Dans la vague de Joe Bonamassa et de ses succès internationaux, en solo, en duo ou en groupe, d'autres bluesmen anglais essaient de se mettre en lumière. Matt Schofield fait partie de ceux qui développent les meilleurs arguments. Son nouvel album Far As I Can See propose un excellent mélange de blues et de rock avec une technique hors pair. Le moment idéal pour qu'il fasse connaissance avec guitariste.com

Comment as-tu été atteint par le virus du blues ?
Matt Schofield : Ca remonte ! Mon père écoutait des vinyles dans son bureau chez nous. Il avait un air toujours très concentré quand il écoutait sa musique au casque. Je me demandais ce qu'il faisait. J'étais très jeune. Plus tard, il m'a fait découvrir tout ça et je me suis mis à farfouiller dans sa collection. Il n'y avait presque que des trucs de blues.

Tu as donc toujours été fidèle au blues dès le premier jour ? Tu n'as jamais exploré d'autres genres ?
M. S. : Pas vraiment. J'ai toujours été intéressé par d'autres choses mais ça n'est venu qu'ensuite, par ricochets. A dix ans, je découvrais BB King. Mon père m'avait laissé une VHS de BB King que je regardais tous les jours avant et après l'école. J'étais fasciné par Russell Jackson le bassiste. BB King me semblait tellement majestueux et hors d'atteinte que je préférais m'essayer à la basse. On m'a acheté une basse mais je sentais que je n'avais pas vraiment envie de jouer... A douze ans, mon père m'a montré une vidéo de BB King, Albert Collins et Stevie Ray Vaughan. Là j'ai tout compris. Vaughan me parlait avec son look de gamin du Texas. Pourtant il était totalement au niveau à côté des deux autres. Mon but dès ce jour là était d'être une sorte de mélange de ces trois types et d'être leur quatrième mousquetaire !

Malheureusement pour toi, Stevie Ray Vaughan n'a pas dû mourir très longtemps après que tu l'aies découvert...
M. S. : Exact. En fait, il a dû mourir deux semaines plus tard. C'était presque le destin ! En rentrant à l'école en septembre suivant, j'étais décidé à monter un groupe où je jouais de la guitare. Je n'ai pas arrêté depuis (rires). Ca va bientôt faire vingt-cinq ans !

Pour beaucoup, Stevie Ray Vaughan est le symbole de la parfaite fusion entre le blues et le rock, autant dans le son que dans l'attitude. Ca a joué pour toi ?
M. S. : Je n'ai jamais trouvé qu'il était si rock que ça. Dans son attitude, peut-être mais pas dans son  style de jeu. Ce qui me plait chez les guitaristes c'est le swing. BB King swingue. Stevie aussi. ZZ Top aussi. Tous  mes artistes préférés swinguent. Quand tu enlèves cet élément, tu obtiens du rock. C'est bien aussi mais ce n'est pas mon truc. Tout le monde croit que parce que j'aime ZZ Top, je suis fan de AC/DC. Ce n'est pas le cas car leur musique est bien plus carrée. Ce n'est pas une critique envers eux mais juste une préférence personnelle.

Pendant longtemps, les groupes étaient soit blues soit rock. Pourtant, je trouve que de plus en plus d'artistes floutent la limite et y arrivent plutôt bien. Far As I Can See est plutôt une bonne représentation de cette tendance, tu ne trouves pas ?
M. S. : J'espère, car nous essayons de mélanger pas mal de choses. Nous ne nous fixons pas sur des labels précis. J'écoute aussi pas mal de jazz et de vieux blues même si j'ai encore pas mal de découvertes à faire dans le très vieux blues. J'adore Albert King ou Oscar Peterson. Quand je joue de la guitare, j'essaie de jouer de la manière dont Oscar Peterson joue du piano. Il a une telle profondeur !

Quand tu écris des chansons, qu'est-ce qui vient naturellement ?
M. S. : Pas forcément du blues pur et dur, c'est bien là le problème (rires). En fonction des choses que j'écoute, je me mets dans un certain état d'esprit. Je ne perçois pas forcément les genres mais plutôt les attitudes et les atmosphères musicales. J'aime aussi certains trucs de funk si le groove derrière est bon. Même dans nos moments les plus rock, je trouve que nous gardons cette touche de swing dont je parlais et qui fait que notre musique est celle qu'elle est.

Far As I Can See est-il un disque enregistré live ?
M. S. : Pour la plupart oui. Il y a certains morceaux qui sont assez écrits et bien définis car j'aime cela aussi mais pas mal de titres sont issus de jams et d'impros. Un gars comme Eric Clapton est souvent considéré comme un grand guitariste de blues mais il n'a pas fait énormément de blues à part au début de sa carrière. Ses chansons comme Layla sont généralement très écrites aussi. Ce sont des chansons rock jouées avec une sensibilité blues. Ca me parle beaucoup. Je me sens obligé d'avoir ce genre de morceaux sur mes albums. Quand je joue, que ce soit sur disque ou sur scène, j'essaie de physiquement transmettre mes émotions au public. En effet, en tant que fan, quand je rentre vraiment dans la musique, je me contorsionne, je bouge, je ressens les choses dans la chair. J'essaie de faire passer cela également à travers ma propre musique.

Joe Bonamassa éclate vraiment au grand jour et enregistre d'immenses succès critiques et publiques à la fois en tant que bluesman et en tant que rockeur. Ca rappelle forcément Eric Clapton... Sa reconnaissance internationale fait-elle du bien pour des gens comme toi que l'on peut considérer comme étant encore dans l'ombre ? En plus vous faites à présent partie du même label...
M. S. : C'est vrai. Nous avons pas mal parlé par email et il m'a dit des trucs plutôt sympa sur mes albums. Il m'a soutenu également sur son émission de radio. Tout peut aider. Je n'ai que du respect pour la manière dont il s'est imposé. C'est inattendu et encourageant. Mais pour moi, ce n'est qu'encourageant plutôt qu'un véritable coup de pouce car en dehors de Joe Bonamassa, le grand public ne creuse pas et ne cherche pas à connaître les autres artistes de la même scène. Joe m'a invité à aller parler avec lui et il faut que je le fasse car je suis sûr que nous aurons des choses palpitantes à nous raconter. Affaire à suivre... Il se pourrait également que nous jouions ensemble sur une tournée à venir...



Matt Schofield - Far As I Can See
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Matt Schofield - Far As I Can See

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