Salutations les amis gratteurs de cordes. Aujourd'hui, je vous propose un article dit "éducatif" pour parfaire ou initier notre connaissance de ces fameux amplis qui font tant couler d'encre et saigner quelques oreilles. Il est en effet parfois difficile de savoir de quoi on parle, pourquoi et comment.

Le début de l'histoire
La naissance de l'amplification (et par extension, des fameuses musiques amplifiées) voit sa source quelque part dans l'entre deux guerres. L'explosion de certaines musiques populaires (Jazz et Blues notamment) et les configurations musicales qui en découlent voient apparaître un problème de taille pour les guitaristes : leurs instruments ne projettent pas assez de volume sonore pour être audible au milieu des autres (surtout le batteur, ça n'a toujours pas changé, le batteur joue toujours trop fort !).
On peut attribuer ainsi les premières démarches d'amplification à George Beauchamp, au début des années 30. Après avoir déposé un des premiers brevets de la guitare à résonateur (oui ce que certains appelent à tort un Dobro, la guitare folk en métal avec un haut parleur intégré qui auto-amplifie le son), il s'associe à Rickenbacker pour créer le premier micro guitare accompagné, bien sur, du premier ampli, fabriqué par un spécialiste de la radio, Van Nest.



Oui, on part de loin (source www.retrofret.com)


Respectivement dans les années 50 et 60, ce sont Leo Fender puis Jim Marshall qui vont concevoir et populariser les amplis tels que nous les connaissons aujourd'hui, en se mettant à l'écoute de musiciens et en leur fournissant ce dont ils avaient besoin, du volume sonore et du grain...
Ce qui est intéressant dans l'histoire des amplis guitare, c'est que ce qui nous fait vibrer aujourd'hui ne sont ni plus ni moins, électroniquement parlant, que les défauts et les limites technologiques de l'époque. Notamment :
Le fameux " son des lampes" : la lampe est un composant imparfait et capricieux et c'est ce comportement qui procure de la richesse sonore.
La bande passante des haut-parleurs : les membranes de 10, 12 et parfois 15 pouces utilisées dans nos baffles sont limitées au niveau des fréquences qu' elles peuvent retranscrire, donnant à la guitare électrique sa dominante "médium" et supprimant une plage d’aiguës absolument disgracieuse.
La fameuse saturation, l' "overdrive" : un son découvert ni plus ni moins en dépassant les limites normales de travail des composants, envoyant trop de gain, trop de volume, trop fort.... la naissance du son rock s'est faite comme elle le devait, avec des excès !

Plus d'un demi siècle de travail et d'innovations est passé depuis, que nous reste-t-il de tout cela ?

Structure d'un ampli, ou comment ça marche
Non, ne fuyez pas tout de suite, on ne va pas faire un cours d’ingénierie électronique, ce n'est pas le but. Juste s'assurer que nous parlions tous le même langage quand il s'agit de dépiauter nos machines à sons.
On va donc faire simple et suivre le chemin du son. Tu prends ton médiator ou tes doigts et tu envoies avec toute la ferveur dont tu es capable un accord de Mi mineur dans tes cordes. Le micro guitare transforme la vibration des cordes en signal électrique qui remonte le long de ton câble jack jusqu'à...
L'étage d'entrée et de pré-amplification, ou PREAMPLI (ou preamp). Le signal électrique provenant de ta guitare est en réalité très faible, de l'ordre de quelques millivolts. Le but de l'étage d'entrée est de le convertir à des caractéristiques électriques un peu plus, disons "solides" afin de le rendre moins sensible au bruit et de pouvoir le traiter. Dans certains cas, notamment des amplis à transistor ou des pédales d'effets, cette conversion est réalisée à l'aide d'un circuit nommé "buffer" sur lequel nous reviendrons peut être lors d'un autre article.
Le signal attaque ensuite la partie pré-amplification à proprement parler. Elle contient la plupart du temps divers étages de gain, réglables ou non, qui permettront d'ajuster le taux de saturation et parfois le volume du son, ainsi que les "tone stack", ces circuits dont les schémas et valeurs feront une grande partie de l'identité sonore de l'ampli. On trouvera aussi les circuits d'égalisation, encore une fois de forme et de conception très variables mais qui permettront au gratteux d'ajuster les fréquences qu'il désire.
Nous passerons ensuite à
La BOUCLE D'EFFETS (effects loop) : Elément optionnel ne figurant pas sur tous les amplis, elle a été créée à partir du constat que certains effets (notamment de modulation et de spatialisation, reverb, delay, chorus...) sonnaient mieux ou en tout cas de manière bien moins brouillonne s'ils étaient placés APRES les étages de pré-amplification, notamment lors d'usages assez élevés de saturation. La boucle d'effets se situe donc entre le préampli et...
L' AMPLIFICATEUR DE PUISSANCE (ou power amp) : Maintenant que le son commence à ressembler à quelque chose qui nous sied, il faut lui faire atteindre des valeurs de voltage suffisamment élevées pour secouer très fort les membranes du haut parleur. C'est donc le rôle de l'étage de puissance. Il sera parfois également adjoint à quelques contrôles sur le son (volume, présence, résonance) qui ne font pas partie de l'étage de préamplification pour des raisons électroniques, les éléments sur lequel ils jouent faisant partie de l'étage de puissance.
Et pour finir...
Le HAUT PARLEUR (ou speaker, ou gamelle) : Pas besoin de vous faire un dessin j'imagine ? Le signal électrique sortant de l'ampli de puissance active un électro-aimant qui fait vibrer une membrane et ça fait... du GROS SON ! OH YEAH, ON Y EST MON POTE. ROCK TA MERE ! Hum.... pardon.

Et comme je suis gentil comme tout quand on me demande poliment, je t'ai fait un schéma, copain.

(et si avec ça tu comprends pas, prend juste une guitare acoustique)
Il est à noter que même si conceptuellement le centre névralgique de tout cela est le préampli qui est chargé de modeler le son, l'ensemble des éléments ont une influence sonore, qu'elle soit assez mineure (buffer, boucle d'effet) ou radicale (préampli, haut parleur). L'identité sonore d'un ampli est constituée par la somme de ses composants !

Les technologies, ou c'est quoi que ca fait mon son
Sans rentrer encore une fois dans les détails de l'électronique (certains bouquins font ça très bien), tout ce dont nous avons parlé au-dessus se fait avec des circuits qui multiplient ou abaissent le niveau des signaux appliqués en entrée. Ces circuits se basent majoritairement sur deux types de composants : les lampes (ou tubes) et les transistors (solid-state). Conséquemment, il existe plusieurs types d'amplificateurs que nous allons pouvoir détailler avec leurs avantages et leurs défauts.
Les amplis TOUT LAMPES utilisent des lampes au sein des étages de préamplification ET d'amplification de puissance. Cette technologie et cette configuration sont historiquement les premières et sont réputées être ce qui se fait de mieux en terme de son, les lampes ayant une manière de réagir spécifique et, pour le moment, inimitable.


Nan mais faut le dire, ça a de la gueule, une lampe

Cette qualité sonore a toutefois un prix : ces amplis sont ce qu'il y a de plus cher et de plus lourd avec une consommation énergétique élevée. Les lampes sont des pièces d'usure, fragiles, chauffant fortement et devant être remplacées à intervalles réguliers.
Il est à noter que parfois l'appellation tout lampes est usurpée car certains modèles d'amplificateurs utilisent des circuits à transistors sur des parties du système réputées moins influentes sur le son, comme la boucle d'effets, le buffer d'entrée ou le redressement de courant.

Les amplis TRANSISTOR utilisent le transistor, petit composant ayant remplacé les lampes dans la quasi totalité des appareils modernes. Le transistor est petit, léger, fiable, peu onéreux. Il s'avère par contre que dans le cas spécifique de l'amplification audio, il est moins plébiscité que la lampe car il offre un son plus droit, sec, moins " vivant". Il est à noter que le transistor dit "à effet de champ" ou MOSFET sonne différemment de son homologue standard, plus chaleureux et organique, sans toutefois égaler les lampes en terme de richesse sonore.


C'est moins stylé j'avoue. Personne ne s'extasiera devant l'arrière de ton ampli.

Les amplis HYBRIDES sont le résultat d'un compromis entre les deux technologies où entrent le préampli et l'ampli de puissance, l'un est à transistors et l'autre à lampes. Le plus souvent, il sera fait usage d'un préampli à lampes pour bénéficier de la chaleur des lampes sur la partie la plus influente du circuit, pour ensuite rentrer dans un ampli de puissance à transistors, bien plus léger, résistant aux chocs et plus économique que son homologue à lampes.

Les amplis A MODELISATION sont partis de l'idée que puisqu'on ne pouvait recréer de manière conventionnelle le son de ces amplis à lampe si lourds, fragiles... on pouvait tenter de numériser leur comportement en algorithmes (modélisation classique) ou en " empreintes" (modélisation à convolution). On peut considérer ces amplis comme de minis ordinateurs simulant les sons d'amplis classiques, auxquels on adjoint bien entendu un ampli de puissance et un baffle. Les avantages de la modélisation sont la variété de sons à disposition, une relative légèreté, un accès à une grande quantité de contrôles et de paramètres... Ceci dit, à l'heure où cet article s'écrit, si les sons simulés se rapprochent de plus en plus des originaux ils ne les égalent toujours pas...

Je m'étais mis à la guitare pour arrêter de passer pour un nerd... encore raté. (photo Fractal Audio)


Une fois que tu auras fait ton choix technologique, ami guitariste, il te restera à choisir ...

...La configuration, ou combien de boites avec quoi dedans
Au fil des décennies, les constructeurs ont su se mettre à l'écoute de l'aspect pragmatique des besoins du guitariste et décliner leurs machines à sons en différentes configurations.

Le COMBO est une configuration où dans un seul caisson est assemblé l'ensemble des éléments de l'ampli : Préampli, ampli de puissance, Haut-parleur(s). L'avantage réside dans un ensemble sonore souvent cohérent et une simplicité de stockage/manutention ainsi que de mise en place/rangement. L'inconvénient est que ce format aboutit parfois à des machines très très lourdes (soulevez un twin reverb, pour rire...) et à la modularité nulle.



Le DOUBLE CORPS (ou half stack ou stack tartare... euh non pardon.) est composé d'une part de l'ensemble préampli-ampli de puissance, appelé tête d'ampli, et d'autre part du caisson contenant le ou les HP, appelé baffle. La tête d'ampli concentre en son point l'ensemble des parties de l'ampli nécessitant une alimentation électrique, soit le préampli et l'ampli de puissance. Ainsi le baffle peut être aisément déporté. Outre la facilité de transport de séparer l'ampli en deux éléments, le guitariste se voit offrir la possibilité de changer à loisir de combinaison baffle/tête, voire d'ajouter un (configuration triple corps) ou plusieurs baffles à son système pour une diffusion plus large de son son.
Le half stack reste à ce jour la configuration la plus courante pour un ampli guitare.


Bonjour, tes voisins te haissent d'avance. (photo internet)



Le SYSTEME MODULAIRE EN RACK voit la partie tête d'ampli du half stack séparée en deux éléments distincts, préampli et ampli de puissance, offrant une souplesse d'usage maximum à l'utilisateur. L'usage du rack 19 pouces, permet de regouper au sein d'un boitier l'ensemble de ses effets et éléments d'amplification et de les configurer et contrôler à loisir. Ces systèmes lourds et complexes ayant fait les beaux jours de certaines superstars sont tombés quelque peu en disgrâce, le guitariste moderne préférant des choses simples d'accès et légères.

Cette image peut provoquer des maux de tête (photo CHK guitar systems)

Le SYSTEME MODULAIRE EN PEDALES chronologiquement le plus récent, a vu apparaître grâce aux technologies modernes des préamplis et amplis de puissance suffisamment compacts pour tenir sur un pedalboard. Privilégiant la simplicité et l'efficacité, cette configuration oblige toutefois à quelques compromis, les lourds transformateurs nécessaires à l'utilisation de lampes nombreuses dans leur plage optimale n'étant pas compatibles avec ce type de système.

Direct branché dans un baffle, et c'est réglé. (photo internet)


Conclusion, et moi j'achète quoi ?
La vérité, copain, toi seul peut répondre à cette question ! Après 20 ans de tests et d'expérimentations, je peux juste te dire de ne pas écouter tous ceux qui te parlent d'un Saint Graal de l'amplification, car il n'existe pas. Et que oui, il y a une part de pragmatique à avoir lors du choix de ton ampli, de préférence en amont afin d'être sur que ce que tu vas essayer, tu puisses le prendre si tu as le coup de cœur. Il faut te définir d'abord un budget, puis ce dont tu as besoin en terme de fonctionnalités, et surtout, des éléments qui sont parmi les plus gros facteurs de revente d'ampli :

- Est-ce que ca va rentrer dans ta voiture ? Ta chambre ? Ton local ?
- Est-ce que ton dos va le supporter ? D'ailleurs tu vas le porter à quelle fréquence ?
- Est-ce que c'est assez puissant pour couvrir mon batteur et/ou assez peu puissant pour que je puisse jouer chez moi ?
Ca te paraît anodin copain, mais ton Soldano et ton Fender Twin ont beau être les meilleurs amplis du monde, tu as 50 ans, une sciatique et tu vis dans un lotissement blindé de parents trentenaires... tout ca va prendre la poussière !:)

Sur ce, j'espère t'avoir un peu éclairé sur ces belles machines à son et leur fonctionnement. Oui il y a encore un million de choses à dire... Mais ce n'est pas pour rien que d'autres en ont fait des livres entiers après tout...

Allez, FAIS PETER LES WATTS !!!

Ce qu'il faut savoir sur les amplis