Après Demians il y a quelques mois, voici notre nouveau coup de cœur de rock prog français : Lazuli. Et comme on n’est jamais mieux servi que par les membres du groupe en personne, nous laissons tout de suite la parole à Dominique Leonetti, le chanteur et guitariste de cet électron libre de la scène hexagonale.

Si tu devais définir Lazuli en quelques mots...?
Dominique Leonetti : Je pense que Lazuli est un groupe assez singulier. Quelque part entre la chanson, la world, le rock, l'electro et le rock prog... Quelque part entre Jacques Prévert et Tim Burton... Nous cultivons une histoire "familiale" et "artisanale", le but étant de maîtriser et de réaliser le plus de choses possible et de prendre un maximum de plaisir. Mais à vrai dire, nous aimons à définir le moins possible Lazuli, pour éviter les étiquettes et pour nous laisser la liberté d'y faire ce que nous voulons.

Vos titres d'albums sont toujours très joliment trouvés. Quelle est l'histoire de celui-ci ?
Dominique Leonetti : "Réponse incongrue à l'inéluctable" se trouve être la dernière phrase de l'album. Elle reflétait notre état d'esprit du moment. Notre envie de liberté dans le carcan de la vie, notre envie de vivre en attendant l'inéluctable, notre besoin futile de faire de la musique dans ce monde qui ne tourne pas rond. De plus, ces mots collaient parfaitement avec la pochette et ce cheval de carrousel s'échappant du manège. Rendre l'impossible possible, désespérément.

Les textes aussi se démarquent de la production rock français. Il y a même un petit quelque chose de Brel sur « Vie Par La Face Nord ». C'est une influence que tu revendiques ?
Dominique Leonetti : C'est un compliment ! Brel est sans doute une influence inconsciente au même titre que de nombreux chanteurs français de notre "patrimoine". Mais le seul de mes compatriotes à avoir tourné en boucle sur ma platine pendant mon adolescence est Renaud et je ne suis pas certain que cela se sente dans mes chansons. J'ai beaucoup plus été construit par des groupes anglo-saxons. Paradoxalement, le texte en français a une importance majeure pour moi.

Parmi tous les titres du disque, « On Nous Ment Comme On Respire » a particulièrement retenu mon attention. Par son ambiance, il dénote quelque peu d'un album assez homogène et agréable à l'écoute. Vous n'avez pas envisagé de donner un côté plus rugueux par instants aux chansons ?
Dominique Leonetti : Il est vrai que « On Nous Ment Comme On Respire » est le morceau le plus explicite, "politique", vindicatif et revendicatif de l'album. A mon avis, « La Belle Noirceur » ne manque pas de rugosité non plus. Mais c'est un aspect moins présent de notre personnalité, j'ai tendance à écrire plus fréquemment sous l'emprise de la mélancolie. Il est difficile pour moi d'envisager à l'avance une façon d'écrire, rugueuse ou autre ; le stylo ne fait que traduire ce que l'on est.

Tu cumules les rôles de chanteur et de guitariste. Y a-t-il un rôle qui te tient plus particulièrement à cœur, notamment sur scène ?
Dominique Leonetti : J'aime tellement faire les deux ! Mais si je devais ne garder qu'une chose, ce serait sans doute les mots. J'ai même tendance à écrire les textes sans musique depuis quelques temps alors que jusqu'à présent, il me fallait mener les deux de front, un accord amenant un mot, une phrase amenant une suite d'accord, etc. Il est donc possible que je prenne plus de plaisir à chanter, surtout sur scène, mais en même temps, il me serait impossible de l'envisager totalement sans une guitare entre les mains.

Quel matériel de guitare as-tu utilisé sur cet album ?

Dominique Leonetti : J'ai beaucoup utilisé ma Godin LGX avec sa sortie piezzo et avec sa sortie double bobinage, branchée à un Pod XT Live. Une paire de prises ont été faites avec un JCM Marshall de 1959. J'ai également utilisé ma 12 cordes Seagle et ma mandoline Fender. Je me sers le plus souvent de sons acoustiques ou crunchy pour être complémentaire avec les sons souvent plus saturés des Parker de Ged ou de la léode de Claude.

La scène progressive en France n'est pas très féconde. Comment expliques-tu ce désintérêt pour ce courant ?

Dominique Leonetti : Ces quinze dernières années, beaucoup de groupes se sont engouffrés dans des mouvements plus à la mode. Je pense que les gros médias, les "décideurs" et les programmateurs influencent beaucoup et ils ont contribué à ringardiser les longs morceaux, les solos de guitares, les entrées en matière progressives et les développements. Ce n'est qu'à l'image de notre mode et monde de consommation. Mais les choses semblent changer, les groupes actuels n'ont plus honte d'assumer l'influence qu'ont eue sur eux les grands groupes de prog. Du coup, il n'est pas rare de voir des adolescents se tourner vers le Hard Rock ou le Prog et se retrouver dans les groupes phares des 70's. Pour revenir au manque de fécondité, il reste la difficulté de faire sonner la langue de Molière avec l'atmosphère de ce courant. Peut-être que beaucoup de groupes ne veulent pas s'y tenter. Les Porcupine Tree, Muse, Coldplay et autres Radiohead ont relancé un peu l'intérêt mais peut-être manque-t-il quelques groupes français qui se démarquent pour être fer de lance.

Quelle est ta formation musicale ? Et celle de tes camarades dans le groupe ?
Dominique Leonetti : J'ai étudié quelques années dans un institut de Jazz (l'IMFP) mais j'ai également beaucoup appris à droite à gauche au gré des rencontres et des projets. Mon frère Claude (Léode) a à peu près le même parcours que moi mais avec une approche et un apprentissage plus technique et technologique. Nous avons dirigé ensemble un studio d'enregistrement (L'Abeille rôde) pendant de nombreuses années. Le studio est un endroit plus que formateur. Ged (guitare) a passé quelques années en école de musique mais il est en grande partie autodidacte (il a notamment écumé les magazines de grattes !). Vincent (batterie, percussion, marimba) a une formation de conservatoire. Il a un DEM percussions classiques et un DEM musiques actuelles. Romain (claviers et cor français) a un parcours similaire avec un DEM piano, un DEM cor et un DEM solfège.

En tant qu'auditeur, que faut-il pour t'accrocher ?

Dominique Leonetti : J'ai tendance à être séduit par les morceaux un tantinet sombres ou mélancoliques, voire un peu torturés. Peu importe le style tant que le propos est sincère. Mis à part les choses festives qui me laissent le plus souvent froid, d'une manière générale, je me laisse transporter dès qu'un morceau m'évoque des images.

Quels disques faut-il écouter pour y découvrir un aspect important de ta personnalité ?

Dominique Leonetti : S'il devait n'y en avoir qu'un, je choisirai sans hésiter "Sergent Pepper..." des Beatles. Mais puisque la question est au pluriel, ajoutons: Highway To Hell d'AC/DC, Grace de Jeff Buckley, No Quarter de Led Zep, Seasons End de Marillion et une grande partie de la discographie de Peter Gabriel.

Quels sont les projets musicaux que tu aimerais faire aboutir d'ici cinq ans ?
Dominique Leonetti : Une paire d'albums et DVD avec Lazuli, des scènes toujours et encore et trouver l'opportunité de réaliser un vieux rêve : faire une BO pour le cinéma.


Lazuli – Réponse Incongrue A L’inéluctable
Autoproduction
www.lazuli-music.com 
Lazuli, la poésie du Rock Prog français