Peu de groupes énervent et plaisent en même temps autant que The Mars Volta. Heureusement, avec Noctourniquet, les Américains sont plutôt dans une phase intéressante. Cedric Bixler-Zavala se colle au jeu de la promo, son compère Omar Rodríguez-López étant sûrement en train de pondre un nouvel album d’un de ses innombrables projets !

Le premier extrait de Noctourniquet, The Malkin Jewel, m’a fait penser à du Nick Cave And The Bad Seeds par instants dans la première partie. Tu es d’accord ou du moins y entends-tu également de nouvelles sonorités pour vous ?
Cedric Bixler-Zavala : J’y entends davantage d’Alice Cooper pour ma part mais je suis très respectueux de Nick Cave car ce mec a encore un groupe comme Grinderman à son âge ! Néanmoins, je suis étonné que personne ne remarque les influences d’Alice Cooper sur ce morceau. Je ne voulais pas spécialement lui rendre hommage ou quoi que ce soit mais j’y entends de forts relents. Je me rappelle que la toute première prise de ce morceau avait une coloration « Bad Seeds » très marquée. Par la suite, nous avons essayé de le jouer différemment pour effacer ces tics. J’ai notamment chanté une octave plus bas qu’habituellement.

Et puis il y a le travail des percussions et de tous les bruitages « parasites » qui rappellent quand même les Bad Seeds…
C. B.-Z. : C’est sûr que des mecs comme Warren Ellis ou Blixa Bargeld sont difficilement à occulter. Mais The Mars Volta a aussi une grande tradition de noise. En tout cas, je n’ai que du respect pour The Bad Seeds et j’espère qu’ils ne prendront pas notre musique comme un plagiat de la leur.

Le son sur Noctourniquet va chercher pas mal d’influences différents. Par moments, on se croirait carrément dans un album punk ! Ce disque me semble totalement libéré. Est-ce également comme cela qu’il a été conçu ?

C. B.-Z. : En tout cas, j’étais suffisamment libre pour bosser sur le disque pendant deux ans (rires). Musicalement, la plupart des titres existaient déjà de sessions qu’Omar et Deantoni avaient faites ensemble. C’était de la musique très électro sans guitares du tout. Lorsque nous nous sommes séparés de notre précédent batteur, il m’a semblé bon de faire une musique à l’opposé du son qu’il voulait nous imposer. Deantoni aurait toujours dû être notre batteur mais il ne pouvait jamais se libérer. C’est un vrai prodige qui a bossé notamment pour John Cale. On apprend forcément beaucoup avec quelqu’un comme John Cale ! Quand il joue pour nous, toutes nos chansons s’en trouvent modifiées. Il met vraiment sa marque sur The Mars Volta et la musique de Noctourniquet lui doit énormément.

Tu as l’impression d’ouvrir une nouvelle ère du groupe ?
C. B.-Z. : Tout à fait. C’est une ère qui aurait dû être là dès 2006. Il avait joué un peu avec nous et quasiment tout le groupe l’adorait. C’est moi qui ai commis l’erreur de choisir l’autre batteur.

D’un autre côté, Noctourniquet n’est pas la suite logique d’Amputechture. Les deux albums suivant ont malgré tout fait progresser l’univers de The Mars Volta et on retrouve tout de même certains éléments sur Noctourniquet…

C. B.-Z. : C’est vrai. Mais je trouve tout de même qu’on a perdu du temps. Nous aurions dû sonner aussi bien que sur Noctourniquet dès 2008 au plus tard. Parfois, il faut simplement passer par certains stades pour réaliser les erreurs commises. C’est exactement ce qu’il s’est passé.

Tu as pris plus de temps pour écrire les paroles de chansons de l’album. C’est d’ailleurs pour cela qu’il ne sort que maintenant alors que la musique était prête depuis un moment. De quoi parlent les textes ?
C. B.-Z. : Tout vient d’une comptine, Solomon Grundy de James Orchard Halliwell. Voici ce qu’elle dit : « Solomon Grundy, Né un lundi, Baptisé un mardi, Marié un mercredi, Malade un jeudi, Pire un vendredi, Mort un samedi, Enterré un dimanche. » C’est pour moi un miroir exact de la condition humaine. Pour moi, le monde est rempli d’artistes mais tout le monde semble l’oublier. Les parents forcent les enfants à l’oublier car généralement leurs vies n’ont pas pris le chemin qu’ils espéraient et donc ils forcent leurs enfants à prendre une direction toute tracée.

J’utilise également le mythe de Hyacinthe avec une fleur qui pousse constamment devant la maison du personnage principal. Ce dernier a perdu son frère et cette fleur lui rappelle sa présence et qu’il doit fuir de la situation horrible qu’il vit avec ses parents. C’est un résumé rapide mais c’est ça en gros. Je crois qu’il faut surtout avoir en tête que la culture d’un peuple est seulement aussi grande que ses rêves. Et les rêves sont tissés par les artistes. Pour révéler les artistes, il est important de sortir du schéma restrictif naissance / école / travail / mort. Je ne dis pas qu’il faut arrêter l’école. Ca ne marche pas pour tout le monde même si pour moi cela a été une très bonne chose. J’ai beaucoup de lacunes mais certainement pas celle d’aller sur scène sans me donner à 100%. J’aimerais que plus de gens fassent pareil. Voilà de quoi traite l’histoire. L’album se compose de sorte de bandes-annonces pour l’histoire que je viens de te décrire. Je suis en train de finaliser l’écriture du livre.

Tu sembles impatient de revenir sur scène. Cela t’avait manqué ? The Mars Volta n’a pas énormément joué suite à son dernier album studio…

C. B.-Z. : C’est vrai. Nous avons déjà joué quelques extraits du nouvel album sur nos derniers shows car nous voulions qu’ils entendent tout ça tellement nous étions excités. Il y avait pas mal de gens dans le public qui ne comprenaient pas trop ce qui se passait mais c’était tout de même chouette (rires).

Musicalement, Noctourniquet ouvre une nouvelle voie pour le groupe. Penses-tu également que les concerts vont changer à l’occasion de votre prochaine tournée avec l’incorporation de nouvelles idées ?

C. B.-Z. : Oui je pense. Il y a bien plus « d’artistes » qui vont mettre leur patte sur les versions live de nos chansons. Lorsque les compositions ont été écrites, Omar avait planifié les parties de claviers et de basse mais là tout le monde pourra exprimer sa propre voix. Tout le monde pourra faire ses propres erreurs (rires) ! Mais souvent c’est à partir d’erreur qu’on trouve par hasard une bonne idée, alors… Beaucoup de groupes de rock se contentent de jouer leurs albums mais, nous, nous sommes heureux de pouvoir improviser. A chaque fois que nous jouons, le concert est totalement unique.



The Mars Volta - Noctourniquet
Warner Bros

Une nouvelle ère pour The Mars Volta