Lamb Of God, avec tous les groupes de thrash américains qui se sont reformés depuis une dizaine d’années, ont permis aux sons de la Bay Area de refaire surface dans le troisième millénaire. Mark Morton et Willie Adler, les deux talentueux guitaristes du quintette, n’étant pas du voyage promotionnel pour faire connaître Wrath aux journalistes, nous en avons profité pour tailler la discussion avec Chris Adler, un batteur au jeu et au discours d’une lucidité parfaite.

Première question, assez directe comme le titre de l’album, Wrath. Pourquoi un tel titre ?Chris Adler : (rires) Willie, notre guitariste, l’a trouvé. Nous sommes tous tombés d’accord dessus car il englobait pas mal de couches et de niveaux de lectures différents. En tout cas, au niveau du chant, je pense que ce titre est justifié. Un titre comme « Reclamation » parle de la frénésie meurtrière et de notre mauvais rapport à la nature qui caractérisent notre société actuelle. Nous faisons clairement quelques choix judicieux en matière de politique environnementale mais tôt ou tard je crois que la Nature pourra nous montrer qu’elle est bien capable de nous éradiquer. Voilà donc en quoi notre album s’appelle Wrath : à mon avis l’enfer arrive !

Musicalement, en revanche, vous êtes plutôt fidèles à vous-mêmes…
Chris Adler : Oui, je crois que tu as raison. La plupart des groupes qui arrivent à notre stade deviennent de plus en plus doux. Et je ne parle pas simplement du metal puisque des groupes tels que les Red Hot Chili Peppers suivent également cette voie. Je suis fier de pouvoir dire que ce n’est pas le cas de Lamb Of God qui reste fidèle à sa ligne de conduite première. Sur notre précédent album, Sacrament, nous avons esquissé la possibilité d’être « plus » qu’un simple groupe de metal. Ce fut un défi intéressant qui a débouché sur notre album le plus populaire. C’était donc une réussite au final mais se faisant il me semble que nous avons perdu un peu du mordant et de l’agressivité qui ont fait notre renommée au départ.

Lamb Of God a toujours très judicieusement choisi ses producteurs. Comment se passe ce processus ?

Chris Adler : C’est compliqué car moi-même je ne saisis pas toujours le rôle exact d’un producteur. En tout cas les nôtres ont été assez différents. Je me rappelle avoir littéralement dit à Machine le jour où je l’ai rencontré : « Comment peux-tu prétendre en savoir plus sur mon groupe que moi ? » (rires). Steve Austin et Devin Townsend, nos deux précédents producteurs, avaient été employés uniquement pour leur son et maximiser le rendu sonore dans les studios que nous pouvions nous payer avec notre budget de l’époque. Ils faisaient plutôt un boulot d’ingénieurs du son. Pour Devin, je me rappelle que lorsqu’il est arrivé nous lui avons joué l’album en live en entier et nous lui avons demandé de positionner les micros pour mettre en boîte la musique le plus rapidement possible. Il n’a donc pas spécialement eu d’impact créatif sur la musique car nous savions exactement ce que nous voulions. En arrivant chez Epic Records, les choses ont changé car cette démarche n’était pas très habituelle pour leurs groupes et ils voulaient mettre quelqu’un de « chez eux » pour nous contrôler dans nos dépenses et dans l’avancement de l’enregistrement. Il est parfois difficile de laisser un producteur faire son travail. Je crois qu’on peut voir dans le making-of de Sacrament que nous avons dû tenir tête à Machine à de multiples reprises sur différents sujets. Il voulait que nous essayions plein de trucs, de jouer certaines parties différemment, etc. Mais nous lui rappelions constamment qu’il n’avait rien de légitime dans le metal, qu’il était simplement un type issu du hip-hop un peu bizarre. Au final, il nous a tout de même ouvert quelques portes pour ne pas sonner comme un groupe de metal lambda mais ce ne fut pas facile tous les jours.

Ses enseignements vous sont-ils utiles aujourd’hui ?
Chris Adler : Oui car il nous a aidé à devenir les compositeurs que nous sommes aujourd’hui. Nous formions une équipe assez complémentaire. Pour moi c’est finalement ça le rôle d’un bon producteur : aider à devenir meilleur. Cela peut passer par la proposition d’idées nouvelles ou alors virer un membre du groupe pour nous amener à un niveau supérieur. Tout dépend du rôle que le groupe (ou la maison de disques, parfois) est prêt à laisser au producteur. Heureusement, aujourd’hui notre label comprend qu’il ne vaut mieux pas s’interférer avec ce que nous pensons. Avec Machine, nous avons voulu voir ce qu’il pouvait se passer si nous nous adressions à un public plus large, à un public pas uniquement constitué de metalheads. Ce fut Sacrament.

Quelque chose me dit que Josh Wilbur ne voyait pas les choses de la même façon… Je me trompe ?
Chris Adler : Non. Josh… (grande pause) Je crois que Josh comprenait les responsabilités du producteur mais il n’avait sans doute pas autant envie de changer ce que nous faisions. Il nous a d’ailleurs dit pendant l’enregistrement qu’il ne voulait pas être connu comme « le producteur de Lamb Of God ». Il souhaitait simplement nous donner un bon son. Notre relation a donc été différente. Bizarrement, avec ce côté moins directif et plus humble que celui de Machine – qui nous disait juste « essayez ceci, essayez cela » – ses idées ont été nettement plus facilement acceptées et intégrées au disque. Il n’y avait du coup aucune animosité entre lui et nous. Je crois que la période de pré-production que nous avons utilisée a également été très utile.

D’après ta page Wikipedia, tu es un véritable homme-orchestre ! Outre la batterie, tu joues du piano, de la guitare, de la basse et du saxophone ! C’est vrai ?
Chris Adler : Absolument. Je n’ai commencé la batterie qu’à 22 ans ! J’ai commencé dans la musique avec le piano en réalité car ma mère était prof. J’ai beaucoup chanté aussi quand j’étais petit. Ensuite je suis passé au saxophone et au violon, que tu as oublié de citer (rires). C’est à ce moment-là que j’ai été mordu par le rock et que j’ai acheté ma première guitare acoustique. Par une réflexion surpuissante, je me suis dit que jouer sur quatre cordes était sûrement plus simple donc je suis passé à la basse (rires). J’ai joué de la basse pendant tout le lycée et la fac et même après où j’ai enregistré des trucs avec Jettison Charlie qui m’a permis de tourner plusieurs fois aux Etats-Unis. Par la suite j’ai pu intégrer Lamb Of God mais à la condition que je prenne les baguettes. C’était une bonne occasion de s’y mettre ! En tout cas, tous ces instruments m’ont façonné bien que j’aurais du mal à jouer convenablement du violon aujourd’hui (rires).
Lamb Of God – Wrath
Roadrunner
www.lamb-of-god.com
Lamb Of God, de plus en plus thrash

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