Dans la biographie qui accompagne Rulebreaker, le onzième album studio de Primal Fear, il est mentionné qu'une discussion à propos des meilleurs groupes de heavy metal européens finira toujours par tourner autour de la bande menée par la paire Scheepers / Sinner. Peut-être, mais alors uniquement lorsqu'elle aura bifurqué sur les groupes qui insistent depuis deux décennies à composer dans la veine dans leurs idoles sans jamais chercher à évoluer. Primal Fear n'est pas dénué de talent : il a signé quelques tubes efficaces et riches, son chanteur est une des meilleures copies carbone disponibles de Rob Halford et la stabilité de ses fondations musicales résisterait, comme The Rock, au tremblement de terre de San Andreas. Pourtant, après toutes ses années, il manque toujours quelque chose d'essentiel...

Avec son dixième album, Delivering the Black, Primal Fear avait réussi son plus gros coup commercial en se plaçant dans plusieurs charts internationaux. Cela venait couronner de nombreuses années d'efforts où le meilleur (Nuclear Fire) avait côtoyé le pire (Seven Seals). La dynamique de cet album et de sa tournée avait même convaincu le guitariste Tom Naumann de revenir une troisième fois au sein du line-up où officient déjà ses camarades de six-cordes Alex Beyrodt et Magnus Karlsson. Ce dernier apporte, depuis 2008, un vrai plus dans l'écriture en contrebalançant les envies trop teutonnes de ses leaders par des mélodies léchées.

We Walk Without Fear, titre épique de onze minutes, tient en grande partie grâce à son travail rythmique et sa science de l'arrangement. Primal Fear n'est pas Nightwish mais les orchestrations présentes sur cette chanson tiennent la route et surtout en haleine tandis que les différents mouvements se succèdent. Il montre qu'à présent les Allemands sont aussi à l'aise dans cet exercice que dans un style plus heavy comme The Devil In Me, Raving Mad et Angels Of Mercy où les influences à la Judas Priest transpirent de tous les côtés.

Toutefois, le vrai point d'ancrage du groupe réside dans les morceaux speed aux relents FM. Ici, Primal Fear laisse libre cours à ses pulsions les plus honteuses (le riff de Bullets & Tears, les paroles et les bruits de public sur In Metal We Trust) et ça marche ! Il se dégage une énergie tellement convaincante de ces titres qu'on ne peut pas douter de leur efficacité. On rêve de les entendre en live où leur simplicité se conjuguera merveilleusement au cadre bouillonnant d'un club. La ballade The Sky Is Burning est tout le contraire : ringarde et téléphonée, elle se veut lyrique mais ne présente que de l'émotion de pacotille.


Les onze pistes de Rulebreaker sont constamment ballotées entre du Painkiller et du Defenders Of The Faith avec un soupçon de British Steel. La production signée Mat Sinner et Jacob Hansen (Volbeat, Pretty Maids, Amaranthe) met en valeur cette palette sonore. Mais avec autant d'album au compteur et une originalité qui n'a jamais été son fort, Primal Fear s'adresse à un cercle restreint de fans potentiels. Il œuvre constamment pour la même cause, ce « metal qu'il trust », parce qu'il n'est sans doute pas capable de faire autre chose. Puisqu'il n'est pas prêt de s'arrêter, autant profiter des quelques morceaux qui feront momentanément notre bonheur.

Line-up :
Ralf Scheepers (chant)
Alex Beyrodt (guitare)
Magnus Karlsson (guitare+claviers)
Tom Naumann (guitare)
Francesco Jovino (batterie)
Mat Sinner (basse)

Tracklist (morceaux essentiels en gras) :
01. Angels Of Mercy
02. The End Is Near
03. Bullets & Tears
04. Rulebreaker
05. In Metal We Trust
06. We Walk Without Fear
07. At War With The World
08. The Devil In Me
09. Constant Heart
10. The Sky Is Burning
11. Raving Mad

Discographie :
Primal Fear (1998)
Jaws of Death (1999)
Nuclear Fire (2001)
Black Sun (2002)
Devil's Ground (2004)
Seven Seals (2005)
New Religion (2007)
16.6 (Before the Devil Knows You're Dead) (2009)
Unbreakable (2012)
Delivering the Black (2014)
Rulebreaker (2016)

Primal Fear – Rulebreaker
Frontiers Records
www.primalfear.de

Primal Fear – Rulebreaker