L’ex-groupe de power metal français Seyminhol opère un changement de style sur sa nouvelle galette, Ov Asylum. Le leader du groupe, Dr. Badgood alias Kevin Kazek, a pondu un concept assez poussé pour ce disque et bien que la qualité de la musique ne suive pas toujours, il nous fallait lui donner la parole. Mais au fait qu’est-ce qu’il s’est passé pour le groupe depuis la sortie de Septentrion’s Walk en 2005 ?

C’est la première fois qu’il s’écoule autant de temps (quatre ans) entre deux disques de Seyminhol. A quoi était-ce dû ?
Dr. Badgood : Il y a plusieurs raisons à ce long délai. La première, c’est une sorte de lassitude, un ras-le-bol général lié aux difficultés rencontrées en France pour réaliser un album et surtout pour le promouvoir correctement. Il s’avère que les soutiens sont rares ici et il faut vraiment aimer la musique pour continuer. La deuxième raison est d’ordre financière. Après Septentrion’s Walk nous étions vraiment à sec. C’est un disque qui a coûté pas mal d’argent et nous n’avions plus un sou pour enregistrer Ov Asylum. C’est grâce à notre ingénieur de toujours (Gilles Kauffmann du 112) et au soutien de Charles Zampol que ce putain de disque a pu voir le jour. Enfin, des problèmes internes ont ralenti la réalisation de cet opus. Son côté plus sombre, plus violent et la teneur des textes résultent donc de cet état d’esprit très particulier.

Quels enseignements avez-vous tiré des deux précédents albums et des mini CDs qui vous ont permis de rendre Ov Asylum meilleur ?
Dr. Badgood : C’est un disque plus efficace, plus direct, sans longues transitions, sans bla bla inutile. Non pas que je crache sur nos anciennes réalisations qui sont des disques de qualité, mais il fallait revenir à quelque chose de plus brut, de plus épuré, de plus simple peut-être. Le chant est le meilleur exemple de cette évolution. Je suis très fier des parties vocales sur ce disque même si certains critiques n’ont pas tout compris. Cet album correspond vraiment à un moment marquant de notre histoire.

Ov Asylum marque un tournant stylistique. De plus, les membres du groupe se font maintenant appeler par des pseudos. Est-ce un nouveau départ pour Seyminhol ?
Dr. Badgood : Il fallait prendre un virage, proposer autre chose quitte à déplaire ou à choquer nos fans de la première heure. On a toujours fonctionné comme ça. Mais je tiens à dire que ces pseudos renvoient au concept développé dans Ov Asylum. Il s’agit de différents personnages qui sont cités dans les chansons. Dr Badgood est celui qui est tiraillé entre le bien et le mal, celui qui penche vers les ténèbres et qui espère retrouver la lumière. Belial (Nico) symbolise le diable. Il s’inscrit dans le contexte de plusieurs chansons ou le malin intervient : « Old Man’s Tree » et « Ecstasy In Sin ». Christ O (Christophe) c’est bien sûr le bien, la lumière, l’espérance dans le néant. Et Terrorizer (Julien) la transformation finale de l’anti-héros de Ov Asylum. Un homme perdu, brisé, embrigadé et obligé d’utiliser le terrorisme pour obtenir sa délivrance et approcher une forme d’éternité. C’est très schématisé, mais voilà en quelques mots à quoi renvoient ces surnoms.

Thématiquement, de quoi s'inspire Ov Asylum ?
Dr. Badgood : Il s’agit d’un concept comme je te le disais. Au départ tout commence sur une rupture évoquée par le titre « Old Man’s Tree », l’arbre brisé qui renvoie symboliquement à l’arbre généalogique et par là-même aux racines du personnage, à sa famille. Cette rupture qui peut être comprise comme un divorce, une séparation amoureuse ou une tromperie est vécue comme un anéantissement pour le personnage principal. C’est là que les branches de l’arbre peuvent aussi être envisagées comme un lieu de sacrifice. L’arbre des pendus est évoqué ici comme image centrale et symbolique. Arrive ensuite « Pretium Doloris », un titre dans lequel cet anti-héros est livré à lui-même. Sa réaction devant la perte et le changement brutal qu’il subit se caractérise par la volonté de mettre fin à ses jours. Il va payer le prix de sa douleur. « Suicide Obsession » est donc cette possibilité envisagée, cette délivrance, alors que « Blank Chamber » explique plutôt comment ce suicide raté va transformer le protagoniste de l’histoire. Il y a bien sûr cette image du couloir blanc, du passage lumineux et de cette lumière accueillante que de nombreux « thanatonautes » ont déjà évoqué. Ainsi, suite à cette résurrection, le personnage développe une théorie très symbolique sur ce miracle. Il croit vraiment que c’est Dieu qui lui est venu en aide et « Nail and Spear » (le clou et la lance) est un peu une métaphore du Christ sur la croix. Comme Jésus, le héros a souffert dans sa vie mais il revient d’entre les morts et après cette renaissance, le sujet veut croire que l’avenir sera meilleur, qu’il retrouvera la paix et la sérénité. Des moments de plénitude dans lesquels il sera en communion avec le tout-puissant. Et « Pendulum Motion », le mouvement de pendule est sans doute le seul texte vraiment positif du concept.

Toutefois, le refrain intervient comme le perturbateur de la tranquillité, puisque le sujet hurle sa haine de l’enfer et de ses lois qu’il craint de retrouver. Avec « Ecstasy in Sin », toutes les espérances meurent puisqu’il s’agit d’évoquer une tromperie. Par amour pour Dieu le personnage désire trouver la paix dans une église et se tourne vers un groupe religieux, ce qu’il croit être une Eglise chrétienne. En fait il s’agit d’une secte qui détourne la parole divine de son but. Lorsqu’il découvre la vérité, le personnage décrit ce qu’il voit en utilisant des images bibliques du nouveau testament : sa description virulente du lieu et du mobilier de la liturgie satanique est très poussée. On retrouve dans ce texte des allusions aux autres thèmes déclinés précédemment. Le Christ déguisé sur la planche pourrie, c’est un faux Jésus captif du démon parmi des reliques outrageuses. Les larmes de sang qui barbouillent le visage de la Sainte pute doivent faire référence aux trois Marie confondues dans la bible : Marie la pécheresse dans l’évangile de Luc, Marie de Béthanie qui lave les pieds de Jésus et Marie de Magdala qui est témoin de sa résurrection. La violence des propos du personnage est ici accentuée pour vomir son incompréhension. Finalement, avec « Terrorizor », on découvre le basculement définitif du personnage vers le mal absolu, vers la folie. D’où le titre, envisagé comme une sorte de traité sur la mélancolie, un état qui pousse certains aux pires dérives. C’est aussi un moyen d’évoquer tous ces détraqués qui deviennent des bombes humaines au nom d’une cause qu’ils croient juste. Voilà en quelques lignes le concept résumé.

Un mot sur Brennus : comment se passe votre collaboration ?
Dr. Badgood : C’est difficile. La promotion n’est pas parfaite et la maison de distribution est vraiment en dessous de tout. Nous espérions mieux de cette nouvelle collaboration. Une fois de plus on doit ramer pour assurer la promo de ce disque. Vae Victis !

Quels sont les groupes français dont vous vous sentez proches actuellement ?
Dr. Badgood : Si c’est en termes de style et d’évolution je citerai bien sûr Karelia. Ils ont pris de gros risques en changeant leur musique et leur visuel et certains webzines n’ont rien compris à cette métamorphose. Sinon, pour l’attitude, je m’intéresse beaucoup à la scène sleaze rock et glam rock en ce moment. Je dois dire que j’ai flashé sur Black Rain, un groupe bien roots et sur Bloody Mary dont la pochette très sexe donne vraiment des idées.

Sur scène vous déployez une énergie assez phénoménale : qu'avez-vous prévu en soutien d'Ov Asylum et y a-t-il des dates à l'étranger planifiées ?
Dr. Badgood : En théorie nous devrions jouer en Italie et en Angleterre à la rentrée avec les membres d’un groupe italien que nous avons découvert via Internet. Mais comme tout est compliqué pour nous depuis le jour où nous avons décidé de monter ce putain de groupe, il y a de fortes chances pour que les galères pointent leurs nez.



Que peut-on vous souhaiter pour les mois à venir ?

Dr. Badgood : De tenir jusqu’en 2012, parce que j’ai un autre concept album que j’aimerais mettre en musique. A cette date, Christophe et moi-même aurons maintenu Seyminhol en vie pendant vingt ans et ça c’est ma plus grande fierté. Le reste, les mesquineries, les critiques à la con et les vannes de comptoir, je n’en ai plus rien à foutre.

Seyminhol – Ov Asylum
Brennus
www.myspace.com/seyminholmusic 
Seyminhol, entre le bien et le mal