En vingt ans de carrière et beaucoup d'efforts, Opeth s'est installé comme un des groupes de metal qui comptent. Appréciée même en dehors de la sphère de musique pour chevelus, la bande menée par Mikael Akerfeldt a récemment joué quelques concerts exceptionnels pour marquer ces deux décennies au service d'un mélange progressif de metal extrême et de folk mélodique. Un de ces shows, celui du Royal Albert Hall, paraît ces jours-ci dans un coffret luxueux où l'on retrouve un double CD et un triple CD. De quoi faire la synthèse de tout ce qu'a pu proposer le groupe jusqu'ici.

In Live Concert at the Royal Albert Hall est le troisième DVD d'Opeth. Mais il est assez différent des deux autres car vous aviez quelque chose à fêter : vos vingt ans. La setlist est donc exceptionnellement longue (rires). La salle, mythique, est sublime et la réalisation en rend très bien compte. Tu gardes de bons souvenirs de ce show ?
Mikael Åkerfeldt  : Je m'en rappelle bien. Mais tu sais, pas mal d'aspects de ce concert étaient en fait assez routiniers pour nous. Nous essayons simplement toujours de jouer au mieux. Bien sûr ce concert était un peu différent car nous filmions et lorsque c'est le cas le groupe veut jouer au top du top. Inévitablement quand on veut absolument être au top, on fait des erreurs qu'on n'aurait jamais faites par ailleurs (rires). Finalement, ça s'est plutôt bien passé. C'était un gros show pour nous car nous n'avons pas l'habitude de nous produire au Royal Albert Hall. De toute façon, Londres est toujours un endroit particulier pour nous car nos labels ont toujours été basés là-bas. Nous avons donc toujours une journée complète d'interviews à faire, puis nous dînons et quelqu'un nous dépose à la salle juste à temps pour commencer le concert (rires). C'est hyper stressant. Heureusement, tout s'est bien déroulé et pendant le concert je me rappelle que je regardais le plafond de la salle en me disant que c'était très beau et qu'y jouer était un peu irréel pour un groupe comme Opeth.

Vous avez joué une chanson de chaque album d'Opeth en plus de Blackwater Park dans son intégralité. Ca serait peut-être une bonne idée de faire ça à chacun de vos concerts, ça éviterait à vos détracteurs de dire que vous ne jouez que huit ou neuf morceaux par soir (rires) !
M. Å. : C'est vrai que nous avions cette liberté de jouer autant de temps que nous voulions du moment que nous respections le couvre feu du Royal Albert Hall. J'adore le fait de jouer un morceau de chaque album mais plus nous en sortons plus c'est dur à tenir. Généralement, nous essayons de promouvoir notre dernier disque et nous en avons joué plusieurs extraits de celui-ci ce qui laisse moins de place pour le reste.



Pour la première fois de votre carrière vous avez joué les titres dans l'ordre chronologique. Ca met en évidence que, contrairement à ce que beaucoup de gens disent, vos chansons et votre style de composition a énormément changé. Les deux premiers albums en particulier apparaissent très naïfs et assez faibles au regard de ce qui a été fait par la suite. Tu partages ?

M. Å. : Oui. Ces albums remontent à un sacré bout de temps et j'étais nettement plus jeune (rires). Lorsque je joue ces chansons je me rends compte que je n'écris plus du tout de cette façon aujourd'hui. Heureusement, d'ailleurs, car ça me montre tous les progrès que j'ai accomplis. Je ne suis pas très attaché à ces premiers albums et je trouve que c'est plutôt une bonne chose pour un musicien. Et malgré les différences, il est toujours possible d'entendre des similitudes entre notre son actuel et ce que nous faisions sur Orchid par exemple. Les « ingrédients principaux » sont toujours là. Ce sont surtout les influences progressives qui prennent de plus en plus le pas sur le reste. A l'époque nous étions un groupe de metal extrême qui expérimentait avec le rock progressif. Aujourd'hui ça semble être l'inverse (rires).

Est-ce que tu penses qu'un jour Opeth fera, comme de nombreux autres groupes, un ré-enregistrement d'une partie de ses morceaux des premiers albums ?
M. Å. : Ca me tente bien par moments pour rectifier quelques erreurs qui se sont glissées sur ces disques comme des guitares mal accordées, une mauvaise synchronisation, etc. Heureusement, tous ces petits détails sont loin de m'empêcher de dormir. Donc un album de ré-enregistrement n'est pas prévu. D'une certaine façon, j'aime les disques avec leurs erreurs. La démarche n'est pas très saine. C'est comme de demander à un écrivain d'aller changer quelques pages dans son premier livre. C'est bizarre. Qu'on le veuille ou non, ça fait partie de notre héritage maintenant donc je ne pense pas qu'il faille aller le changer. Même si nous sortions une nouvelle version de Forest of October, je pense que les fans se référeraient toujours à la version originale. La meilleure alternative reste les albums live comme ce In Live Concert at the Royal Albert Hall où nous jouons avec la mentalité actuelle les vieux titres. Ca me fait penser aux chansons de Maiden de Live After Death comme Running Free où Bruce Dickinson n'était pas présent pour les versions studio... Je sais que certains groupes ré-enregistrent leur répertoire pour un best of mais nous ne le ferons pas non plus car 1) nous n'avons pas de hits (rires) et 2) un live est le meilleur best of d'Opeth que vous pourrez acheter.


Est-ce que tu es parfois fatigué d'Opeth (rires) ? Après vingt ans, ça serait normal d'en avoir marre, au moins momentanément...

M. Å. : Oui, bien sûr. Je me fatigue moi-même. C'est fatiguant d'être « le mec du groupe » et d'être traité d'une certaine façon juste parce que j'appartiens à ce groupe. Je ne sais pas si c'est très clair. Je ne sais pas si c'est compréhensible par quelqu'un d'extérieur, en fait. J'aimerais pouvoir de temps en temps ne plus être en tant que personne qu'un simple synonyme d'Opeth (rires). Mais j'adore ça ! Je suis un musicien qui passe par une phase avec Opeth. Mais c'est une longue phase (rires). Je n'ai pas prévu d'arrêter ce groupe car j'adore jouer notre musique avec les quatre gars. Je n'ai pas grand chose d'autre à faire dans la vie à part de la musique ! J'essaie de jouer dans un side project de temps en temps mais ça n'est jamais aussi enrichissant que d'écrire pour Opeth.

Tu arrives à comprendre quelqu'un comme Mike Portnoy qui quitte son propre groupe (rires) ?
M. Å. : Oui, complètement. Il était dans une situation un peu différente. Les gars de Dream Theater étaient amis sans l'être, en réalité. Nous avons fait trois tournées avec eux et je me souviens que Mike passait plus de temps avec nous qu'avec eux ! Il n'en revenait pas qu'on soit aussi soudés dans Opeth. Ca lui était totalement étranger dans Dream Theater. Pour nous c'est naturel. Je ne serai jamais dans un groupe avec des gens avec qui je ne m'entends pas sur un plan humain. Il serait impossible de faire de la bonne musique ainsi. Je crois que dans Dream Theater c'était des amis qui se sont progressivement éloignés. C'est important de partir d'un groupe quand l'envie n'est plus là. C'est encore plus vrai pour les groupes de metal car dans la vaste majorité des cas ce ne sont pas des groupes préfabriqués par des pontes de maisons de disques. Dream Theater a créé sa propre niche. Donc si le plaisir n'est plus là, il ne reste rien...

Opeth - In Live Concert at the Royal Albert Hall
Roadrunner
www.opeth.com 
Opeth, 20 ans de carrière