénominateur commun une technique de premier plan. Nous avons profité de son passage à Paris le mois dernier lors d'un showcase pour lui poser quelques questions sur son jeu et son matériel.

Avec ton groupe Children Of Bodom, tu t'es imposé comme un des fers de lance du death metal mélodique dans les années 90. Peux-tu nous parler de tes influences et de ton apprentissage de la guitare et, de manière générale, de ce qui t'a permis de forger ton style ? 

Alexi Laiho : C'est une vaste question ! Il y a beaucoup de guitaristes qui m'ont permis de forger mon propre style mais je vais tenter de résumer cela à ceux qui ont eu le plus d'impact sur moi. Tout d'abord, la première fois que j'ai entendu le son d'une guitare, j'avais 3 ans et il s'agissait de Mark Knopfler de Dire Straits que mon père écoutait en boucle ! J'avais beau être un "bébé", je suis devenu complètement obsédé par le son de la guitare à partir de ce moment là. Vers mes 6 ou 7 ans, ma grande sœur m'a fait découvrir Motley Crue, W.A.S.P et plein d'autres groupes des années 80 qui disposaient tous de guitaristes au jeu très rapide ! J'ai ensuite découvert Ozzy Osbourne et chacun de ses albums solo a été déterminant pour moi, que ce soit avec Randy Rhoads, Jake E.Lee ou Zakk Wylde à la guitare. Ces trois mecs m'ont immensément inspiré. Puis il faut également mentionner Steve Vai dont le "Passion And Warfare" (1990) m'a marqué au fer rouge ! Le truc amusant d'ailleurs est que je connaissais déjà Steve Vai sans le savoir. J'écoutais le "Eat'Em And Smile" (1986) de David Lee Roth avant "Passion And Warfare" et j'ignorais qui était le guitariste sur ce disque et je me disais : "ce mec joue comme un dingue!". Steve Vai est toujours au top d'ailleurs, ce mec ne cessera jamais de m'impressionner. Je dirais donc pour récapituler que mon jeu a principalement été façonné par ceux de Mark Knopfler, Randy Rhoads, Jake E.Lee, Zakk Wylde et Steve Vai, une liste à laquelle il faudrait rajouter Paul Gilbert. 

J'ai aussi beaucoup d'autres influences qui sortent du domaine du hard-rock et du metal. Je pense à quelqu'un comme Lindsey Buckingham de Fleetwood Mac que je trouve incroyable. Je suis d'ailleurs actuellement en train de bosser ce genre de choses, je me mets à fond dans le fingerpicking ces derniers temps. C'est tellement frais et motivant pour moi, c'est un tout nouveau monde. C'est comme si je recommençais la guitare en quelque sorte. Cela me rappelle le même sentiment et la même motivation que lorsque j'apprenais le tapping à 11 ans ! Me voilà à apprendre désormais le Travis picking, je commence à m'en sortir même si je ne suis pas encore très bon. Mais ma soif de réussir à maitriser cette technique est la même que lorsque j'étais enfant. C'est important de ne pas se limiter et de trouver de nouvelles sources d'inspiration. Lorsqu'un mec comme moi écoute Fleetwood Mac, d'une manière ou d'une autre, même si cela peut être très indirect ou subtil, cela s'en ressent dans la musique de Children Of Bodom.  

Tu es un vrai shreddeur capable de jouer des plans très rapides et techniques. Quel genre de médiator préfères-tu ?

J'utilise le Dunlop Jazz III. J'aime le fait qu'il soit petit et j'aime aussi son aspect pointu. C'est la forme que je préfère aussi bien pour les solos que les rythmiques. J'y suis tellement habitué que si jamais je jouais sur d'autres types de médiator, je les tiendrais exactement de la même manière que le Jazz III.  

Parlons maintenant de tes guitares signature ESP. Comment as-tu collaboré avec la marque pour aboutir à ces différents modèles ?

Au départ je jouais sur des Jackson Randy Rhoads Custom. J'en possédais deux mais elles ont malheureusement été volées. Jackson ne pouvait pas m'en fournir de nouvelles suffisamment vite et je n'avais pas l'argent pour en acheter moi-même. C'est là qu'ESP m'a proposé de concevoir pour moi le même type de guitare et de m'endorser. C'était une décision difficile pour moi car d'un côté j'étais un fan hardcore des guitares Jackson et de l'autre la proposition d'ESP ne pouvait pas se refuser. C'était ma seule option de toute manière et les gens d'ESP étaient vraiment motivés. Ils ont donc conçu cette guitare qui ressemble énormément à mes anciennes Jackson, même s'il y a quelques petits détails qui diffèrent. La touche est creusée sur les 4 dernières frettes, cela me permet de faire mes bends plus facilement à cet endroit du manche. Je n'utilise jamais le micro manche, il n'y en a donc pas sur cette guitare. J'aime garder les choses les plus simples possible. 

Cette guitare possède un boost interne. Peux-tu nous en parler ? 

Il y a effectivement un boost que j'active en permanence. Je le désactive sur certaines parties lorsque je veux entendre le son pur du micro passif, lorsque je veux sonner comme AC/DC en quelque sorte, mais il est activé la majeure partie du temps.

C'est un boost qui agit sur les mediums à la manière d'une Tube Screamer en quelque sorte?

Oui c'est un peu ça. 

Le micro de ta guitare est un modèle signature. Il s'agit du micro EMG ALX HZ. Peux-tu nous en parler ?

Il n'est pas forcément très puissant et il est passif. Je trouve le son plus naturel ainsi. Je suppose que beaucoup me verraient bien avec un gros micro actif mais c'est une histoire de goût. J'aime mieux le feeling et le son plus naturel d'un micro passif et vu que je dispose d'un boost, je ne manque absolument pas de gain pour jouer du heavy metal. A vrai dire j'ai déjà tellement de gain avec mon boost enclenché que je règle celui de l'ampli vraiment très bas, parfois à peine sur 2.         

Niveau lutherie quelles essences de bois sont utilisées ? Un corps en aulne avec un manche en érable et une touche en ébène peut-être ? 

C'est peut être ça mais pour être tout à fait honnête je n'en sais rien. Le corps est peut être en peuplier, c'était le cas sur certains modèles précédents en tout cas (ndlr : après vérification, il s'agit d'un corps en aulne, un manche en érable et une touche en ébène sur les modèles commercialisés). En toute franchise, je ne vois aucune différence entre les diverses essence de bois lorsque je joue du metal! La seule chose qui m'importe vraiment est que le manche doit être le plus brut possible. Je déteste lorsque le vernis du manche est trop épais. Je n'aime pas les manches huilés non plus. Même lorsque le vernis est vraiment très fin comme sur la guitare que j'ai avec moi, je trouve la sensation trop glissante. Il est clair que je vais demander à mon guitar tech de poncer ce manche pour retirer la finition. J'ai toujours fait ça avec toutes mes guitares. Leurs manches sont poncés au point de ne pratiquement plus avoir de finition. 

Ton profil de manche n'est pas aussi fin que l'on pourrait le penser d'ailleurs.

Effectivement. C'est plus fin que le manche d'une Les Paul mais plus épais que celui d'une Jackson. C'est situé quelque part entre les deux. Cela donne un confort supplémentaire et une meilleure prise en main par rapport à un manche trop fin sans toutefois être trop épais. C'est un bon compromis pour moi. Lorsqu'un manche est trop plat, j'ai l'impression de jouer dans le vide ! J'ai besoin de ressentir un minimum de difficulté lorsque je joue. Un manche fin et plat rend les choses trop faciles et pour être à mon meilleur niveau, j'ai besoin de lutter un minimum. Cela se sent dans le son lorsque tu joues en dépensant plus d'énergie !

Quels accordages utilises-tu dans Children Of Bodom ?

Nous jouons soit en Ré (D) standard soit en Drop B (Si). J'ai un set signature chez DR en 10-56 que j'utilise pour les deux accordages. Je sais que mon jeu de corde peut paraitre étrange. Les cordes graves sont vraiment très épaisses en allant jusqu'au 56, et au départ c'était déstabilisant lorsque je suis accordé en Ré, mais après une période d'adaptation, tes doigts se renforcent au fur et à mesure et cela te semble ensuite tout à fait normal. Mes cordes aiguës quant à elles sont tout ce qu'il y a de plus standard, et cela fait donc un gros écart entre les graves et les aigus mais c'est le jeu de corde que j'aime utiliser depuis une dizaine d'années. Je ne m'interdis rien, je pourrai très bien changer à l'avenir, mais c'est ce qui me convient jusqu'à nouvel ordre. 

Tu utilises du 10 même en drop B ? 

Oui! Cela peut paraitre très souple mais la façon dont les ressorts de mon floyd sont réglés donne un surplus de tension sur mes cordes aiguës.

Niveau pédale, tu sembles être un fan absolu du chorus n'est-ce pas ?

Complètement ! J'adore l'effet chorus car comme je le disais au début, je suis fan de tous ces guitaristes des années 80 qui utilisaient massivement cet effet. Le chorus doit faire partie de mon son, c'est une certitude. Cela fait partie intégrante pour moi du son hard-rock et heavy metal des années 80. J'utilise toujours une pédale de chorus, la Boss CH-1 généralement, et elle est enclenchée non stop ! Je ne l'arrête jamais ! J'utilise également du delay sur les solos et autres moments où je me sers du floyd avec le Boss DD-7. Je me sers aussi de la Dunlop KH95, la wah-wah signature de Kirk Hammett. J'ai essayé beaucoup de pédales wah dans ma carrière mais celle-ci est celle que je préfère car c'est celle qui délivre le plus d'aigus. J'étais vraiment un mordu de wah à mes débuts. J'utilisais beaucoup cet effet puis soudainement j'ai un peu cessé de le faire. Je n'y avais même pas réfléchi, mais arrivé à un moment, j'ai fait une pause avec la wah. Mais je m'en ressers davantage depuis un petit moment et cela me procure à nouveau beaucoup de plaisir ! J'utilise donc seulement trois effets. C'est un peu comme pour la guitare, j'aime la simplicité et l'approche rock n'roll des choses !

Ton signal arrive ensuite sur l'ampli Marshall JVM 410H qui est très polyvalent avec ses quatre canaux et ses trois modes par canaux. Qu'aimes-tu utiliser dessus ? 

Le JVM a beau être truffé de différents sons, je reste tout le temps sur le canal OD 1. J'utilise parfois le mode rouge mais je suis la plupart du temps sur le mode orange. Niveau égalisation,  je pousse les mediums pratiquement à fond et je règle graves et aigus vers 7. J'aime beaucoup cet ampli, il est vraiment excellent car il me donne tous les mediums dont j'ai besoin tout en m'offrant en plus une grosse dose de graves. J'utilisais avant le GP-1000 de Lee Jackson et bien que cet ampli me donnait une énorme dose de mediums, il manquait cruellement de graves et c'était pénible de partir en tournée avec car il ne cessait de tomber en panne ou d'être en surchauffe. Mais j'ai utilisé l'ampli de Lee Jackson pendant de nombreuses années, jusqu'à l'album "Halo Of Blood" (2013) où j'ai ressenti le besoin d'essayer autre chose. J'ai alors testé une dizaine d'amplis différents et le JVM faisait partie du lot. Je voulais vraiment conserver les mediums du GP-1000 tout en bénéficiant de plus de graves et seul le JVM m'a donné satisfaction : en plus d'avoir autant de mediums, il a vraiment ce bas du spectre imposant ! 

Niveau baffle, vu que tu aimes la simplicité, on peut supposer que tu utilises un baffle Marshall pour aller avec le JVM. Un choix particulier au niveau des haut-parleurs ?

Rien de spécial effectivement, juste des baffles Marshall. Comme pour la nature des bois, honnêtement pour moi, la construction du baffle et le choix du haut-parleur ne font pas vraiment de différences significatives. Je sais que beaucoup de guitaristes ont des goûts très spécifiques en matière de haut-parleur et de choix du baffle, mais franchement lorsque tu joues avec autant de distorsion, dans un style de musique extrême comme le nôtre avec tellement de puissance sonore, qui donc pourrait remarquer une putain de différence ? Encore une fois, je sais que pour beaucoup c'est un choix qui a une importance capitale, mais pour moi, cela ne fait pas la moindre différence. Après, tout le monde a ses petits trucs bizarres et ses petites superstitions. Moi-même,  il y a des choses auxquelles je peux tenir qui ne doivent pas faire la moindre différence, même s'il n'y a rien qui me vient à l'esprit tout de suite, je sais que je fais certaines choses dispensables. 

Children Of Bodom célèbre actuellement les 20 ans de la sortie de son premier album "Something Wild" (1997) avec la tournée "20 Years Down And Dirty" sur laquelle vous jouez uniquement des chansons de vos quatre premiers albums. Quelle est la suite pour Children Of Bodom ?

L'été dernier nous avons joué sur les festivals et nous avons commencé à travailler sur de nouvelles chansons. Nous partons en tournée aux Etats Unis en cette fin d'année et nous allons prendre deux mois de repos ensuite. Puis nous serons prêts à entrer en studio au mois de mars pour créer notre nouvel album !    

 

Interview d'Alexi Laiho, guitariste/chanteur de Children Of Bodom