Longtemps l’apanage des Pays-Bas, les groupes de metal à chant féminin s’exportent de plus en plus. Ce n’était qu’une question de temps pour que la France se dote d’un digne représentant. Kells est donc l’heureux choisi et au moment de sortir Lueurs, nous nous sommes entretenus avec le groupe au complet pour se mettre au parfum !

Dans plusieurs interviews accordées à la suite de Gaia, vous insistiez sur le fait que votre second album serait réalisé en tenant compte des remarques et critiques. Est-ce que cela s'est finalement passé ainsi ?

Pat : Oui et non... Cela nous a sûrement influencés inconsciemment mais nous nous sommes bien isolés pour composer et c'est surtout avec nos propres critiques que nous avons essayé de faire cet album.
Jano : On a aussi vu sur la précédente tournée ce qui marche en live et ça oriente aussi beaucoup la composition ! On aime travailler les arrangements, les ambiances, mais on est définitivement tourné vers la scène ! L'amusement et les rencontres nous font avancer.

Quels thèmes se dégagent de Lueurs ?
Virg : Plusieurs thèmes se dégagent de Lueurs... Pour cet album, je ne me suis pas repliée sur mon petit moi et ses lamentations. Je me suis projetée vers d'autres sujets qui ne me concernent pour la plupart pas directement. Je me suis aussi lancée dans des thèmes que je n'avais jusqu'alors jamais abordés comme l'amour. « Avant que tu... » parle de mon obsession d'être trompée et quittée, la peur maladive que l'être aimé ne m'échappe... « La Sphère » parle de la prostitution, j'ai été très marquée par le film Irréversible. « Délivre-moi » parle du harcèlement moral. « In utero », je l'ai écrit suite à ma récente maternité, mais c'est le bébé qui parle de sa vie in utero. « Merveilles » est une ode à ma fille... « Mes rêves » parle de la myopathie de Duchênes, une maladie grave qui ronge tous les muscles du corps entraînant la mort vers l'âge de 30 ans... On l'a écrit pour un fan et ami qui vit avec cette maladie. « Lueur » parle de la dépression. « Le ciel » évoque la façon merveilleuse dont on parle de la mort aux enfants : il est monté au ciel... « Ailleurs » dénonce de façon un peu surréaliste la fausse beauté, les faux-semblants et la méchanceté gratuite. « Sans teint » m'est venu en pensant à la guerre, et surtout aux familles qui perdent des soldats : de l'autre côté sans égard, se crèvent des leurres brisés... « Le dictat du silence » parle d'un homme qui s'est fait piéger par une femme qui lui a fait un enfant dans le dos et qui est décrié par tous parce qu'il a choisi de ne pas reconnaître cet enfant. J'avais lu un article là-dessus et j'avais trouvé vraiment scandaleux que la loi française ne prévoit rien pour défendre ces mecs. Et enfin, « Sur le fil », c'est un peu la suite de Gaia. On se retrouve projeté dans un monde que l'homme a épuisé de toutes ses ressources, sans plus de couche d'ozone où la chaleur est écrasante et le soleil cuisant : la fin du monde en somme !

Du point du vue de vos rôles individuels respectifs, quelle évolution percevez-vous entre les deux albums ?
Lo : Plus de maturité, je pense !
Pat : Plus de riffs, plus d'énergie.
Jano : J'ai essayé de coller à la couleur de Kells mais j'ai voulu que ça rentre un peu plus dedans, et tout le monde avait cet envie là. On quitte le côté un peu mou de Gaia pour plus d'énergie et ça me correspond bien !
Virg : Pour moi, le gros défi était de pouvoir écrire les textes de tout l'album sans co-écritures ! Et à part « Lueur » et « La Sphère » où Candice de Eths et Jano ont écrit leurs parties vocales respectives, c'est défi relevé ! D'un point de vue vocal aussi, ma voix s'est enrobée, moins criarde, plus puissante, avec davantage de nuances...

Qu'est-ce qui vous rend particulièrement fier sur Lueurs ?
Jano : D'avoir un son plus gras et plus fat que le premier album avec moins de budget !
Lo : TOUT ! Le son, les compos, les paroles, le visuel... On est tous bien contents du résultat ! Mais bien sûr, on essayera de faire mieux sur le troisième !
Virg : Moi, c'est le son plus agressif, et le rendu des orchestrations symphoniques ! Pas de samples, pas de claviers sur Lueurs, que de véritables musiciens ! Grand piano, piano rhodes et le véritable chœur lyrique avec le quintet à cordes, c'était quand même mortel !
Pat : Perso, je suis super dur avec moi-même et à la fin de l'enregistrement, je n'étais pas très content de mon travail... J'avais encore pas mal d'idées et je me demandais si on n’aurait pas du attendre pour mettre les autres idées en boîte, et ne garder que le top du top... Puis, quand on a eu les premiers retours, et que les gens m'ont dit ce qu'ils ressentaient à l'écoute de l'album, j'ai vu que ce que je voulais dire et faire ressentir était passé, et je me suis rendu compte qu'en fait, je me prenais trop la tête ! Mais c'est normal : on veut être à la hauteur et quand on n’a pas confiance en soi, c'est dur.

Quels sont vos guitaristes de référence ?
Pat : Wes Borland, Nuno Bettencourt, Paco de Lucia... Mes parents m'ont bassiné avec lui ! Au début, il me saoulait ! Mais en fait, c'est un dieu ! Sinon, un très bon français que j'adore : Christophe Godin.
Lo : A la basse, personnellement des mecs comme John Myung, Billy Sheehan, Marcus Miller, Jaco Pastorius, Michael Manring et bien d'autres ! Bref, des maîtres de leur instrument ! Même si je ne leur arrive pas à la cheville, j'essaie de travailler mon instrument pour peut-être un jour leur arriver au doigt de pied !

Vous avez déjà joué aux côtés d'Epica et d'After Forever. Qu'avez-vous appris avec ces groupes qui peuvent être considérés comme des influences directes de votre son ?
Pat : On n'a pas tout à fait le même son... Ce sont des groupes avec deux guitaristes et nous avons moins de synthés... Du coup, dans l'étalonnage des fréquences, ils ont un son plus restreint et le matériel que ces groupes utilisent est assez classique dans ce style de metal. Moi, j'ai une influence rock aussi, j'aime le son lourd et hargneux, généreux en médiums. C'est ce qu'on a essayé de faire avec Pierre-Antoine Roiron, un artisan-luthier de Lyon avec lequel je travaille.
Lo : Etant donné que je n'écoute ni Epica ni After Forever, je ne les considère pas comme une influence pour moi ou pour Kells. Ceci dit, j'ai pu apprendre plein de trucs à leurs côtés tant au niveau humain que professionnel.
Jano : Je ne connaissais pas du tout ces groupes avant de jouer avec, donc on ne peut pas parler d'influence pour moi, ça m'a surtout amené une pote, Mariska, la merchandiseuse d'Epica !

En dehors de Kells (rires), quel est pour vous actuellement le meilleur groupe de rock/metal à chant féminin ?
Pat : Ceux que j'aime ont splitté : Guanos Apes et The Gathering.
Jano : Sans faire de la lèche, de loin Eths!
Lo : Idem, Eths!
Virg : Guano Apes, Lacuna Coil, Within Temptation, Eths, Epica (j'accrochais pas avant la tournée mais onze dates communes, ça force à y jeter une oreille !)

Pat : tu sais jouer de la batterie en plus de la guitare. De quel instrument te sens-tu le plus proche ?
Pat : Alors, ce sont deux approches différentes... La guitare, c'est pour le sérieux, et la batterie, c'est pour jouer avec les potes et se défouler ! Les deux m'apportent personnellement.

Quel groupe vous a scotché en concert dernièrement ?
Pat : Mass Hysteria !
Jano : Le concert de Trepallium et Gojira au Brise Glace à Annecy ! Bluffant de son et de technique.
Lo : Ca fait un moment que je ne suis pas allé à un concert, je préfère les faire qu'aller les voir, mais je citerais Machine Head !
Virg : Mass Hysteria au festival D-viation! Leur set est complètement planant, le jeu de lumière, leur visuel, la présence hypnotique du chanteur ! J'ai aussi été invitée par Lacuna Coil à leur live en Suisse en novembre dernier, et elle envoie bien le pâté Cristina ! Bluffée aussi par leur première partie, Bleeding Through ! Le chanteur est incroyable, il me faisait presque peur (rires) !

Comment envisagez-vous l'avenir pour Kells ?

Virg : L'avenir proche, c'est trouver encore un max de dates pour le Lueurs tour, tourner un deuxième clip...
Lo : On espère que Lueurs plaira à un maximum de gens pour pouvoir faire un troisième album et encore plein de concerts, rencontrer des humains cool, vivre de notre musique, enfin que du bon, j’espère ! Merci pour cette interview et le soutien que tu nous apportes ! Merci à tous ceux qui liront ces lignes ainsi qu'à tous ceux qui nous aiment, nous aident et apprécient notre musique ! Prends soin de toi ! Prenez soin de vous !

Kells – Lueurs
AVFP Productions
www.kells.fr
Kells, le metal à la française