Alors que Satan Jokers devait être mis entre parenthèses, Renaud Hantson revient avec un nouvel album, sorte de suite d'« AddictionS », baptisé « Psychiatric ». Comme il est toujours très intéressant de récolter les pensées de son leader, nous lui avons tendu une troisième fois le micro au cours d'un entretien pour en savoir un peu plus sur cette nouvelle aventure...

J'avais cru comprendre qu'après AddictionS, Satan Jokers devait être mis en veilleuse. Qu'est-ce qui t'a poussé à continuer et à faire un nouvel album ?
Renaud Hantson : Le groupe ayant eu une existence plus longue que la première formation des années 80, j’estimais qu’après un album de la trempe d’AddictionS, mon travail était terminé, afin de laisser une image positive de Satan Jokers. Or il y a encore plus cinglé que moi dans le groupe. Celui qui est maintenant devenu le cinquième membre de Satan Jokers, le docteur Laurent Karila, m’a proposé dès la sortie d’AddictionS de partir sur un concept autour des maladies psychiatriques avec 12 nouveaux textes qu’il avait préparés. Nous nous sommes donc mis au travail avec Pascal Mulot et Michaël Zurita dès que j’ai reçu les premières paroles de Laurent et avons conçu notre album le plus collectif au niveau des compositions.

Les textes sont assez intéressants sur Psychiatric. Ont-ils devancé la musique ou est-ce qu'ils l'ont au contraire inspirée ?
R. H. : Laurent m’a envoyé 12 textes, mon boulot consistait à voir quel climat musical pouvait correspondre à ce que chacun d’entre eux dégageait. Je me suis immiscé dans quatre textes afin de leur donner une sorte de licence poétique. Sans cela, il n'y aurait eu qu'un jargon assez médical dans ce qu’il a écrit. Cela a été l’album le plus compliqué à interpréter vocalement pour moi depuis que je fais ce métier.

Qu'est-ce qui explique cette envie soudaine de décliner les maladies psychologiques sur la longueur d'un album ?
R. H. : Sûrement l’envie de ne pas faire comme les autres groupes de metal. J’ai déjà suffisamment chanté les sorcières, les dragons et autres sympathiques bestioles typiques des textes de hard rock. Satan Jokers n’a jamais complètement fonctionné comme les autres groupes tricolores. Avoir des textes qui abordent des sujets de manière plus « grand public » et en même temps intelligente est un challenge qui m’intéresse au plus haut point, j’aime penser que le plus grand nombre puisse être touché par le metal.

L'album « Psychiatric » de Satan JokersComment résumerais-tu Psychiatric à quelqu'un qui ne l'a pas entendu ?
R. H. : Déjà en lui disant qu’il l’écoute (rires) ! C’est certainement l’album le plus complexe de Satan Jokers et le moins facile d’accès. Il fallait créer les climats en rapport avec les 12 maladies psychiatriques évoquées dans les textes. Nous sommes revenus à la base même de la création de ce groupe qui a toujours souhaité mélanger les genres comme le jazz rock et le metal. C’est donc un metal très fusion qui est présent tout au long des douze chansons. Le DVD bonus inclus à l’album permet également d’avoir une approche supplémentaire au disque, avec trois heures de vidéo. Il comprend le troisième Satan’s Fest, de 2012, où nous avons joué l’intégralité de l’album AddictionS. Le deuxième chapitre regroupe tous les clips du groupe et des extraits live rares. Le troisième propose des images inédites du line-up des années 80, dont deux clips sur « Pas fréquentables » et « Trop fou » pour toi réalisés pour l’occasion. Cette partie est un hommage à Laurent Bernat, avec qui j’avais formé ce groupe dans les années 80. Il a disparu il y a près d’une dizaine d’années maintenant.

Musicalement, tu sais encore te mettre en danger et proposer des plans surprenants qui émaillent Psychiatric. C'est une donnée essentielle pour continuer l'aventure ?
R. H. : Absolument. Comme je l’ai dit, ce groupe n’a jamais rien fait comme les autres. Le marché du disque est moribond. Je ne travaille plus que pour laisser une trace de mon passage dans la musique. Plus cette trace peut être originale, voire avant-gardiste ou quelque peu étonnante avec Satan Jokers, plus je suis satisfait.

Avec ce disque, vous obtenez les retours les plus positifs depuis les années 80. Cela te donne le sentiment d'une seconde naissance ?
R. H. : Non, car le groupe a toujours autant de détracteurs que d’admirateurs. Cela fait la force et la fascination constante que Satan Jokers a toujours exercées dans le circuit du hard rock français.

Dans quel état d'esprit es-tu aujourd'hui ? Plus heureux que jamais ? Tout semble te réussir !
R. H. : Je suis plutôt serein. Seuls quelques éventuels trolls sur Internet pourraient gâcher le moral au beau fixe du groupe. Satan Jokers est un groupe qui ne laisse personne insensible. Il y a toujours eu beaucoup de jaloux qui gravitent autour de ce qu’un bon nombre d’adeptes s’accorde à baptiser comme étant une dream team du metal français, avec Mulot, Zurita, Ouzoulias et moi-même.
Plus heureux que jamais ? Ça, par contre, je ne le sais pas. Je sors un deuxième livre intitulé Homme à failles (Sexe & drogues & show business Tome II) le 29 mars aux Editions du Préau. C’est la suite logique d’un premier essai, Poudre aux Yeux, une autobiographie parue chez Flammarion il y a un an. Je vais encore plus loin, sous la forme d’un abécédaire, dans l’explication de ce qu’est l’addiction et sur mes quelques faux-pas de cette année. Je serai vraiment heureux et tout me réussira complètement quand j’aurai atteint ce qui est le plus difficile pour moi…

J'ai lu que tu as un projet de rock opéra. Tu peux nous en dire plus sur le concept et le casting envisagés ?
R. H. : La réalité est que Satan Jokers va très certainement rentrer dans un sommeil de plusieurs mois. Sans management ni producteur de spectacle, le groupe tourne très peu. Nous ne voulons pas des conditions proposées régulièrement aux groupes venant des années 80, acceptées par certains de nos collègues de formations diverses. Laurent Karila a envie que nous terminions ce qui sera donc un triptyque par ce qu’il nomme un « sex opéra », un opéra rock sur les addictions sexuelles et les perversions. L’idée étant très intéressante, cela me permettrait de boucler une boucle puisque le grand public m’a connu à travers Starmania, La Légende de Jimmy ou Notre-Dame de Paris. De plus, inviter quelques chanteurs et chanteuses de metal francophone que j’apprécie serait un réel plaisir. J’ai déjà quelques noms en tête mais je préfère ne pas en parler pour l’instant.

Quels sont les autres projets, musicaux ou autres, que tu aimerais voir aboutir en 2013 ?
R. H. : Les autres projets sont un album solo prévu peut-être pour novembre 2013, un album de blues pour mon projet parallèle de big rock Furious Zoo, beaucoup de concerts, la sortie de ce deuxième livre Homme à failles, des cours dans mon école de chant et de batterie et continuer à faire le plus possible de la prévention aux côté du docteur Karila.

À quoi pouvons-nous nous attendre sur la prochaine tournée de Satan Jokers ?
R. H. : Comme je l’ai dit, je ne sais pas si le groupe entamera une réelle tournée. Il y aura quelques dates isolées là où on respecte notre travail et où les organisateurs de spectacles savent que ce que nous présentons n’est pas un truc franchouillard et qu’il n’y a aucune raison que certains groupes anglo-saxons demandent un million de dollars et qu’un groupe français accepte à peine quelques milliers d’euros. C’est un peu le nerf de la bataille que je mène actuellement car, si un groupe comme Satan Jokers obtient gain de cause à un moment où justement il a plutôt le vent en poupe, cela servira tous les groupes, quelle que soit leur notoriété. Il faut comprendre qu’un groupe professionnel n’a pas un job en parallèle lui permettant de vivre et que, quand nous nous réveillons le matin, le compteur tourne et il nous faut gagner notre vie grâce à la musique. Aucun d’entre nous n’est boulanger, charcutier ou vendeur dans un magasin. Or, les organisateurs de spectacles prennent beaucoup moins au sérieux les groupes francophones que les groupes anglo-saxons qui viennent régulièrement faire ce que j’appelle des « holp-up » en France !

Le mot de la fin ?
R. H. : Je suis très fier d’avoir remis un pied en 2005 dans cette musique que j’aime par-dessus tout. Avoir remonté Satan Jokers a été totalement inattendu pour moi car ce n’était pas dans mon programme. Le hard rock est un véritable genre et pas une mode semblable à ce à quoi nous avons droit actuellement avec la télé-réalité ou comme l’ont été les boys bands et girls bands à une époque. C’est un genre aussi fondamental que la musique classique, le jazz ou le rap aujourd’hui. Cela n’a rien à voir avec une vague. Les vagues vont et viennent quand on regarde la mer. Le hard rock ne disparaîtra jamais et je suis très fier d’avoir, à ma façon et depuis les années 80, fait un peu avancer cette musique dans notre pays.

Le clip d'« Obsession » de Satan Jokers



Satan Jokers – Psychiatric
Brennus

Renaud Hantson : « Psychiatric est certainement l'album le plus complexe de Satan Jokers »