Pour des dépressifs incontrôlables, le treizième album pouvait s’apparenter à une nouvelle épreuve fatidique du destin. Finalement, Paradise Lost se tire très bien de l’exercice et nous propose avec Tragic Idol un excellent résumé de ses deux précédentes galettes, sombres et heavy à souhait. Nick Holmes et Greg Mackintosh nous ont reçus pour faire le point sur les dernières années du groupe.

 Qu’est-ce qui vous a poussés à prendre la route qui vous a menés à Tragic Idol ?
Nick Holmes : Nous avons commencé à le composer en janvier 2011. Nous avons eu besoin de neuf mois pour tout écrire et d’environ cinq semaines et demie pour enregistrer le disque. En fait tout s’est enchaîné assez vite avec la fin de la tournée de Faith Divides Us – Death Unites Us.

Vous vouliez faire quelque chose en particulier sur l’album ou vous avez laissé venir les compositions naturellement ?
N. H. : On commence toujours avec une page vierge et ce n’est qu’au bout de quelques idées qu’on commence à avoir une vision précise de ce qui est en nous. Cette phase au tout début est toujours délicate. D’ailleurs à chaque fois que nous venons de terminer un disque, je n’ai pas du tout envie d’en faire un autre ! Je ne pensais même pas que nous serions capables de faire un autre album. Mais d’une façon inexplicable, nous trouvons toujours les ressources nécessaires pour poursuivre l’aventure (rires) !
Greg Mackintosh : Tragic Idol est un peu comme un parfum : c'est l'essence de Paradise Lost. Je crois que si vous aimez la chanson True Belief, alors vous risquez de vous retrouver dans l'univers de cet album. C'est un album fort. Il n'y a pas de singles dessus mais je crois que nous avons arrêté de faire des singles il y a déjà quelques années...

Lorsque In Requiem est sorti tout le monde – la presse, le label, les fans et même le groupe – annonçait l’ouverture d’une nouvelle ère pour Paradise Lost. Ce sont des choses assez fréquemment dites dans les discours de promo mais rétrospectivement il s’avérait que c’était vrai ! Savez-vous ce que vous a poussés à revenir vers des sonorités plus dark et agressives ?
G. M. : J'en ai marre de la production metal actuelle. Tout sonne pareil, en grande partie à cause des techniques de production. Il fallait faire quelque chose qui nous satisfasse. C'est pour cela qu'il n'y a presque pas de claviers sur ce disque. Uniquement sur Solitary One, la première composition écrite mais la dernière enregistrée car nous avons galéré à lui rajouter cette simple petite mélodie de piano.
N. H. : C’est vrai que In Requiem a marqué une rupture. Après Host – qui remonte à pas mal de temps, je te l’accorde – nous étions quelque peu perdus. Il aurait été bien que nous fassions un break de quelques années à ce moment-là. Cela nous aurait permis d’analyser ce que nous étions et ce que nous avions envie de faire… Mais nous n’avons pas eu ce luxe. Nos trois derniers albums sont marqués par le désir de ne pas expérimenter. C’est inutile de se forcer à le faire. De toute manière dans le metal on atteint vite les limites de l’expérimentation… Nous sommes souvent jugés à la qualité de nos chansons donc nous nous concentrons sur celles-ci.

Vous proposez une reprise de Spear Of Destiny. Comment a-t-elle vu le jour ? Je ne connaissais même pas le groupe pour être franc...
G. M. : Et bien tu n'es pas le seul car certains membres du groupe dont je tairais le nom ne les connaissaient pas non plus (rires) ! Comme toutes nos reprises, on dirait la suite de la playlist du pub que je fréquentais dans les années 80. Il n'y aucune vraie motivation. C'est ma vocation (rires) !

Depuis 1995, vous vivez quelque peu dans l’ombre de Draconian Times, un album que vous avez célébré en concert pour ses quinze ans. Est-ce que tu t’en sens parfois prisonnier et du coup certains de vos choix artistiques sont occultés pour caler au plus près de l’esprit de Draconian Times ?
N. H. : Non. Tu sais ça remonte à longtemps tout ça et il me semble que nous avons toujours fait de notre mieux sur chacun de nos disques donc forcément il y en a de plus récents que je trouve meilleurs. Si nous enregistrions Draconian Times maintenant il ne sonnerait pas du tout comme la version que tu connais. Il y a pas mal d’erreurs qui n’y seraient pas et le chant serait juste tout le temps (rires)… En fait, musicalement, nous ne regrettons rien de ce que nous avons fait même notre tout premier album.

En tout cas vous n’aviez pas profité du passage au live pour jouer les morceaux de Draconian Times différemment…
N. H. : Nous voulions être le plus fidèle possible à l’album. Nous avions répété à fond contrairement aux morceaux des rappels issus d’autres albums. Du coup, nous nous rations à chaque fois sur les rappels (rires). Les gens auraient dû rentrer chez eux après Draconian Times (rires). Je trouve que ça s’entend également sur le live qu’on a sorti.

Nick, tu as écrit les paroles de Tragic Idol après que la musique ait été composée ce qui est inhabituel chez toi. Cela a changé quelque chose au rendu final ?
N. H. : Je trouve que les textes sont mes meilleurs depuis un bon moment. C’est un exercice difficile avec toutes ces rimes. J’ai joué avec les répétitions de mots. Et puis il y avait la pression de la deadline qui m’a poussé à écrire efficacement. Les thèmes des paroles sont toujours les mêmes : la vie et la mort, l’amour et la haine, le tout sous un angle différent. Quand on a dix-huit ans ou quarante et un, on n’a plus les mêmes convictions ou valeurs. Et puis ces thèmes sont intarissables et au moment-même où l’on croit avoir tout dit quelque chose vous inspire.



Y a-t-il des morceaux très personnels ?
N. H. : Tous, en fait. C’est un vieux cliché mais tout est ouvert à interprétation sur ce disque. J’étais assez content de ma vie au moment où j’ai écrit toutes ces paroles. Depuis, j’ai eu quelques problèmes et contrecoups… Pourtant, je trouve que les paroles n’ont pas perdu de leur sens ce qui signifie sans doute que j’ai fait du bon boulot et qu’elles ne sont pas trop intimement liées à une sensation ou un passage précis de ma vie.

Une semaine avant Tragic Idol, le nouvel album d’Anathema sort. L’avez-vous entendu ?
N. H. : J’ai étendu une chanson. Musicalement, c’est super mais je crois qu’ils auront du mal à se débarrasser de leur image metal… Danny est un type différent maintenant mais son groupe aura toujours une étiquette. Je suis assez proche de Les, leur ex-claviériste.

Paradise Lost – Tragic Idol
Century Media
www.paradiselost.co.uk
Paradise Lost, le chiffre porte bonheur