Arjen Lucassen, l’homme derrière les albums d’Ayreon, reforme un groupe après l’expérience Stream Of Passion qui lui a éclaté au nez. Avec Guilt Machine il retrouve d’ailleurs Lori Linstruth de ce combo de metal à chant féminin. Musicalement, on est bien loin de ces contrées pseudo goths grâce à la présence d’un chanteur d’exception que tous les Belges du site connaissent forcément : Jasper Steverlinck, en provenance directe d’Arid. Alors que le premier album du groupe vient juste de voir le jour, nous avons bavardé avec le géant Lucassen (2,02 mètres !) pour en savoir plus sur ses motivations. Récréation créative ou nouvelle impulsion à sa carrière ? Vous saurez tout !

Guilt Machine nous présente un chanteur d’exception avec Jasper Steverlinck du groupe belge Arid. Comment se fait-il que tu n’aies jamais fait appel à lui pour un album d’Ayreon ? Est-ce dû au fait qu’Arid soit assimilé à une scène plus pop que prog’ ?
Arjen Lucassen :
Tout à fait ! Je ne le connaissais pas quand je bossais sur Ayreon ! Arid est assez énorme en Belgique et le groupe collectionne les disques d’or. En fait les fans d’Ayreon me font souvent part de chanteurs à écouter et un jour on m’a suggéré d’écouter la musique de Jasper Steverlinck. Dans 99% des cas, les suggestions ne me conviennent pas – je vais toujours tout écouter – mais ce coup-ci j’ai vraiment accroché. Je me suis rendu à l’un de leurs concerts où Jasper était très charismatique et puissant ! C’était le choix parfait pour ce projet Guilt Machine que j’avais en tête où je ne voulais pas choisir un chanteur typiquement metal ou prog’. Je voulais un choix « bizarre » ! Jasper n’était pas très chaud au départ. Il ne savait même pas ce qu’était le rock prog’ ! Il avait surtout peur que je lui demande de chanter dans un registre trop différent du sien.

Guilt Machine était donc quelque chose que tu avais en tête depuis un certain temps mais tu attendais le bon chanteur pour le mettre en route ?
Arjen Lucassen :
En fait, non. Après avoir sorti 01, le dernier album d’Ayreon, pour la première fois de ma carrière, je n’étais pas entièrement content du résultat. Il y avait trop de chanteurs et l’histoire était bien trop compliquée. Personne ne la comprenait, moi y compris (rires). Par le passé, on m’a souvent dit que j’arrivais à rendre les chanteurs plus intéressants que dans leurs groupes d’origine. Mais pas sur 01 car ils n’avaient pas la place de s’exprimer avec dix-sept vocalistes en tout. Donc j’ai voulu faire un album plus intime où chacun puisse s’exprimer avec soin. Et surtout pas de concept, pas de science-fiction et pas de multiples chanteurs ! Une rencontre avec Jasper Steverlinck plus tard et voilà Guilt Machine ! J’espère que cela vous plaira !

Un autre changement de taille par rapport à Ayreon est que tu n’écris même pas les paroles sur ce disque ! C’est la guitariste Lori Linstruth que l’on a pu entendre dans Stream Of Passion qui s’en charge. Cela t’a enlevé un poids ?
Arjen Lucassen :
Comme je le disais, j’en avais marre de la science-fiction. Je suis sûr que j’y reviendrais mais pour le moment j’en ai assez ! Je ne suis pas très bon pour les paroles « émotionnelles » traitant de la réalité. J’aime créer des histoires libres à interprétations pour que les non-anglophones puissent aussi comprendre de quoi je parle. Cette fois-ci les messages contenus dans les chansons sont cryptés. Il faut faire appel à son imagination pour les comprendre. Personnellement, je suis incapable d’écrire comme ça. Pour moi, chaque parole doit signifier quelque chose de précis. C’est donc Lori qui s’en est chargé merveilleusement.

Tu t’es donc trouvé dans le rôle préféré des fans d’Ayreon : tu devais retrouver le sens de tes propres chansons (rires) !
Arjen Lucassen :
Exactement (rires) !

Finalement, sur ce disque, il semblerait que tu as délégué davantage… C’est quelque chose que l’on ne connaissait pas de toi !
Arjen Lucassen :
Je te rassure : je suis toujours aux commandes (rires). J’ai beaucoup guidé Lori pa
r rapport à ce que j’aimais ou ce que je n’appréciais pas. Il y avait même une fois où elle parlait de moi assez clairement et ça ne m’avait pas plu. Je ne pense pas que nos textes doi
vent être autobiographiques. En tout cas pas si explicitement. Je lui ai tout de même laissé beaucoup de liberté car j’ai appris à travers mes différentes expériences qu’il vaut toujours mieux laisser les gens faire ce qu’ils savent le mieux faire.

Vous avez enregistré une reprise de « The Stranger Song » par Leonard Cohen pour l’édition limitée de l’album. Ça mérite une explication !
Arjen Lucassen :
J’ai toujours adoré son premier album. Le reste, je n’aime pas trop. Néanmoins le premier et son duo guitare acoustique/chant me donne des frissons ! Je l’ai entendu pour la première fois pendant un western avec Warren Beaty. En tant qu’artiste prog/metal je n’avais pas eu l’occasion d’exprimer mon amour de sa musique (rires). C’est donc chose faite même si notre version pourra peut-être choquer les puristes…

Tu n’as jamais invité un crooner/singer-songwriter à la Nick Cave/Leonard Cohen sur un de tes albums d’Ayreon. Tu aimerais ?
Arjen Lucassen :
Bien sûr que oui ! J’ai une énorme liste de chanteurs non prog ou metal que j’aimerais inviter sur mes albums. Avoir Cohen sur mon disque serait génial. Sa voix grave est inimitable. En plus elle devient de plus en plus grave avec les années ! Dans les années 60 il était déjà connu pour ça mais aujourd’hui il descend une octave plus bas encore (rires) ! Malheureusement c’est presque impossible pour moi d’inviter ce genre de personnes pour qui le prog et le metal sont des mots bannis. Pourtant ce n’est pas faute d’essayer : à chaque album je tente d’inviter des gens auxquels on ne pense pas forcément…
Le fait qu’Ayreon ou mon nom ne soient pas davantage reconnus commercialement n’aide en rien bien évidemment…


Guilt Machine – On This Perfect Day
Mascot Records
www.arjenlucassen.com 
Guilt Machine : Arjen, Lori, Jasper et les autres