En 2003, Sad Songs For Dirty Lovers, le deuxième LP des New-Yorkais de The National, a eu l'effet d'un véritable déclic. Alors que leurs débuts ne laissaient entendre qu'un groupe de soft rock des plus traditionnels, cet album changeait leur son et enclenchait une dynamique artistique qui allait porter le quintette vers Boxer, un chef d'œuvre absolu de rock snob, léché, nuancé, gracieux et intellectuel. En 2010, alors que le groupe arrive dans sa dixième année d'existence, The National doit faire face à son plus grand défi : trouver un successeur à un disque ayant conquis la critique et qui a commencé à fortement intéresser le grand public. Sa réponse tient en deux mots : « High » et « Violet ».

De prime abord, les deux duos de frères, Dessner et Devendorf, ainsi que leur frontman Matt Berninger n'ont pas radicalement changé leur approche musicale. Et ils auraient tord tant leur carcan stylistique possède encore de quoi nous abreuver en arpèges délicatement nostalgiques, en lignes vocales désespérées, en tintements de piano et en mélodies douces issues d'une parfaite pop de chambre. Ce beau mélange se voit occasionnellement appuyé par des orchestrations et des interventions d'invités (Justin Vernon, Sufjan Stevens, Richie Reed Parry, etc.) aussi discrètes que les arrangements habituels du groupe. The National, assurément, est passé maître en l'art de réaliser de grandes choses avec un minimum d'artifice.

On pense à Elbow. On pense à Editors. On pense surtout qu'on tient là un bijou, à l'opposé de la pop instantanée d'un Coldplay par exemple. Car même les morceaux les plus directs de High Violet, Terrible Love, Anyone's Ghost ou Bloodbuzz Ohio, ne possèdent aucun élément fédérateur ou addictif dès la première écoute. En revanche, comme les huit autres chansons, ils parviennent à séduire sur le long terme. La voix de baryton de Matt Berninger et ses textes ancrés dans le réel jouent évidemment une grande part dans cette réussite mais il ne faudrait pas oublier le travail de fourmi accompli par ses quatre acolytes notamment Bryan Devendorf, exceptionnel de retenue à la batterie.

Difficile d'évoquer High Violet sans parler de Conversation 16, sinon le seul single potentiel au moins le seul morceau où les guitares et le refrain se rapprochent de ce que les auditeurs de radio connaissent. Ce titre dénote légèrement car moins ancré dans la tristesse que tous les autres et notamment les deux derniers, England et Vanderlyle Crybaby Geeks où l'on croirait entendre The National passer, dans un dernier et splendide sursaut artistique, en mode auto-destruction...

High Violet fait partie de ces disques qu'on apprécie isolé du monde et totalement concentré sur son contenu. The National ne joue pas de la musique d'ambiance. The National requiert toute l'attention de ses fans tant la subtilité de chaque mouvement, de chaque note, de chaque respiration semble avoir été étudiée avec grand soin et avoir mérité sa présence dans le mix final. Voilà pourquoi le groupe des frères Dessner ne deviendra, malgré ses compétences forgées dans l'expérience, jamais incontournable sur scène. Néanmoins, ce qu'il perd en live, il le gagne sur disque et, à l'heure où on parle de plus en plus de singles et de morceaux téléchargés à l'unité, il redonne ses lettres de noblesses à un format en désuétude : l'Album.

 

Line-up
Matt Berninger (chant)
Aaron Dessner (guitare+basse+piano)
Bryce Dessner (guitare)
Bryan Devendorf (batterie)
Scott Devendorf (guitare+basse)

Tracklist de High Violet
1. Terrible Love 4:39
2. Sorrow 3:25
3. Anyone's Ghost 2:54
4. Little Faith 4:36
5. Afraid of Everyone 4:19
6. Bloodbuzz Ohio 4:35
7. Lemonworld 3:23
8. Runaway 5:33
9. Conversation 16 4:18
10. England 5:40
11. Vanderlyle Crybaby Geeks 4:12

Discographie
The National (2001)
Sad Songs for Dirty Lovers (2003)
Alligator (2005)
Boxer (2007)
High Violet (2010)

The National – High Violet
4AD

 

The National, High Violet