Quel guitariste n’a pas déjà rêvé, lors de ses déplacements, d’une guitare pliante ? Nouvel acquéreur d’une guitare classique de voyage Aria Sinsonido AS100C, je vous propose d’en découvrir les gros points forts et les petites faiblesses…

La guitare à emporter

Quel guitariste n’a pas déjà rêvé, lors de ses déplacements, d’une guitare pliante ?

Personnellement, passant une grande partie de mon année en voyages, je ne compte plus les litres d’eau que j’ai perdus lors de mes voyages, ma précieuse guitare enfermée dans son lourd étui ultra-protecteur sanglé sur le dos, à l’assaut des bus, des taxis, des aéroports et des avions aux coffres souvent trop petits de 3 cm…

Lorsque je pars en tournée, la question ne se pose pas, je dois transporter mon instrument de concert. Mais il m’arrive très souvent de me déplacer pour des conférences, des salons, des missions "lutherie" ou "journalisme"… là, une guitare de voyage s’avère un vrai bonheur.

J’étais un peu réfractaire à cette idée lorsque les premiers modèles "classiques" sont sortis. La nouvelle Sinsonido d’Aria m’a totalement convaincu. Et m’a soulagé d’un grand… poids. Et d’un souci… encombrant.

Elle existe en version classique, folk (AS100CSP) et basse (AS690B). C’est, évidemment, de la version classique que je vais parler. Le prix public pour chaque modèle est identique : 450 euros TTC.

Lorsqu’elle est démontée, ses 2,2 kilos tiennent dans cette petite sacoche, qui, malgré son aspect d’étui de fusil à lunette, passe très bien les contrôles d’aéroports… cela prend juste un peu plus de temps que d’habitude, car les contrôleurs et les autres passagers manifestent beaucoup de curiosité !

Une remarque concernant cette sacoche : elle est d’assez mauvaise qualité, et la garniture intérieure a tendance à se déchirer. Je ne crois pas qu’elle vivra longtemps, et ce sera un problème, car elle est exactement adaptée à l’instrument. Pour un objet dont le but est, justement, d’être transporté, voilà qui surprend et déçoit.


Voici de quoi la Sinsonido a l’air au sortir de son étui...

…et une fois montée…

Ce qui m’a frappé, c’est à quel point cet instrument est étudié.

Rien n’est laissé au hasard et poursuit un double but : gain de poids et d’encombrement d’un côté, simulation la plus parfaite possible de l’instrument "normal" de l’autre.

Le tout petit corps et le manche (réglable) sont en acajou de bonne qualité. La touche est soignée, avec des frettes dont les "racines" sont même cachées par une finition digne du haut de gamme. Les réglages d’usine du manche et du chevalet sont étonnamment précis et réussis, cela met immédiatement en confiance.

Les "arcs", dorénavant au nombre de trois (on verra plus loin pourquoi), sont en aluminium recouvert d’une mousse antidérapante spécifique. Le montage des arcs sur le corps est un peu laborieux, car le tube de mousse circule sur l’armature ; de plus, les cavités dans lesquelles s’enfichent ces armatures sont un peu étroites et fragiles. Il faut un peu forcer pour le montage, ce qui est contradictoire avec la fragilité du bois à cet endroit. Le rodage améliore ce point, mais il faudra, tout au long de la vie de l’instrument, faire preuve de la plus grande attention et du plus grand soin au montage et, surtout, au démontage, sous peine de voir le bois éclater à cet endroit.

Une fois le montage effectué, la prise en mains est spectaculaire. La mousse "accroche" le coude droit et simule la présence des éclisses. Le petit arc qui entre en contact avec le sternum est le trait de génie des concepteurs : incliné, il simule parfaitement l’épaisseur et l’appui de l’instrument sur le corps.

Le "moignon" de tête permet à la main gauche de trouver tous ses repères. En venant vers la 12ème frette, on retrouve également le contact attendu.

Sincèrement, les yeux fermés, la simulation est parfaite. On sent bien qu’il y a quelque chose de différent, c’est évident, mais on ne sait pas vraiment quoi et, surtout, ce n’est ni désagréable, ni inconfortable.

Quand on se met à jouer, les vibrations sont transmises à la poitrine de manière très fidèle par ce même petit arc incliné :

J’avais essayé précédemment un modèle équipé uniquement de deux "arcs" symétriques et plans (sans cet angle d’appui du troisième arc) ; le flottement à cet endroit obligeait à un gros effort et justifiait mes doutes à l’égard de ce type d’instrument. Quelques degrés d’inclinaison et les choses changent du tout au tout ; un grand bravo aux concepteurs.

Le jeu est confortable, même sur la durée, l’habitude se prend en quelques minutes. Du point de vue technique guitaristique, je n’ai réussi à prendre la Sinsonido en défaut sur aucun point.

De l’extérieur, on entend très peu de son. Évidemment, contrairement à ce que laisse penser le nom de toutes les guitares de voyages, elles ne sont pas entièrement silencieuses. On entend une sonorité de guitare, mais complètement étouffée ; on distingue une mélodie, mais sans aucune résonance. Cela dit, même dans une petite pièce, les voisins trouvent cela totalement acceptable. Un de mes collègues s’entraîne dans l’avion sur les longs courriers, et les autres passagers acquiescent avec le sourire.

Une fois le casque branché sur la prise stéréo (on peut y plugger n’importe quel casque de son choix, celui livré en série, pliant, n’est pas mauvais, mais la connectique livrée laisse à désirer), la simulation auditive est surprenante. Là aussi, il convient de garder à l’esprit qu’il s’agit d’une simulation et que le but recherché n’est pas une fidélité absolue – et impossible – à un instrument acoustique.

Les boutons permettant de régler le volume et la couleur sonore sont hélas assez indigents et assez imprécis, mais on finit par y arriver…

Les oreilles dans la guitare

Casque sur les oreilles, j’ai fait un constat très intéressant, qui sort légèrement du cadre de ce banc d’essai. Depuis 30 ans, tous mes organes sensoriels se sont imprégnés des dimensions, des positions, des distances, des géographies de l’instrument par rapport à mon corps. Au point qu’ici apparaît un trouble : les contacts de l’instrument sur mon corps, les vibrations, la position topologique de mes mains, de mon corps, l’image transmise par mes yeux indiquent tous précisément à mon cerveau que la guitare se situe à son emplacement habituel. Mais les oreilles (organes, qui plus est, de l’équilibre) reçoivent le son directement et signalent, de leur côté, au cerveau que j’ai la tête DANS l’instrument ! D’où une discordance d’information qui conduit, logiquement, à une grosse sensation de vertige. Avec un peu d’accoutumance, le phénomène disparaît. Mais cela nous permet de prendre conscience de l’extrême complexité de l’entrelacs cérébro-sensoriel développé par tout instrumentiste

On peut également brancher un amplificateur, une chaîne Hi-Fi ou, pourquoi pas, l’installation audio d’une salle de spectacle sur la prise Jack Stéréo de la Sinsonido. Si, un jour de voyage, je me retrouve sur scène de façon impromptue avec ma Sinsonido, je n’aurai aucun problème et pourrai parfaitement en répondre. Cela fera d’ailleurs sensation, j’en suis sûr… (un certain temps encore. J’ai la prémonition que ce type d’instrument préfigure une des formes de l’avenir de la guitare)

Les points forts
- Une guitare classique pliante et légère !
- Conception poussée, belle facture
- Simulation physique et audio sans faille
- Prix abordable

Les points faibles
- Fragilité autour des points de montage
- Boutons de réglages indigents et imprécis
- Sacoche fragile

Le prix : 450 euros TTC.

Aria Sinsonido AS100C, la guitare de voyage