Pour un groupe qui a connu les plus grandes récompenses internationales et le succès inconditionnel, Linkin Park n'a jamais refusé d'expérimenter. Très tôt dans sa carrière il a surpris. Déjà, son style sur Hybrid Theory était innovant par nature en alliant dans une fusion impressionnante metal et hip hop. Par la suite, Fort Minor, Collision Course, des remixes audacieux et quelques pistes inattendues sur leurs albums ont fini de cataloguer les Américains comme un groupe à part, qui joue selon ses propres règles. Pourtant, rien ne pouvait préparer à One More Light, sans aucun doute le tour le plus malicieux que Chester Bennington & co nous aient joué jusqu'à présent.

Linkin Park, sur son septième album, semble vouloir gommer tout ce qu'il a été. Aucun cri de la part de Bennington, presqu'aucun rap de Mike Shinoda, aucun riff qui porte... One More Light est un album de soustractions. Pire, le groupe lui-même semble immatériel : sous la profusion d'effets électroniques, on se demande bien s'il y a encore quelqu'un qui joue d'un instrument traditionnel. Il faut dire qu'une armée de producteurs électro-pop se sont assurés d'un son aussi digital que possible. D'un point de vue sonore, c'est une réussite. Artistiquement, une catastrophe. L'âme du groupe s'est complètement volatilisée derrière ces bidouillages simplistes qui feront rire toute personne ayant un minimum de culture électro (Sorry For Now, Nobody Can Save Me...). Talking To Myself est le seul exemple qui renvoie au passé mais cette composition est tellement mauvaise qu'on préfère se focaliser sur le reste.

Certains diront que depuis Minutes To Minutes, en 2007, les Américains ne font que dégringoler dans l'estime collective et qu'ils n'ont que les tubes de leurs deux premiers albums pour entretenir une certaine forme de légende. Le constat, pas entièrement faux, est tout de même un peu dur. Les albums trois à six ont tous apporté quelques éléments de satisfaction avec des morceaux isolés. Sur One More Light, on n'en retiendra que deux et leur niveau demeure très faible. Cela en dit long sur les huit autres.

Good Goodbye, où figurent les guests Pusha T et Stormzy, donne à Shinoda sa seule occasion de rappeler qu'il est avant tout un rappeur. Linkin Park ne saisit pas l'occasion pour récréer un va-et-vient entre Shinoda et Bennington alors que tout le monde n'attendait que cela. Toutefois, le rythme et le refrain sont suffisamment entraînants pour patienter en bonne compagnie jusqu'aux couplets respectifs des trois rappeurs. Complètement différent, Sharp Edges a la tâche de clore l'album. L'ouverture à la guitare fait penser à une chanson de Renaud des années 2000 tandis que les premières paroles sont vraiment ridicules ("mama always told me don't you run with scissors"). Pourtant, dans un élan de simplicité et d'honnêteté un peu penaude, le groupe signe sûrement le morceau le plus mémorable de l'album. Il donnera à lui seul une excuse au sextette pour faire un intermède acoustique lors de ses concerts.

La démarche de One More Light rappelle celle d'un autre géant qui a faibli. En effet, Incubus avec If Not Now, When? avait mis énormément d'eau dans son vin. Sa musique complètement délavée n'avait plus aucun charme sur ce disque. Linkin Park tombe également à peu près aussi bas. D'ailleurs, lors du morceau éponyme, on notera un style assez proche de l'Incubus de 2011. Si la comparaison se poursuit dans les années à venir, on ne donne pas cher de leur peau tant les auteurs de Morning View ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes.

Discographie : 

 - Hybrid Theory (2000)
 - Meteora (2003)
 - Minutes to Midnight (2007)
 - A Thousand Suns (2010)
 - Living Things (2012)
 - The Hunting Party (2014)
 - One More Light (2017)

Tracklist de One More Light :

 1. Nobody Can Save Me
 2. Good Goodbye
 3. Talking to Myself
 4. Battle Symphony
 5. Invisible
 6. Heavy
 7. Sorry for Now
 8. Halfway Right
 9. One More Light
 10. Sharp Edges
(en gras les morceaux essentiels)

 

Linkin Park – One More Light

Warner Bros.

http://onemorelight.linkinpark.com/

Linkin Park - One More Light