Bien à l'abri, dans les pays hispaniques, Mägo De Oz s'est forgé depuis 1994 une carrière de superstars. Impossible à exporter à cause du chant en espagnol, le groupe n'en demeure pas moins un excellent exemple de folk metal qui devrait s'imposer chez tous les amateurs à la fois de Rhapsody Of Fire, de Finntroll et d'Iron Maiden. En 2003, lorsque Txus Di Fellatio (grandement soupçonné d'usage abusif de pseudonyme) et ses joyeux mercenaires ont déjà sous le coude deux concept albums élevés au rang de classiques (Finisterra et La Leyenda De La Mancha), le premier volet d'une trilogie intitulée Gaia voit le jour. Sept ans plus tard, le dernier élément de la triade arrive dans les bacs et referme ainsi un chapitre ayant vu les Espagnols aller de grandiloquences en grandiloquences.

Si l'on se pose la question de savoir, en dehors du spectacle élaboré et habilement huilé, ce qui attire environ dix mille personnes à chacun des concerts de Mägo De Oz, on répondra sans trop réfléchir : la simplicité et l'efficacité de la musique combinée à des refrains hyper entraînants d'où jaillit la bonne humeur. Maintenant, si l'on compare cela à ce qui est proposé sur Gaia III – Atlantia, on risque de tomber de sa chaise. Certes, la formation ibérique n'a jamais cessé d'approfondir ses influences progressives tout en alourdissant ses riffs et ménageant ses ballades, mais on arrive sur ce nouvel album à un point où le groupe passe purement et simplement pour un autre.

Le violon et la flûte qui portaient autrefois la majorité des chansons sont relégués au second plan et n'apportent plus aucune force créative. Cela déséquilibre complètement la musique de Mägo De Oz. En effet, ce collectif n'a jamais été connu pour faire dans la subtilité – il n'y a qu'à entendre les cris « écrasement de testicules » poussés à tire larigot par José Andrëa en concert pour s'en convaincre – mais la légèreté de la flûte ainsi que la vivacité agile du violon constituaient le contrepoids idéal à des riffs et des arrangements manquants de finesse. Gaia III – Atlantia, à l'exception de quelques refrains et de moments lumineux, se concentre uniquement sur l'aspect le plus basique du répertoire du groupe. Frustrant.

Autrefois très à l'aise sur les morceaux de plus de dix minutes, Mägo De Oz sombre ici et ne tient pas la distance sur le patchwork Atlantia dont on ne retiendra que le solo léché de guitare et le refrain menaçant. Dies Irae, guère plus intéressant, parvient au moins à libérer une certaine énergie même dans ses moments pollués par des sons de clavier venus d'un autre temps. Quant aux morceaux festifs à la Vodka 'n' Roll et La Soga Del Muerto (Ayahuasca), on jurerait entendre du Ska-P. Le résultat est tellement mauvais qu'on n'oserait même pas placer ces titres dans une playlist de plaisirs coupables...

Gaia III – Atlantia montre tout de même quelques expérimentations réussies. Für Immer se fait remarquer par un chant allemand dans le chorus et des influences indus parfaitement assimilées pour aboutir à un morceau lorgnant avec un étrange succès du côté de Oomph. Sueños Dormidos présente quelques sonorités flamenco intéressantes se mariant à merveille avec des lignes vocales qui n'échouent pas dans la redite comme 90% de l'album. Quant à Que El Viento Sople A Tu Favor, single obligatoire, ou El Principe De La Dulce Pena (Parte IV) ils se rapprochent des morceaux les plus populaires du groupe, Molinos De Viento ou Fiesta Pagana, mais il leur manque toujours cette inspiration dans les couplets et le chant en général.



Il semblerait que Mägo De Oz ait été totalement écrasé par un concept ayant pris de plus en plus le pas sur la musique à mesure que la trilogie se déroulait. Heureusement, si vous comprenez l'espagnol celui-ci est un véritable régal et se déguste admirablement dans le coffret rassemblant les trois opus. Les autres passeront leur tour ou privilégieront le double live de référence Folktergeist ou La Leyenda De La Mancha pour découvrir un groupe qu'on espère voir franchir les Pyrénées et se produire sur les planches françaises prochainement.

Line-up :
José Andrëa (chant)
Patricia Tapia (chant)
Carlitos (guitare)
Frank (guitare)
Peri (basse)
Txus (batterie)
Mohamed (violon)
Sergio Cisneros "Kiskilla" (claviers)
Josema Pizarro (flûtes)

Discographie :
Mägo de Oz (1994)
Jesús de Chamberí (1996)
Mägo de Oz (La Bruja) (1997 - reédition)
La Leyenda de la Mancha (1998)
Finisterra (2000)
Gaia (2003)
Belfast (2004)
Gaia II - La Voz Dormida (2005)
La Ciudad de los Árboles (2007)
Gaia III - Atlantia (2010)

Tracklisting de Gaia III - Atlantia (en gras les morceaux essentiels) :
CD1
1. El latido de Gaia 4:08
2. Dies Irae 9:26
3. Für immer 4:42
4. Vodka 'n' roll 3:36
5. El príncipe de la dulce pena (Parte IV) 4:23
6. Mi hogar eres tú 6:03
7. Fuerza y honor 4:48
8. El violín del diablo 4:55
9. Siempre (Adiós Dulcinea - Parte II) 4:45
CD 2
1. Mis demonios (atrévete a vivir) 4:13
2. Que el viento sople a tu favor 4:16
3. Sueños dormidos 5:16
4. Aún amanece gratis 4:52
5. La soga del muerto (Ayahuasca) 3:14
6. La ira de Gaia 6:48
7. Atlantia 19:14


Mägo De Oz - Gaia III - Atlantia
Atlantic (import Espagne)
www.magodeoz.com
Mägo De Oz, le métal ibérique