Depuis quelques années, Ibanez propose les séries Premium qui représentent la gamme supérieure des guitares que la marque fabrique en Indonésie. Le modèle Ibanez AT10P est la version indonésienne abordable du modèle signature Andy Timmons AT10CL Prestige, le haut de gamme de la production japonaise de la marque.

La première chose que je me suis demandée, c'était de savoir ce qu' Ibanez avait sacrifié au passage pour produire une version abordable d'un instrument haut de gamme. Eh bien étonnamment, pas grand chose !  À l'exception d'un sillet Graph Tech, en lieu et place du sillet en os, et d'un vibrato Wilkinson WV6SB, en lieu et place du Wilkinson Gotoh VSVG, les spécifications des modèles AT10P indonésien et ATC100CL japonais sont en tous points identiques.  La guitare est fournie dans un étui rigide de bonne facture qui renferme la tige de vibrato et un ressort supplémentaire. Du côté de la lutherie, le corps de la guitare, de forme RG, est en aulne avec un manche vissé fait d'une pièce tout en érable. Le manche, relativement large et épais, est équipé de 21 frettes jumbo. Ses dimensions sont plus proches de celles du manche d'une Stratocaster que de celles d'un manche d'Ibanez RG. Le vibrato Wilkinson de type Vintage et l'électronique (sélecteur 5 positions, un contrôle de volume et deux contrôles de tonalité) ancrent encore plus cette guitare en territoire Stratocaster. 

Les micros qui équipent l'AT10P n'ont plus rien à voir puisqu'il s'agit d'une configuration à trois micros double-bobinage DiMarzio AT-1 en position chevalet et DiMarzio The Cruiser (format simple) en positions centrale et manche. Sur les 5 positions du sélecteur de micro, seule la position 2 est inhabituelle puisqu'elle sélectionne le micro central et le micro chevalet splitté. On aurait pu imaginer qu'avec cette configuration, il y aurait eu un push-pull quelque part pour splitter les micros double-bobinage en simple bobinage mais ce n'est pas le cas. L'autre "bizarrerie" de cette guitare réside au niveau du vibrato Wilkinson qui, comme tous les vibratos de type vintage, est à 6 points sauf qu'il n'est fixé que par 4 vis pour plus de maniabilité.


Guitare en main, les habitués de la Stratocaster ne seront pas dépaysés... Les habitués d'Ibanez non plus d'ailleurs. Le manche, au vernis satiné très fin, est très confortable et ce d'autant plus que son profil en C et ses dimensions offrent une bonne prise en main. La jonction corps - manche est particulièrement soignée et conçue pour un accès total aux aiguës. C'est clairement un manche très facile à jouer qui ravira les amateurs de voltige guitaristique. Du côté des sonorités, je dois avouer que je n'ai pas été immédiatement convaincu par l'instrument. L'Ibanez AT10P procure des sonorités très propres et précises, ce qui à mon goût n'est ni un défaut, ni une qualité. En son clair sur l'amplificateur, j'ai été dubitatif. En son crunch et au-delà, j'ai été plus convaincu.
En son clair, j'ai été dubitatif car désarçonné. Les micros The Cruiser (céramique) en positions manche et centrale m'ont semblé assez "quelconques". J'ai trouvé qu'ils manquaient d'un peu de mordant. Cette impression est renforcée par la différence assez importante de niveau de sortie avec le micro chevalet (alnico). En position chevalet, le micro AT-1 est très claquant et très sensible à l'attaque main droite. Dans l'ensemble on retrouve des caractéristiques sonores qui font penser à la Stratocaster mais dans un registre plus sombre.

C'est en son crunch et saturé que l'Ibanez AT10P se révèle complètement. La différence de niveau de sortie entre le micro chevalet et le micro central et manche n'est plus aussi déconcertante qu'en son clair. Il y a toujours une différence mais moins perceptible, un peu comme si la guitare trouvait son réel équilibre en son saturé. Sans surprise, le micro chevalet reste dans un registre claquant sans pour autant être trop agressif. C'est en position centrale et manche que j'ai eu la plus grosse surprise. Là où en son clair, je les trouvais "quelconques" eh bien en son crunch, les sonorités caractéristiques des micros de Stratocaster transparaissent beaucoup plus mais toujours dans un registre plus sombre et feutré. C'est particulièrement flagrant sur la position intermédiaire micro central / micro manche. À l'usage, un split des micros se serait révélé inutile. On retrouve quelques sonorités de type Stratocaster traditionnelle - les plus intéressantes, si je voulais faire un peu de mauvais esprit - et des sonorités plus modernes dans son sens de précision et propreté du son.

En son clair comme en saturé, le contrôle de volume très progressif permet de bien dompter la guitare. Par contre, les contrôles de tonalité ne sont vraiment efficaces que lorsqu'on arrive dans le dernier tiers de la course de potentiomètre. Contrairement à beaucoup d'autres guitares, la tonalité à zéro n'étouffe pas complètement la guitare ce qui de mon point de vue est une bonne chose. La tenue de l'accord est bonne même lorsqu'on utilise le vibrato. A noter que pour utiliser le vibrato, il faut utiliser une petite clé allen pour serrer une vis qui est à l'arrière du vibrato - derrière les pontets, pas sous le bloc au dos de la guitare -  pour maintenir la tige dans son logement. La procédure est simple, il suffit d'enfoncer la tige du vibrato dans son logement et appuyer comme si vous utilisiez le vibrato. Le bloc se soulève et vous verrez le pas de vis à l'arrière. J'explicite cette procédure pour vous éviter de perdre quelques heures à essayer de comprendre pourquoi cette fichue tige de vibrato ne veut pas rester en place - oui bon, on ne rigole pas... Le pas de vis sur la tige du vibrato c'est quand même plus chouette.


En conclusion, on a ici affaire à une relecture moderne de la Stratocaster façon Ibanez / Andy Timmons. L'ibanez AT10P est moderne dans la forme, la jouabilité comme dans le son. Ses sonorités ont le potentiel pour embrasser un large registre musical et séduire bien plus que les fans d'Andy Timmons et/ou de musique rock fusion façon Timmons. Si ce n'est pas votre cas, il faudra évidemment dépasser son esthétique plutôt moderne, malgré une finition sunburst qui voudrait faire croire le contraire, pour aller y poser vos mains et peut-être trouver une guitare qui pourrait vous convenir. Et en tout état de cause, si vous cherchez une Ibanez Andy Timmons mais que le modèle japonais est hors de portée de votre bourse, l'alternative indonésienne, qui vaut quasiment deux fois moins cher, devrait vous convenir parfaitement.

Prix Public : 1292€

Les Plus :
Le manche est excellent
Les sonorités du micro chevalet AT-1
Très bonne lutherie

Les Moins :
La différence de niveau de sortie entre le micro central / manche et le micro chevalet peut être déconcertante surtout en son clair

Ibanez AT10P Andy Timmons Signature