Bien loin de la grande époque de White Lion, Mike Tramp a maintenant des envies de troubadour. Seul avec sa guitare, il se produit en première partie de Beth Hart pour promouvoir son album dépouillé, « Cobblestone Street ». Le genre de revirement qui donne envie de savoir pourquoi.

Il me semble que Cobblestone Street est né par accident. Quand on entend la musique, assez différente de ton style habituel, on se demande comment c’est possible…
Mike Tramp : Je suis rentré en studio sans savoir ce que j’allais y faire. La plupart des chansons que j’écris naissent d’une mélodie acoustique avec du chant. Ce n’est qu’après qu’elles évoluent en des titres rock. J’ai voulu enregistrer ces premières moutures pour voir ce que ça donnait. J’ai commencé avec le morceau éponyme et trois autres sont venus dans la foulée, très facilement. J’ai ensuite suivi cette direction, sans avoir de label ou d’obligation contractuelle. J’ai retrouvé l’espace d’une session la liberté artistique totale.

Une liberté que tu n’avais pas eue jusqu’ici ?
M. T. : Je croyais l’avoir. Mais dans le fond, on pense toujours à la tournée, au label, à la présence d’un single, à ce que la presse dira, à l’avis de Lars Ulrich, etc. Cobblestone Street synthétise la pureté de ma démarche. La scène flower power des années 70 était très forte au Danemark : ma mère et mon frère aîné écoutaient sans cesse les albums de Dylan, Young et Donovan. C’est quelque chose qui était naturel chez moi. Les premières chansons que j’ai jouées étaient de Dylan. Je reviens à mes origines.

À quel moment as-tu perdu tes origines ?
M. T. : En faisant partie d’un vrai groupe. Lorsqu’un guitariste prend ta chanson acoustique et lui donne un côté « rock » avec un gros riff, tout change. C’est comme si un groupe adaptait « Yesterday » des Beatles. Je n’ai jamais rien composé avec une guitare électrique. La seule différence avec Cobblestone Street, c’est que je garde mes idées brutes et les présente comme telles au public.

Certaines chansons de Cobblestone Street ont-elles été pensées comme des morceaux pour un groupe électrique ? Ou est-ce que tu étais sûr dès le départ qu'elles trouveraient leur place sur ce disque unique à ce stade de ta carrière ?
M. T. : Non. Je voulais justement arrêter le travail sur les chansons au moment où elles pourraient peut-être être adaptées en versions électriques. C'était le but de ma démarche, en fait. Je savais que les titres de Cobblestone Street allaient devenir autres en allant dans cette voie. Il y aurait deux grosses guitares, ma voix avec plein d'effets dessus et ça serait quelque chose de complètement différent où je n'entendrai plus la beauté de la version initiale. Les effets enlèvent toute personnalité. Ecoutons donc du Led Zeppelin ou du vieux AC/DC. La plupart du temps il n'y a qu'une seule guitare, ou une seule piste de guitare en tout par guitariste. Et ça change tout. Le monde stéréo des eighties n'a finalement rien de très excitant en comparaison...

Mais les années 80 sont loin... Comment se fait-il que Cobblestone Street ne soit pas sorti de toi plus tôt ?
M. T. : Il est là depuis longtemps. Je sais que cela fait des années que je veux le faire. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que je me sens à l'aise avec l'idée. J'ai dû bosser pour White Lion et Freak Of Nature ainsi que ma carrière solo. Et puis il y a eu la seconde version de White Lion. J'ai dû faire toutes ces choses pour savoir à quoi m'en tenir. Certaines ont sans doute été des erreurs mais comme beaucoup de personnes j'ai dû les commettre pour être certain que je me trompais. Certains artistes arrivent à l'effet recherché et à la perfection dès leur premier album. Pour ma part, j'ai dû batailler pendant de nombreuses années pour arriver à ce résultat aujourd'hui. C'est une renaissance.

Le genre de musique qu'on entend sur Cobblestone Street n'en est que meilleur lorsque l'artiste a du vécu. Ça s'entend dans la chant, dans les textes, dans la sobriété des arrangements... Dans tout, en fait !
M. T. : Tout à fait. Il fallait que je vive cette vie pour arriver à ce résultat. C'est sûr que ce sont pas des chansons de Justin Bieber qui parlent de séparations amoureuses alors qu'il n'a même pas encore roulé de pelle à une gonzesse (rires) !

Je doute qu'il soit parolier de ses chansons.
M. T. : Voilà ! Quand je vois les candidats à American Idol qui ont 18 ans et qui chantent des trucs de Luther Vandross, je me dis : « Merde ! Ils n'ont sans doute jamais eu de copine ou conduit de bagnoles et ils chantent ça... » Bon, d'accord, moi aussi j'ai été jeune, mais dès le début j'ai écrit mes propres trucs. Tu ne peux pas jouer la comédie quand tu fais de la musique. Tu peux accepter le postulat selon lequel musique = fête. Et du coup tu ne fais que jouer avec des grosses guitares et tu en fais des tonnes. Ou alors tu acceptes d'être un artiste sérieux. Cette dichotomie a été une vraie bataille pour moi depuis des années. Toute ma vie en fait ! Regarde-moi, j'ai les cheveux longs, les habits délavés et pourtant je chante un morceau sur le Rainbow Warrior.

Te sens-tu comme un combattant de la liberté à présent ?
M. T. : Non, pas forcément, car plein de gens sont meilleurs que moi dans ce créneau. Toutefois, je me sens plus près de cette mentalité que de celle du bassiste de Kiss... J'ai adoré joué avec eux, c'était une super expérience musicale. Mais il y avait une partie de moi qui adorait traîner avec les roadies, les vrais Américains. Entre les concerts, je restais souvent avec eux pour essayer de m'imprégner de cette culture qui m'était totalement étrangère. J'avais oublié que je m'étais échappé du Danemark. Ce que je voulais devenir – un chanteur de pop rock avec des cheveux blonds - n'avait aucune place dans le Danemark des années 70. L'Amérique est devenu mon sauveur sur tous les plans et en côtoyant les vraies racines de ce pays j'ai trouvé le terreau de ma renaissance.


Mike Tramp - Cobblestone Street
Verycords
www.miketramp.com
Mike Tramp : « Avec Cobblestone Street, je garde mes idées brutes et les présente comme telles au public »