Vos soirées concerts pourraient bien trembler avec l'arrivée de Teleferik dans les parages ! Eliz est une véritable boule de feu sur scène, tant par son jeu de basse, sa présence et son caractère que par sa voix, cette voix cassée juste ce qu'il faut pour rugir de ses tripes jusqu'aux tiennes. Alors bien sûr, difficile de ne pas faire le lien entre ses origines libanaises et toute la rage que l'histoire de ce pays peut engendrer, mais il n'y a pas que ça. La volonté de Teleferik est aussi d'innover, d'abattre les cloisons faites de clichés et d'images surannées relatives au monde oriental qu'on n'associe pas d'emblée avec le rock. Et pourquoi non ? Voilà qui est fait. Quant à Arno, il fait sonner sa Telecaster en grillant les notes avec une dextérité à la fois puissante et élégante. La grande classe ! On espère avec eux que leur prochain album à venir aura la visibilité que Teleferik mérite. C'est quand leur prochaine scène déjà ?

Hey, bonjour Eliz, salut Arno ! Heureuse de vous recevoir sur la [Scène Ouverte]. Teleferik se présente comme un duo, mais s’accompagne toujours d’un batteur sur scène. Comment tout a commencé, quelle est la genèse du groupe ?  
Eliz : Bonjour Maritta, ravis de cet interview pour [Scène Ouverte]. Arno et moi nous nous sommes rencontrés lorsque nous étions étudiants en vidéo et cinéma. Nous avons travaillé ensemble sur des projets audiovisuels. Notre passion pour l’audio a pris le pas sur le visuel. Nous avons créé Teleferik. Très difficile de trouver un batteur disponible et dévoué à un seul groupe, nous présentons donc le groupe comme un duo. Pour les besoins du live, nous devenons un trio ou plus, avec Olivier Hurtu à la batterie depuis 2014, qui a participé aussi à l’élaboration de notre premier album « Lune Electric ».

Le mieux, c’est de l’écouter, on est tous d’accord, mais avec quels mots définiriez-vous votre musique ? Quelles sont vos influences ? Multiples, c’est certain ! Arno : Teleferik est le mélange de nos origines musicales, mais aussi nos origines tout court. Eliz est Franco-Libanaise et parle trois langues qu’elle partage dans nos compositions : le français, l’anglais et l’arabe. Elle écoute beaucoup de musique Afro-Américaine et Moyen Orientale depuis toute petite et mélange les courants soul, blues et rock avec ses origines libanaises.    
Eliz : Arno est un guitariste, féru de son et de nouvelles technologies depuis l’adolescence, fan de Jimi Hendrix et de Hip Hop, il met son univers à disposition du groupe. Tout cela donne la couleur à nos sonorités.

Au sujet des inspirations et de l’énergie qui se dégage sur scène, difficile de passer à côté de tes origines libanaises Eliz, qui te tiennent à cœur j’imagine... Tu réussis ce tour de force de chanter du rock en Arabe, bien loin des clichés orientaux. Pari réussi si c’en était un, ça sonne ! Qu’est-ce que cela représente pour toi ?  
Eliz : L’idée de chanter en arabe m’est venue naturellement. L’envie tout d’abord de créer une musique qui n’existe pas ou peu, du rock, de la soul, du blues chantée dans la langue de mes ancêtres, et puis estomper les étiquettes et clichés exotiques très nombreux autour de la musique arabe et dite du « monde ». Avec Arno, nous trouvons cela péjoratif. La musique de « blanc occidental » est considérée comme de la musique. Elle est respectée et considérée comme un courant, un genre, par contre, la musique « non blanche »,  « non occidentale » est nommée « musique du monde » comme si elle était « autre » « différente » « d’un autre monde » ou pire « noyée dans la masse ». Toute musique est complexe, riche, et peut aussi sonner comme un bon morceau de rock ou autre, et qu’importe d’où elle vient. La musique abolit les clichés, il faut préserver cette idée et la développer. Teleferik l’a bien compris.

Qui fait quoi ? Comment s’organise votre travail de compo et de répet ?  
Nous travaillons ensemble. Nous nous faisons d’abord plaisir, en jammant, en improvisant. Eliz prend sa basse, moi la guitare et on joue, on s’amuse, puis Eliz s’exprime et chante d’abord en yaourt ou en répétant une phrase qui lui vient spontanément. Peu à peu, quand le groove se crée, nous construisons une esquisse, un simili de chanson, de couplet, de refrain. On enregistre avec nos portables, arrivés chacun chez nous, en réécoutant, les idées fusent. La chanson, le morceau naît de cette manière.                                                                                     

Trois EPs plus tard, et une belle campagne de financement participative, Lune Electric sort en 2015. Où et dans quelles conditions a-t-il été enregistré ; avec qui ?    
Beaucoup de beaux souvenirs entourent cet album, mais aussi pas mal de stress. Nous avons été reçus au Canal 93 pour la pré-production de l’album, puis l’enregistrement a été réalisé au Black Box Studio à côté d’Angers. Un studio fabuleux, sous les commandes de Peter Deimel, incroyable producteur et ingénieur du son. Pour l’anecdote, Steve Albini (PJ Harvey, Nirvanâ) le voulait auprès de lui pour travailler, mais Peter a préféré venir en France et créer son propre studio. C’est beau ! Nous avons pu saisir la valeur du travail de Peter. Nous avons aussi été distribués en digital par Modulor, mais ils se sont rétractés pour la sortie physique, un de nos plus grands regrets. On aimerait beaucoup voir un jour Lune Electric dans les bacs. Il a été réalisé à l’aide de contributeurs et fans généreux glanés grâce à internet. C’est un projet que nous avons fait tous ensemble et qui a porté le groupe jusqu'aux Oui FM Rock Awards. La radio Oui FM a remarqué l’album et a même partagé notre titre « Behlam Fik » sur sa compilation. 

Côté guitares, amplis, effets, quel matériel a été utilisé ?    
Eliz  a joué sur une Fender Précision de 1977, magnifique engin et un ampli Ampeg. Arno joue sur scène avec un ampli Fender Blues Deluxe de récente facture qu'il a aussi utilisé pour l'enregistrement. Il couple celui-ci avec un autre ampli Fender avec un gros cabinet et une tête Bassman Amp ou un ampli basse pour les morceaux où Eliz ne joue pas la basse. Pour les arrangements, Arno s'est aussi amusé avec les pédales du studio. Il a utilisé l'Axis Fuzz et la Big Muff. Il joue sur une Telecaster de premier prix achetée lors de leur tournée aux USA. Il a utilisé quelques autres superbes guitares du studio pour enregistrer certaines parties. Le frère de l'ingénieur du son Peter Deimel qui nous a enregistrés est luthier et possède sa propre marque de guitare d'excellente facture créée sur mesure "Deimelguitarworks". Arno a aussi arrangé les parties clavier à l'orgue Hammond. La cabine Leslie a été utile à la guitare et l'orgue.                                                                  

Avant de parler d’avenir, revenons sur votre parcours déjà fort riche. De beaux clips, des festivals, de belles tournées notamment en Allemagne et aux USA (pardon du peu…), nommé aux Ouï FM Rock Awards dans la catégorie Autoprod, de belles rencontres… Que retenez-vous de ces expériences ?  
C’est vrai, en regardant en arrière, notre parcours est très riche et pourtant, nous avons toujours l’impression que ce n’est pas assez. L’accueil aux Etats-Unis nous a confortés dans notre musique et nos ambitions. Quand le pays du blues et du rock n roll t’a anobli, tu te dis qu’il faut continuer. Alors on continue ! On voudrait jouer beaucoup plus. Nous faisons tout nous-même, avec parfois l'aide d'indépendants aussi passionnés que nous qui nous soutiennent comme ils peuvent et contribuent aussi à l'expansion du groupe. Nous bookons, communiquons avec les médias et nos fans, nous organisons notre projet comme de vrais entrepreneurs. Le travail est la clé de ce parcours, mais aussi le plaisir d’inventer et de nous exprimer comme bon nous semble. La liberté a un goût très relevé ! 

Êtes-vous accompagnés, aidés, soutenus dans vos démarches ?    
Nous sommes aidés ponctuellement sur les projets que nous mettons en place comme le Canal 93 qui nous a reçus dans ses locaux pour réaliser la pré-prod de l’album. Nous récoltons des conseils à droite et à gauche d’amis managers, ingés sons et professionnels qui aiment notre projet, mais qui n'ont pas le temps pour le parrainer réellement. Le groupe est vraiment indépendant et Arno et moi réalisons tout de A à Z. A part ça, c’est un long parcours du combattant. Lune Electric méritait beaucoup plus d’aide et de lumière à sa sortie. On a démarché beaucoup et pas reçu beaucoup de réponses, mais il a fait parler de lui dans la profession. Du coup, nous sommes déjà sur le prochain album avec cette fois-ci un nouveau producteur et directeur artistique aux commandes qui va prendre tout son temps pour nous. C’est ce que nous a apporté Lune Electric : s’être fait remarquer … Normalement, le prochain album devrait apparaître dans les bacs et faire parler de nous un peu plus, c’est tout ce que l’on peut vous dire.                                                   

Quels sont les actus et projets ? Je sens que ça va être chargé car il y a de belles perspectives me semble-t-il !  
Un nouveau site internet est en ligne, un nouvel album pour 2017 avec le featuring de Rizan Said, l’ex clavieriste d’Omar Souleyman et une équipe de production aux commandes pour emmener cet album dans un label, deux compositions originales vont voir le jour pour les besoins du film « Thirst Streets » du réalisateur New Yorkais Nathan Silver, puis une tournée en Corée du Sud ce mois d’octobre 2016. C’est vrai que dit comme ça, c’est pas mal du tout tout ça !

De qui, de quoi auriez-vous besoin pour le bon développement du groupe ?  
Tous les groupes ont besoin de personnes pour faire les choses qui font tout sauf de la musique ! Actuellement, nous faisons 98 % de démarchage, de com, et 2 % de musique. Ça devrait s’amoindrir de plus en plus avec les années, on l’espère vraiment, surtout que nous n’arrêtons jamais d’avoir des idées.              

Pas de question, la voie est libre pour dire ce que vous voulez ! C’est le moment, non ?    
Eliz: Le nouvel album en composition sonne déjà comme un petit ovni, trop hâte de vous le faire écouter !  
Arno : Petit à petit, Teleferik fait son nid…  

 

Dates de concerts :

20/10/2016-The Royal Anchor, Ulsan (Corée du Sud)
21/10/2016 "The Rush" à Gangneung (Corée du Sud)  
22/10/2016 "Freebird" à Séoul (Corée du Sud)

Autres dates à venir...

Liens Internet :

www.teleferikband.com 
www.facebook.com/teleferikband     
http://soundcloud.com/teleferik   
www.youtube.com/c/Teleferikb 

Cette rubrique est aussi la vôtre, alors n'hésitez pas à envoyer vos productions pour être interviewé par Maritta Calvez à maritta[a]guitariste.com (remplacez le [a] par @).

[Scène Ouverte] Teleferik : Lune Electric