Ce truc du Covid, je comprends qu’au final c’est assez infernal pour le « public »: d’un côté la très grande majorité des professionnels de santé bossent bien, savent ce qu’ils font, connaissent les tests qu’ils utilisent et leur accordent le crédit qu’ils méritent. On sait comment utiliser la PCR, comment interpréter les tests immunologiques sanguins, et quelles décisions prendre pour le malade en fonction des résultats de ces tests. De manière générale la « clinique » et l’histoire de la maladie priment, et on prend parfois des décisions thérapeutiques qui vont dans le sens contraire des tests. J’ai eu tout au long de l’été plusieurs cas de patients en décompensation cardio respiratoire, qui avaient déjà eu le Covid plusieurs mois auparavant, qui avaient de nouveau un test PCR positif, et que l’on n’a pas considérés de nouveau comme des malades Covid; mais ce n’est pas une généralité, si l’histoire de leur maladie avait été différente, j’aurais pu les considérer comme des malades Covid. De l’autre côté on a des autorités administratives et politiques, qui s’appuient sur des études épidémiologiques: honnêtement je ne voudrais pas être à leur place, parce que les choix à faire sont infernaux, et que tout bêtement parfois on ne sait pas. On ne connaît pas encore bien l’immunité conférée par la maladie par exemple, ce qui empêche vraiment toute projection future. Mais depuis le début on sait quand même certaines choses: les mesures barrière, les masques, le confinement sont efficaces pour ralentir l’épidémie, et permettre au système de soin d’encaisser. Depuis le début les épidémiologistes ou Infectiologues expriment un consensus (et le consensus en médecine a une signification précise: c’est l’avis d’un groupe d’experts, reconnus par la communauté scientifique, nommés par elle) sur l’efficacité des « confinements itératifs »: confiner une certaine période, déconfiner, reconfiner, etc. Mais cela se heurte à tout le reste, évidemment: l’économie, l’éducation, la santé mentale de toute une population... Et le politique doit composer avec ça, et ça n’est pas un cadeau. Mais globalement je choisis de mon côté de faire confiance, tout en restant critique, et je sais que derrière les décisions politiques les soignants font « au mieux ». Cela ne m’empêche pas de gueuler: dans le centre que je dirige nous sommes neuf médecins et internes, une trentaine d’infirmiers: pendant deux mois on a fonctionné avec dix surblouses en tissu pour tout le centre, parce qu’on n’avait plus de surblouses jetables , et oui c’est scandaleux. Un ex collègue généraliste avec qui j’ai bossé 5 ans est mort du Covid au moment de la pénurie de masques. Oui c’est scandaleux. Le manque de moyens et de personnel à l’hosto est aussi scandaleux. Mais il faut identifier les bons combats, et les bons d’aujourd’hui sont les mêmes qu’hier, d’avant le Covid. La gestion politique du Covid en France n’est pas un scandale en soi, on fait ce que l’on peut, avec les connaissances que l’on a. Le mal que l’on a fait au système de santé pendant des années est lui un scandale.
Il y a des voix « discordantes » , comme cette tribune de septembre de 35 « scientifiques », ou Raoult: mais 35 scientifiques, ou Raoult tout seul, ne font pas un consensus scientifique, d’autant que le consensus existe ailleurs, est très largement établi: il est juste dommage que ces voix discordantes, qui n’ont pas réussi à trouver leur voie dans le cheminement scientifique - tout bêtement parce qu’ils disent des conneries, et que la science justement et son lent processus d’examen et de validation invalide leurs « théories » -, il est juste dommage donc que ces voix discordantes aient autant de poids sur YouTube ou dans n’importe quelle tribune médiatique: pour le public, c’est un enfer, je le comprends.