Deep Purple est peut-être un des seuls groupes de hard rock que vous avez en commun avec vos parents et vos grands-parents. La sortie de « Now What?! » va être l’occasion de réunir toutes les générations autour d’un nouvel album des Anglais, aussi frais et fringants qu’à l’époque de leurs débuts. Roger Glover, l’inoxydable bassiste, nous présente ce premier opus depuis 2005.

Vous êtes en tournée dans les jours qui mènent à la sortie de Now What?! et pourtant vous ne jouez aucun extrait sur scène. Pourquoi ?
Roger Glover : En effet, c’est une vraie décision de notre part. Le label et nous-mêmes voulons faire à la belle époque : rendre le disque public d’un coup sans véritable preview. Ainsi, les gens l’entendront de la manière dont ils sont supposés l’entendre et pas dans des conditions exécrables sur un Iphone par exemple…

Préserver ce genre de surprise est assez rare. Au mieux, il y aura toujours des fuites de l’album une dizaine de jours avant sa sortie, non ?
R. G. : Oui, mais d’ici à ce que ces fuites se produisent, le mystère sera total. Les versions live ont tendance à évoluer avec le temps et l’envie du moment donc c’est très bien que les fans puissent entendre l’album studio en premier.

Deep Purple est connu pour ne jamais écrire ses chansons. Celles-ci jaillissent lorsque le groupe se retrouve et répète ensemble. Cela a-t-il de nouveau été le cas pour Now What?! ?
R. G. : Tout à fait. Nous ne changerons jamais. Quand on écrit une chanson, on utilise son intellect. Mais cela n’a jamais fonctionné pour nous car nous sommes un groupe « qui joue » et qui donc a besoin de jouer. C’est le jeu du moment qui dicte la direction où doit aller la musique. Le dernier truc à faire dans un groupe comme Deep Purple est de présenter une chanson totalement fignolée et de dire « Hey, les mecs, écoutez un peu ce que j’ai écrit ! ». Ça ne se passe généralement pas très bien (rires). Nous écrivons ensemble et pour y arriver nous n’avons besoin que d’un riff, un sentiment, une grille d’accords, bref une graine de morceau. Par des suggestions successives, les chansons évoluent. Ainsi, nous évitons d’utiliser notre intellect et nous privilégions l’instinct. Ça marche pour nous. Avec tous les concerts que nous jouons, nous devons être sûrs que les morceaux fonctionnent de cette manière.

Ce processus diffère grandement de ton album solo sorti il y a deux ans, If Life Was Easy. Tu avais écrit la majorité des morceaux dans les moindre détails.
R. G. : C’est juste. Dans ce cas précis, la composition et l’enregistrement vont ensemble. Quand on est seul, il est difficile de collaborer avec soi-même (rires). Nous sommes tous des compositeurs malgré tout et l’envie d’écrire existe. C’est pour cela que nous faisons tous quelques albums solo de temps en temps. Mais c’est une toute autre dimension avec Deep Purple.

Now What?! contient un morceau nommé « Weirdistan ». De quoi traite cette chanson ?
R. G. : Il y a deux ans, nous avons eu une session de composition en Espagne. Nous enregistrions sur un petit dictaphone pour ne pas perdre les idées. Quand quelque chose de bien arrive, je demande aux autres s’ils ont un titre de travail pour nommer la composition naissante. Si personne ne se manifeste, je la baptise. Pour ce morceau-là, Don avait trouvé un super riff sur lequel nous nous sommes tous éclatés. C’est un riff génial car il est simple et fort à la fois.

C’est presque votre marque de fabrique…
R. G. : Oui mais c’est dur ! Tout le monde peut jouer de manière simple. Mais pour que ce jeu soit également subtil et différent de tout le reste, c’est une autre paire de manches… Bref, Don a immédiatement trouvé le titre de travail « Weirdistan ». Il ne se l’explique pas (rires). A Nashville, lorsque nous mettions nos idées en place plus concrètement pour Now What?!, nous avons décidé de garder le titre. Ian Gillan et moi avons passé une semaine à écrire toutes les paroles de l’album mais nous séchions un peu sur « Weirdistan ». Mais finalement, nous avons pris cette opportunité pour parler de la nécessité de dépasser la xénophobie et de célébrer la diversité des cultures qui nous entourent.

Comment avez-vous choisi de bosser avec Bob Ezrin ? C’est un choix qui s’est fait très tôt ?
R. G. : Il était là avant même que nous ne commencions l’enregistrement. Après sept ans, et malgré le respect que je porte à Michael Bradford, nous voulions faire autre chose. Je ne sais plus trop comment le nom de Bob est arrivé mais je sais que Steve avait bossé avec lui avant du temps de Kansas. En février 2012, Bob est venu nous voir au Canada pour un concert. Il a adoré le groupe et le concert. Il a tout de suite compris notre démarche et a été à notre écoute dès le début. Nous avions le sentiment d’être dans de bonnes mains et nous nous sommes lancés avec lui ! Son CV parle pour lui et rien que de rencontrer quelqu’un comme lui est un honneur alors je te laisse imaginer notre bonheur de travailler avec lui sur un album entier !

Tu es producteur toi-même. Cela change-t-il quelque chose ?
R. G. : C'est difficile à dire ce que fait réellement un producteur. Je l'admets d'autant plus facilement que je suis effectivement moi-même producteur. Il doit être au cœur d'une volonté commune. Mais, au quotidien, il est à la fois le chef d'orchestre, le psychologue, le souffre-douleur, etc. Beaucoup de rôles se cumulent ainsi. Quand je produis un artiste, peu importe qu'il fasse du hard rock ou du folk acoustique, le processus reste le même et doit se focaliser sur la captation d'une performance. Certains producteurs mettent leur empreinte sur les artistes mais je crois pour ma part que tout doit être fait pour servir la performance. Je préfère être un producteur invisible. Bob était ainsi également car il a su tirer le meilleur de Deep Purple. Il ne nous a jamais comparés à Pink Floyd, Alice Cooper ou Peter Gabriel.

« Vincent Price » est un titre réellement à part sur le disque. Il a été conçu en dehors du reste ?
R. G. : Je crois que c'est à nouveau Don qui a suggéré ce titre sans trop savoir pourquoi. Vincent Price était un des acteurs les plus connus des productions Hammer Films, spécialisés dans l'horreur. Bob a produit Alice Cooper et ce morceau est en quelque sorte un clin d'œil adressé à son passé. C'est un morceau théâtral extravagant de la même manière que l'étaient les films Hammer à leur époque. « It feels good to be afraid. »


Deep Purple – Now What?!
Ear Music
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Roger Glover (Deep Purple) : « Nous privilégions l’instinct pour écrire nos chansons »