Aucun groupe n'a duré aussi longtemps en faisant peu ou prou la même chose sans jamais être correctement copié par ses pairs que Meshuggah. Non contents d'avoir inventé le djent à eux seuls, les Suédois ont depuis tracé un sillon, fidèle à une ligne de conduite précise : la déstructuration de l'expérience musicale. Les repères habituels des metalheads volent en éclat sous l'impulsion des rythmiques chauffées à blanc du quintette. Meshuggah impose le respect par sa force brute et sa capacité à laisser béat devant une musique a priori repoussante. The Violent Sleep Of Reason ne remet pas en cause le positionnement du groupe mais il pourrait bien réserver une ou deux surprises...

Pour la première fois depuis l'EP None, le groupe a décidé d'enregistrer son album en jouant ensemble plutôt que séparés dans des cabines individuelles. Cela ne change pas forcément les compositions mais le rendu est indéniablement plus vivant, un peu à la manière de leurs prestations scéniques. Quelques titres comme Stifled ou Monstrocity n'auraient sans doute pas pu voir le jour tels quels si le groupe d'Umeå dissociait encore son processus d'enregistrement. Ces deux chansons possèdent un groove étonnant voire une certaine forme de désinvolture joyeuse, ce qui n'est pas rien quand il s'agit de Meshuggah.

Fredrik Thordendal et ses camarades se sont fait plaisir sur cette galette. The Violent Sleep Of Reason déborde d'exemples : le solo étonnant de Nostrum, les va-et-vient terribles de Clockworks, les influences quasi doom de Into Decay, la minute de soundscapes en finale de Stifled, etc. Obzen et Koloss, aussi bons étaient-ils, valaient surtout pour une poignée de morceaux supérieurs. Cet album est remarquable par sa cohésion et son absence de déchets. Revers de la médaille, on pourra lui reprocher, en dehors de l'ouvreur Clockworks, de ne pas proposer de véritable classique. C'est vrai, mais les meilleurs LP de Meshuggah ont toujours été ceux qui s'écoutaient avec « plaisir » de bout en bout. Or, depuis dix ans, c'est la première fois que la formation scandinave renoue avec cette tradition caractéristique de Destroy Erase Improve, Nothing ou Chaosphere.

Rarement un groupe aura autant imposé l’écoute au casque. Sans cet accessoire, on passe tout simplement à côté de l’expérience recherchée. Des détails s’échappent comme le lancement de Clockworks par Tomas Haake… Et puis, il permet de faire le vide autour de soi et se focaliser sur ce qui se passe. Car, cette musique requiert de la concentration pour être pleinement vécue. La moindre distraction relègue Meshuggah à un simple moteur de bruit ce qui est évidemment loin d’être le cas, le groupe ayant idéologiquement plus à voir avec le jazz qu’autre chose.

Parfois, on aimerait que le temps d’un ou deux titres Meshuggah se rapproche davantage d’un cadre classique en proposant une chanson structurée en toute simplicité avec des riffs et des accroches. Et puis cette idée est vite chassée lorsqu’on réalise la qualité technique de ce qui nous est proposé. Tant que les cinq se montrent aussi inspirés dans leur cercle d’expression, personne n’aura grand-chose de valable à leur reprocher. Alors laissez-vous aller comme l’homme sur la pochette et prouvez que, correctement utilisé, Meshuggah peut être une sorte de mantra pour la méditation. 

Discographie : 

  • Destroy Erase Improve (1995)
  • Chaosphere (1998)
  • Nothing (2002)
  • Catch Thirtythree (2005)
  • obZen (2008)
  • Koloss (2012)
  • The Violent Sleep of Reason (2016) 

 

Tracklist de The Violent Sleep of Reason

En gras les morceaux essentiels :

  • 1. Clockworks  7:15
  • 2. Born in Dissonance  4:34
  • 3. MonstroCity  6:13
  • 4. By the Ton  6:04
  • 5. Violent Sleep of Reason  6:51
  • 6. Ivory Tower  4:59
  • 7. Stifled  6:31
  • 8. Nostrum  5:15
  • 9. Our Rage Won't Die  4:41
  • 10. Into Decay  6:32

 

 

Meshuggah – The Violent Sleep of Reason

Nuclear Blast

www.meshuggah.net

Meshuggah - The Violent Sleep of Reason