Direction le Grand Est avec Shake the Deaf, trio strasbourgeois, avant la petite pause de l’été. C’est avec le clip « Blurred Memories », titre qui ne figure pas sur l’EP, que je les ai découverts. Profondément émue, bouleversée par les images percutantes, le jeu terriblement expressif de l’acteur, la compo à la fois planante et accablée et enfin le chant au ton juste sur ce sujet si difficile qu’est l’exclusion, telles ont été mes premières sensations, chargées de frissons. Alors certes, en écoutant le premier titre de l’EP « Crazy things », je ne m’attendais nullement à me retrouver propulsée dans un univers proche des Red Hot Chilli Peppers ! Shake the Deaf passe du rock au funk sans autres transitions. Si les groupes en règle générale refusent les étiquettes –et on leur accorde cet espace de liberté bien sûr- on peut regretter ici le lien qui révélerait leur identité propre. Mais on leur pardonne parce qu’ils donnent une belle et même énergie sur chacun des morceaux et qu’on sent en eux quelques promesses ! [Scène Ouverte] s’en va chercher les rayons du soleil et reste à l’affût de nouveaux talents. See you !

Shake the Deaf a été fondé en 2013. On notera quelque chose de pas si fréquent, un chanteur-batteur ! Racontez-nous son histoire et son évolution…  
Yann (guitare – clavier) : C’était plus par nécessité que par envie d'originalité. Si on revient au big bang du groupe, nous n’étions que deux : Xavier et moi-même. Tous deux, guitaristes de formation, nous jouions pas mal de reprises ensemble. Xavier s'est essayé au chant, et dans la foulée a squatté la batterie de son oncle. Quitte à se faire du mal autant y aller à fond.
Il y a eu un temps d'adaptation, mais après quelques VHS de Phil Collins et quelques ampoules, ça a commencé à prendre forme et Xavier devint ainsi le batteur-chanteur que nous connaissons.  
Un bassiste nous a rejoints  peu de temps après et le groupe Tenia a vu le jour (axé principalement sur les reprises). Suite au départ de ce dernier, nous avons décidé de repartir sur de nouvelles bases : nouveau musicien, nouveau nom : Shake the Deaf !  
C'est en 2013 avec l'arrivé de l'actuel bassiste, Manu, que le groupe a commencé à évoluer. Il n'était plus question de tourner autour de reprises. Nous nous sommes axés sur la composition.    
Sans vouloir se cantonner dans un registre fermé, nous avons également travaillé à intégrer un piano dans nos compos, ce qui a donné vie aux morceaux « Brain Explosion » et « Fuzzy Will » (disponibles sur l'EP).

Le mieux, c’est de l’écouter, on est tous d’accord, mais avec quels mots définiriez-vous votre musique qui surfe sur différents styles ? Quelles sont vos influences ?  
Cette question est toujours épineuse, nous sommes nous-mêmes en débat quand on nous interroge sur le sujet. Quel style faisons-nous ? Du rock alternatif ? Progressif ? Indie ? Pourquoi pas tout à la fois, ça nous arrangerait bien, les étiquettes, ça craint !  
Sur le principe, nous nous inspirons de groupes aux styles majoritairement rock. Rage Against the Machine, Red Hot, Pink Floyd et Queens of the Stone Age pour n'en citer que quatre. Ceux-ci sont un bon exemple de la diversité des genres.  
Et très honnêtement, c'est pour ne pas s'enfermer dans un genre prédéfini qu'on choisit de composer de la sorte, histoire de pouvoir faire des surprises et se faire plaisir avant tout.

Qui fait quoi ? Comment s’organise votre travail ?  
On a le gros avantage de n'être que trois et que ce soit pour les prises de décision ou dans la composition, cela nous permet de trancher rapidement (ça ne marche pas à chaque fois non plus...), mais tout dépend du moment. La majeure partie du temps, on compose en répétition et dès qu’une idée percutante sort du lot, celle-ci est travaillée jusqu’à ce que tout le monde soit satisfait, ou mise de côté dans le sac des riffs non aboutis.  
Par la suite, c’est la voix et le texte qui sont figés. Je ne sais pas si c'est la meilleure approche, mais les rares fois où  on a essayé dans l'autre sens, nous ne sommes pas allés bien loin.  
Un bon exemple du processus de composition est la chanson « Crack in time » disponible sur l’EP, le riff de basse en est à l’origine. Celui-ci ayant immédiatement plu à tout le monde, les différents instruments se sont greffés par dessus quasi immédiatement jusqu’à la voix en dernier. 

Où et dans quelles conditions a été enregistré l’EP ; avec qui ?    
L'enregistrement est un point de passage délicat et crucial pour un groupe. Il est important de se lancer au bon moment et ne pas se précipiter sous prétexte que l’on voudrait enregistrer vite ou en quantité.  
Concernant l’EP, les prises et le mixage ont été réalisés par Ben Hincker (So called wise / Lost bastards). Il a consacré le temps nécessaire pour nous faire prendre du recul sur les enregistrements et il a participé à la création de certains arrangements (vocaux pour la plupart), apportant un changement d'atmosphère au rendu final de l'EP. Nous tenons encore une fois de plus à le remercier pour le travail effectué et la sympathie qu’il nous a témoignée.
Enfin, le mastering a été effectué par Arco Trauma au studio Kawati (étant d’ailleurs notre local de répète). En gros, un EP 100 % strasbourgeois !

Côté guitares, amplis, effets, quel matériel a été utilisé ?  
Niveau guitare, je ne suis pas un geek du matériel, je préfère le son brut d’un ampli.  
Je joue principalement sur deux guitares, une Gibson SG Special (qui n’est plus au mieux de sa forme) et une Fender TeleMaster Frankenstein. Frankenstein car montée à partir de plusieurs pièces récupérées par ci par là. Elle sonne d’enfer !  
Niveau ampli, je branche tout ça dans une tête Orange Dual Terror quelque peu modifiée. Entre les deux se trouvent quelques pédales : une Whammy pour le gros son, une volume/wha Morley, un phaser MXR 90, une réverb Electro Harmonix Holy grail nano et c’est à peu près tout. J’alterne également avec un clavier sur certains morceaux.  
Côté Basse, Manu joue sur une Ibanez 4 cordes SR 700 CN avec un multi effet Zoom B3 et un ampli Mark Bass Players School de 250 watts.

Six mois avant votre EP est sorti le clip absolument magnifique « Blurred Memories » réalisé par le collectif canadien French Connection Film. Comment est née cette collaboration ?  
En fait, c’est notre bassiste Manu et son ami Joffrey Saintrapt, réalisateur au sein du collectif French Connection Film de Toronto, qui ont permis cette collaboration.  
Le collectif a tourné un court métrage nommé « Ironied », lequel a été présenté dans divers festivals de court métrage et dont certaines scènes coupées au montage ont servi  de base au clip « Blurred Memories ».  
Le thème du film et de notre chanson collaient  bien ensemble. En effet, le titre évoque l’apathie, ces états où l’on n’a plus aucune impression de mouvement, chose qui correspond assez bien au visuel de la chanson.    
Du coup, pour compléter le visuel, l’acteur principal a spécialement rejoué certaines scènes. Joffrey a filmé d’autres séquences, et voilà, le clip de « Blurred Memories » est né. Celui-ci a d'ailleurs été sélectionné dans quelques festivals de vidéoclips musicaux (Toronto et Kenya).  
On est très contents du résultat et nous espérons qu’il plaise également aux personnes qui nous lisent ici !

Quels sont vos actus et projets ?    
L'appel du studio se fait ressentir au fur et à mesure des semaines qui avancent. Nous avons eu un début d'année un peu plus calme ce qui nous a permis de concocter quelques nouveaux morceaux. L'envie de les enregistrer est très présente ces derniers temps. Après, le fond et la forme, EP ou LP, tout dépendra de ce qu'il est envisageable de faire avec les moyens dont nous disposons.

De qui, de quoi auriez-vous besoin pour le bon développement du groupe ?    
D’une personne qui aime sortir son téléphone ! Clairement, l’organisation, le démarchage, le merchandising, l’administratif ne sont pas notre fort. De plus, cela demande un temps non négligeable.
Actuellement, la recherche de concerts se fait majoritairement via des opportunités et ça, il n’y en a pas tous les jours. Pour faire simple, nous aurions besoin de quelqu’un qui aurait un peu de temps pour nous aider de ce côté-là.

La région Alsace dont vous êtes originaires est-elle active dans le soutien et l’accompagnement de la scène locale ?   
Pour ne rien cacher, nous n’avons pas réellement creusé cette piste jusqu’à présent. Ici, à Strasbourg par exemple, il y a une salle autogérée, le Molodoi, dont la ville est bailleur et qui permet de recevoir des artistes locaux comme internationaux, ainsi que la médiathèque qui propose à l'écoute les albums et EP des artistes locaux.    
Aussi, la vie associative est très développée à Strasbourg et en Alsace. Il y a pas mal de choses qui s'organisent (tremplins, concerts, mini festivals...).  Sinon, pour le reste, je pense que c’est un peu pareil partout, les connaissances ça aide J

Pas de question, la voie est libre pour dire ce que vous voulez !    
Avant tout, un grand merci de nous laisser la parole sur Guitariste.com, c’est un réel honneur que de s’exprimer ici. On espère que les lecteurs curieux auront pu tendre une oreille sur notre son et notre univers et que ça leur a plu. 
D’ailleurs, comme nous sommes en pleine phase créative, nous serons dans les starting blocks à partir de septembre.    
N’hésitez pas à nous contacter, nous suivre et surtout venir nous écouter ;-)

Dates de concerts 

C’est par là que ça va se suivre : www.facebook.com/shakethedeaf

Liens Internet :
www.shakethedeaf.bandcamp.com

Cette rubrique est aussi la vôtre, alors n'hésitez pas à envoyer vos productions pour être interviewé par Maritta Calvez à maritta[a]guitariste.com (remplacez le [a] par @).

[Scène Ouverte] Shake the Deaf