A la fin des années 90, Built To Spill était devenu l'un des plus grands espoirs de la scène indie en sortant consécutivement deux disques proches de la perfection, les biens nommés Perfect From Now On et Keep It A Secret. Les années suivantes ont été plus difficiles pour les Américains avec des albums certes de bonne facture (en particulier Ancient Melodies Of The Future, l'impact de You In Reverse étant plus négligeable) mais dont les délais d'attente n'étaient plus trop justifiés par leurs contenus... Built To Spill devenait peu à peu la gâterie qu'on attendait tous les trois ou quatre ans. C'est donc avec les yeux gorgés d'espoir que fut accueilli There Is No Enemy, la septième production du quartette mené par l'excellent Doug Martsch.

Malgré la confiance aveugle, There Is No Enemy n'est, disons-le tout de go, pas le retour au premier plan escompté. Toutefois, Built To Spill opère grâce à lui un sérieux repositionnement dans le haut du panier. Pourtant, à première vue, il n'y a ici rien de plus que sur You In Reverse. Rien de moins non plus que sur Perfect From Now On. Les mêmes tempos lancinants, les mêmes guitares aiguisées et les mêmes lointaines mélodies vocales que sur n'importe quel disque de Built To Spill. Les nuances résident en réalité dans les interprétations de Martsch, plus convaincantes et expressives que tout ce qu'il avait pu nous proposer depuis dix ans.

Avec un style proche de celui de Ben Gibbard (Death Cab For Cutie), le chanteur brille sur les vraies-fausses ballades telles que « Life's A Dream » et « Things Fall Apart » ou les rockers tranquilles comme « Aisle 13 ». Son jeu de guitare abrasif fait pour sa part triompher des morceaux courts et intenses à la Pat, une voie qu'on aimerait que Built To Spill emprunte davantage sur There Is No Enemy, notamment pour remplacer quelques titres de remplissage (« Oh Yeah » et « Planting Seeds »). Cela secouerait le rythme d'un album flirtant parfois dangereusement avec la torpeur.

Néanmoins avec des morceaux pêchus et véhéments à la « Aisle 13 » ou « Tomorrow », ce sentiment ne perdure jamais. There Is No Enemy se résume par une impression d'ensemble agréable, lettrée et fortement maîtrisée. Son caractère facile et coulant lui permet également de servir de parfaite introduction à l'univers de Built To Spill avant que le néophyte ne s'attaque à des disques plus chargés et ambitieux comme Keep It A Secret, la référence indétrônable. There Is No Enemy plaira davantage à ceux qui ont rêvé d'une rencontre pop entre Neil Young, Pavement et les Flaming Lips sans trop oser y croire.



Peu à peu dépassé par Modest Mouse, The Flaming Lips, Mercury Rev et autres Death Cab For Cutie, Built To Spill trouve ici une occasion en or pour restaurer son statut. Espérons que le groupe en profitera pour tourner comme il se doit et venir nous visiter en France, un territoire qui s'est pour le moment toujours refusé à lui.

Line-up :
Doug Martsch (chant, guitare)
Scott Plouf (batterie)
Jim Roth (guitare)
Brett Nelson (basse)
Brett Netson (basse+guitare)

Tracklist de There Is No Enemy (en gras les morceaux essentiels) :

1.Aisle 13 - 3:17
2.Hindsight - 3:38
3.Nowhere Lullaby - 3:59
4.Good Ol' Boredom - 6:31

5.Life's a Dream - 4:53
6.Oh Yeah - 5:21
7.Pat - 2:40
8.Done - 6:53
9.Planting Seeds - 4:26
10.Things Fall Apart - 6:15
11.Tomorrow - 7:40

Discographie :
Ultimate Alternative Wavers (1993)
There's Nothing Wrong with Love (1994)
Perfect from Now On (1997)
Keep It Like a Secret (1999)
Ancient Melodies of the Future (2001)
You in Reverse (2006)
There Is No Enemy (2009)


Built To Spill – There Is No Enemy
Warner Bros.
www.builttospill.com
Built To Spill, There Is No Enemy