Ça y'est... enfin. Le pedalboard de Johnny Duschnol, flambant neuf, fièrement et proprement câblé, trône dans son salon devant son combo boutique. La caméra installée, il se prépare à faire la vidéo qui rendra verts de jalousie tous les guitaristes du mond... euh du pays... bon, peut-être au moins de tous ceux qui habitent la banlieue nord de Montereau Fault-Yonne.Tout est branché, il lance triomphalement la vidéo en direct, et sous les yeux de quelques tubeurs médusés se produit un magnifique KKJRRFIGITRRIGHITRYHKBGITRHEHTHiiiiiiiiiiiiHH... (Au moins, il a réussi à rendre vert de jalousie Billy Jean-Pierre Duval, spécialiste local du post-psycho-drone-ambiant contemporain) Eh oui Johnny mon ami, même une Ferrari ne peut être conduite directement après avoir été assemblée ! Il faut contrôler et régler tout ça ! Mais je te rassure, on en voit le bout !

Pourquoi ?

Ami Lecteur, il faut savoir que ce dernier chapitre peut être tout à fait optionnel voire inutile. Un petit système très conventionnel peut très bien sonner directement, sans aucun réglage, parce que bien des constructeurs ont acquis l'idée qu'un guitariste, et c'est bien normal, veut passer plus de temps à jouer qu'à réfléchir ! Toutefois je te conseille quand même de le survoler (non pas besoin de billet d'avion, sois pas si littéral) car il pourrait t'en apprendre un petit peu, et garder certaines règles dans un coin de la tête pourrait t'être bien utile.

Être au niveau

Pour commencer, il est important de comprendre qu'entre les impédances de sorties et d'entrée, les amplifications, les boosts et les circuits en parallèle, bien des éléments d'un système un peu complexe modifient le niveau du signal, pouvant provoquer des saturations, des baisses de son, voire parfois des colorations assez malvenues. Voici un petit process qui devrait fonctionner avec la plupart des systèmes :

1. Désactiver/Bypasser TOUS les effets. La première chose à faire est en effet de s'assurer que le signal bypassé produit le son le plus proche d'un branchement direct ampli, ou en tout cas un son musical.

2. Une fois tous les effets désactivés, commencer par régler les éventuels buffers. Ajuster leurs niveaux en fonction de la guitare utilisée, les éventuelles compensations de fréquences, s'assurer que le gain de sortie du buffer n'est ni trop élevé (saturation de l'ampli) ni trop faible.

Certains buffers comme le MXR MC406 sont dotés d'outils de correction bien utiles.

3. C'est à ce moment qu'il va s'agir de refaire les sons de base de son ampli. Il n'est PAS ANORMAL qu'il faille rejouer sur l'EQ ou sur le gain par rapport à un jeu sur l'ampli seul, la transparence absolue ne doit pas être une fin en soi ! Je conseille même personnellement de repartir de zéro (tous les réglages à Midi) afin de ne pas être influencé par la psychoacoustique qui nous fait dire que s'il faut toucher aux réglages, c'est que ça colore, et que si ça colore, c'est forcément nul.

4. Une fois que l'on est content avec ses sons de base, il est temps de faire les niveaux de tout ce qui est avant le préampli. De manière générale, les pédales qui sont en amont du préampli sont censées modifier la réponse dynamique et le grain mais pas le volume général, et il s'agira souvent de trouver un équilibre entre leur gain/sustain et leur volume de sortie afin qu'elles apportent la couleur nécessaire sans surcompresser le son ou amener trop de souffle. Pense également à tester tous les stackings (plusieurs drives actionnés en même temps par exemple) que tu avais prévu. Il y a beaucoup de tâtonnement à ce niveau et pas vraiment de règles...

Réglé fort, un clean boost comme la Spark va créer une saturation. Après ça peut être volontaire... 

Il est temps de s'attaquer à tout ce qui se situe dans la boucle d'effet, et là, nous serons moins dans le jugé et un peu plus rigoureux. En effet, les machines étant dans la boucle ne sont pas censées distordre ou écraser le son. Pour faire notre niveau, nous choisirons donc notre canal d'ampli le plus "fort" et attaquerons comme une mulasse afin de faire subir aux effets en boucle leur pire torture, en ricanant devant une caméra en contre-plongée. Il y a ensuite deux méthodes selon le matériel : régler le "send volume" de l'amplificateur s'il existe, ou le "input volume" des effets de boucle s'il existe. Dans les deux cas, l'objectif est de trouver le sweet spot qui se situe juste en dessous du point ou l'effet commence à saturer/clipper. Le but étant de garder bien entendu une réserve dynamique maximale !

Un exemple en images ?

Une fois le volume d'entrée des effets de boucle réglé, il suffit d'ajuster leur volume de sortie. On notera qu'avec une boucle série, ce volume de sortie peut faire office de second master volume pour l'ampli, parfois très utile pour atténuer ou booster le volume global !

NOTE SUR LES BOUCLES D'EFFET

Parfois, sur certains amplis à la conception un peu hasardeuse ou ancienne, on peut rencontrer deux soucis :

 - Comme sur le Soldano SLO, parfois la boucle est uniquement conçue pour des niveaux "ligne", et elle mettra automatiquement à genoux certaines pédales (je n'ai jamais pu utiliser, par exemple, un chorus TC SCF dans la boucle d'effet d'un Randall). Il n'y a pas vraiment de solution miracle, il faut soit modder son ampli, soit s'équiper d'un boitier de conversion/adaptation, soit choisir des processeurs d'effet adaptés...

Le G-Lab Amp loop adapter est un exemple de boitier d'adaptation bien pratique !

 - C'est rare, mais il existe encore des amplis dont le master volume est situé AVANT la boucle d'effets dans le chemin du signal. C'est une hérésie passablement pénible qui oblige à refaire les niveaux de nos effets à chaque fois qu'on touche au master... La solution est de se servir du master EXCLUSIVEMENT comme d'un "send level" et de se servir de l'output level du dernier effet de la boucle comme d'un master volume.

Enfin, c'est une fois l'ensemble des niveaux réglés et harmonisés que les éventuels noise gate/exciters/enhancers pourront être réglés. Il arrive souvent qu'on ait des surprises simplement en ayant oublié que jouer sur les niveaux en amont d'un gate fait que son réglage de seuil n'est plus pertinent, du coup il coupe tout le signal...

Voilà, après y'a plus qu'à, copain ! Cependant à ce stade, ou peut être plus tard, tu auras peut-être des soucis, on va donc en supplément gratuit se taper un petit précis de débogage.

Pourquoi ça marche paaaaaaaas

Tout d'abord, il faut aller chercher aux évidences :

 - Vérifier que tout le matériel est alimenté, que toutes les alimentations sont allumées, que aucun volume/mute/bypass/seuil de gate malvenu n'est en place.
 - Vérifier le chemin du signal, particulièrement les câbles mobiles (l'inversion send/return est un grand classique, ou le câble de signal inversé avec celui du footswitch), et que tous les connecteurs sont correctement enfoncés.

Je saiiiis ça peut paraître idiot, n'empêche que même chez les pros en faisant ça on vient à bout de la grande majorité des dysfonctionnements. Ça va faire mal à ton ego copain, mais la source de panne la plus courante, eh ben.... C'est toi.

Là, les 3 XLR Neutrik ne sont pas enfoncés correctement. Un coup d'œil rapide ne suffit pas à le détecter et le moindre mouvement peut faire perdre le signal

Ensuite, si tout ça n'a pas suffi, on va suivre une logique de débogage somme toute assez rationnelle, consistant à chercher à isoler le problème. Voici celle que je propose :

 - On débranche tout, et on teste simplement guitare + ampli
 - On rajoute les différents éléments du système un à un, jusqu'à ce que le souci se reproduise. On sait alors qu'on vient de trouver l'élément incriminé !

Exemple que j'ai eu à gérer, gros souci de buzz sur un pedalboard, on a tout débranché, ensuite on n'a branché que la partie boucle d'effets du pedalboard, pas de souci. On a ensuite branché uniquement la partie pré-gain : le buzz est réapparu. Du coup, on a débranché un à un les effets pre-gain jusqu'à ce que le souci disparaisse, ce qui nous a permis d'incriminer la zone de la pédale de volume. On a ensuite remplacé les câbles un à un, jusqu'à trouver celui qui avait un connecteur dont une soudure avait lâché.

Le débogage c'est avant tout être méthodique et ne pas tout secouer au hasard, tout simplement ! Pensez à toujours avoir sur vous une "trousse de secours" : paire de câbles patch, un jack long, un câble midi si nécessaire, deux/trois câbles d'alim et une petite alim individuelle. Cela vous permettra de diagnostiquer rapidement un problème et de le résoudre de manière empirique rapidement. Ça peut sauver des concerts, et crois-moi, je parle en connaissance de cause !

Le plaisir de voir le truc donner toute sa mesure 

Voilà copain, on arrive au bout, snif je suis ému. Si tu as tout bien suivi tu devrais avoir de quoi t'amuser ! Alors ne t'inquiète pas je ne te laisse pas tomber et bien d'autres articles vont suivre.... Mais la partie conception et construction étant finie, il est temps de laisser le Johnny Duschnol qui est en nous souffler un peu et faire péter les watts... et publier fièrement ses photos sur le sujet qui va bien du forum !

 

 Concevoir et assembler son pedalboard ou son rack - Episode 6 - Les réglages