Juste après la sortie de son album April Uprising, John Butler a pris la route pour l'inévitable tournée promo. Après une journée intense d'interviews en tous genres, John, toujours aussi fringant et frais, nous accorde de son temps et de sa voix pour quelques questions et quelques accords.

Pour ce nouveau CD, tu as changé de formation. Pourquoi ?
Et bien, j’ai suivi mon cœur, mes tripes, mais je n’avais pas prévu de le faire.

C’était quelque chose de spontané donc…
Oui, un peu... En fait oui, c’était complètement spontané [rires] ! J’étais avec mon beau-frère, avec qui j’avais enregistré Sunrise Of The Sea il y a deux albums de cela. Je faisais une pause, je l’ai appelé pour lui proposer un bœuf : c’était explosif. C’était vraiment un moment spécial et, en tant qu’artiste, quand on vit un de ces moments, il ne faut pas le laisser passer. Il faut le capturer tant que la magie est là.
Et c’est ce que j’ai fait. Nicky et moi avons auditionné des bassistes, et Byron était le plus mélodique que j’ai entendu depuis longtemps…
Finalement, j’ai juste suivi une intuition. Je recherchais quelque chose sans trop savoir quoi, jusqu’à ce que je joue avec Nicky, que je sente cette émotion, et là je me suis dit ok, il faut que je ressente ça aussi avec le bassiste, que je fasse un album qui me fasse ressentir cela sur chaque chanson. C’était travail un peu aveugle, vraiment basé sur l’intuition.

Tu penses être plus libre avec ces musiciens ?

Je pense que je suis plus libre personnellement. Tous les gens avec qui j’ai joué (Michael Parker, Shannon Birchall, Jason MacGann) n'ont jamais été des freins à ma liberté d'expression. Mais là je me sens encore plus libre. Ça marche vraiment bien entre Nicky, Byron et moi. Je me sens un peu plus ouvert qu’avant, cela m'a permis de développer un plus grand esprit d’équipe, une meilleure créativité.

La chanson « One Way Road » est un morceau très pop, est-ce que cela correspond à un changement dans ton travail ?
Non, non. Ce qu’il y a de plus pop, ce sont les accords. Là oui, c’est une progression d’accords pop par excellence. Mais en ce qui concerne le rythme et le flow des paroles, non ! C’est une chanson qui sonne un peu pop, mais c’est une de ces chansons pop bizarres, complexes, une chanson qui tient aussi du dancehall, du rock’n'roll, du bluegrass, et malgré tout, ça reste une chanson pop. Quand une chanson devient populaire, son « étiquette » importe peu au final. Je te dirais donc que ça n’est pas une tentative de ma part de devenir plus « pop », je voulais juste écrire une bon titre.

Dans April Uprising, la guitare semble avoir une place moins importante que dans tes précédents albums, comme Sunrise Of The Sea par exemple.
Peut-être, je ne sais pas… Si tu devais choisir les morceaux qui t’ont le plus marqué, ce ne serait sûrement pas un des plus grands solos de guitare ou le plus beau tapping du monde, mais plutôt de bonnes chansons, comme « No Woman, No Cry », « Superstition » ou « T.N.T. » Pour avoir une bonne occasion de faire un solo de guitare, il faut un bon titre. C’est à mon sens plus important que de s’entraîner à améliorer ses capacités techniques. Il y a des milliers de gens qui savent jouer très vite, mais il n’y a que quelques personnes, comme Hendrix, qui peuvent jouer « Star Spangled Banner », « Voodoo Child » et te faire penser « Mon Dieu, c'est génial ! » J’ai donc décidé de retourner à des choses simples. Finalement, qu’est-ce qui est le plus important quand on construit une maison ? Les fondations. Et les fondations de la musique, c’est la chanson. C'est donc ce sur quoi je me suis concentré.

Quelle est pour toi la meilleure chanson du monde ?

Il n’y en a pas qu’une. Je peux t'en citer quatre. N’importe quelle chanson de l’album Under Construction de Missy Elliott, « Superstition » de Stevie Wonder, « Get up, Stand up » de Bob Marley, et il en reste une… Peut-être « Beds Are Burning » de Midnight Oil.

Tu joues de la guitare acoustique, du banjo, de la guitare, de la squareneck… Est-ce que tu as un instrument de prédilection ?
Certainement mon acoustique douze-cordes Maton (celle utilisée sur la vidéo, ndlr). Elle est à mes côtés depuis plus de quatorze ans. J’ai déjà essayé de la mettre à la retraite trois fois [rires] ! Elle peut sonner comme une mandoline, comme un banjo, comme une guitare électrique de fou, comme une six-cordes... C’est vraiment un instrument très polyvalent. J'aime tous mes instruments, mais si je devais choisir LA guitare, celle que je prendrais si tout brûlait autour, je prendrais celle de mon grand-père. C’est comme Excalibur pour moi.

Tu n’utilises pas le résonateur de ton grand-père sur cet album ?
Non. Je l’utilise rarement pour des enregistrements. Je l’ai utilisé pour enregistrer une reprise pour une compilation à laquelle j’ai participé. Mais sinon je ne l’utilise pas pour les albums, mais pour des occasions spéciales. Par exemple, il y a ce festival dans la ville où mon grand-père est mort : quand je vais jouer là-bas, je prends sa guitare, et je joue la chanson qu’il jouait tout le temps.

Aujourd’hui, tu joues « One Way Road » avec la douze-cordes Maton mais, d’habitude, est-ce que tu ne préfères pas la jouer avec une squareneck ?

Pour cette chanson, oui, ça correspond bien. Même pour le refrain je ne fais rien de spécial ; pour les accords, je fais juste quelques power chord de rock classique. Je rajoute ensuite des harmoniques entre les deux.

Tu es très à l’aise avec des techniques comme le strumming, le flatpicking, le fingerpicking, le slide... Comment est-ce que tu en es arrivé là ?
En fait, je suis très mauvais en flatpicking. En ce qui concerne tout ce que j’ai accompli à la guitare, je ne sais pas exactement à quoi cela correspond, ni comment j’y suis arrivé. Je suis accro à la guitare et au rythme, au rythme surtout. J’aime le flat pour le bluegrass. Quant au fingerpicking, je l’aime surtout comme un rythme hip-hop, sec et dynamique.
De nos jours, il y a plein de choses à apprendre, plein de bonnes guitares, etc. Mais il y a aussi des mecs qui font de nouvelles choses : l’autre jour, par exemple, je regardais un type jouer du tapping polyphonique sur Youtube… C’est quelque chose que j’essaie d’apprendre mais, de toute évidence, je n’y arrive pas, je suis même carrément nul ! Mais c’est cool, je suis un éternel étudiant.
Ce que j'aime surtout, c'est apprendre le rythme. J’aime les rythmes, j’aime comment ils s’accordent entre eux, comment ils dansent. Dès que j’arrive à apprendre quelque chose de nouveau, c’est toujours par le biais d’un rythme.

Tu as fait beaucoup de « masterclasses » en vidéo sur Internet. Est-ce un choix personnel ou est-ce que cela correspond à des demandes que tu reçois ?
Ce sont les magazines de guitare qui me demandent. Je ne pense pas être un bon professeur et il y a certainement beaucoup de guitaristes qui font de bien meilleurs cours que moi, mais, s’il y a des gens intéressés…je dis oui.

Comment as-tu appris la guitare ?
J’ai commencé à l’âge de 16 ans en écrivant des chansons d’adolescent pendant environ sept ans. La musique était pour moi une amie, un journal intime. A l’âge de 21 ans, j’ai découvert l’open-tuning, et j’ai pu commencer à développer mon style. Et là, je suis devenu accro.
J'ai pris des cours avec un professeur à 16 ans, mais je me suis cassé le bras donc j’ai arrêté de jouer pendant trois ans. Après j’ai eu un autre professeur. A l'époque, je voulais être skateboarder professionnel, mais mon prof, un mec bizarre, voulait que je devienne une rock star... En fait, il voulait que j’aie envie de devenir une rock star, et moi je pensais juste à devenir skateboarder ! Plus tard, j’ai rencontré un super professeur qui m’a enseigné comment apprendre par moi-même, et m’a fait travailler des choses que j’avais vraiment envie d’apprendre comme « Stairway To Heaven », ce genre de choses. Par la suite, j’ai continué à apprendre par moi-même, à demander aux gens. Maintenant, quand je rencontre un guitariste que j’aime, je discute avec lui, je lui dis : « C’est vraiment cool ce que tu fais, montre-moi, je veux savoir faire ça ! ». Et bien sûr, je n’arrive jamais à faire comme eux ! Je suis un peu paresseux... Mais j’aime bien inventer ma propre manière de faire, c’est mon mode d’inspiration personnel. 

John Butler Trio - April Uprising
Because Music
www.johnbutlertrio.fr


John Butler - One Way Road

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John Butler Trio, April Uprising