Avec ses airs de professeur et son fort accent anglais, Andy Tillison représente exactement la sérénité et le second degré degré que l'on est en droit d'attendre d'un rockeur progressif. Il faut dire qu'il commence à avoir une sacrée expérience en la matière avec The Tangent, son projet le plus abouti à ce jour. Il nous livre en ce début d'année Down And Out In Paris And London, un long disque au contenu familier mais toujours bien exécuté et qui, au détour de quelques pistes de guitares inédites, pourrait bien comporter quelques surprises...

Votre précédent disque, Not As Good As The Book, était un concept ambitieux qui mêlait musique et littérature ! Le nouvel album de The Tangent, Down And Out In Paris And London, semble en revanche assez différent et plus « normal », non ?
Andy Tillison
: Absolument. Il faut faire attention aux groupes comme les nôtres qui sortent ce genre de disques avec un livre et un concept ambitieux car cela peut rapidement être ce que les gens attendent à chaque nouvelle parution ! Par exemple, passé un temps tout le monde voulait que Rick Wakeman utilise une chorale et un orchestre pour faire une œuvre inspirée du monde du roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde ou de Henri VIII (rires) ! Nous devions faire quelque chose de différent. C'est comme lorsque Genesis a sorti The Lamb Lies Down On Broadway : le groupe n'a pas enchaîné avec la même chose mais avec A Trick Of The Tail. Nous nous sommes retrouvés à faire ce que les gens apprécient le plus chez nous : des chansons.

Nous venons de rentrer dans une nouvelle décennie. Que représente le rock progressif pour toi en 2010 ?
Andy Tillison : Le rock progressif reste très important pour moi et occupe une place privilégiée dans mon cœur. Je suis heureux de voir que le courant devient un peu plus populaire en ce moment.
De ce fait il y a de nombreux nouveaux groupes qui voient le jour, notamment en Angleterre. Certains sont excellents et d'autres pas du tout (rires). Il faut le dire ! Il faut veiller à ne pas restreindre le rock progressif à l'easy listening car ce n'est tout simplement pas la même chose ! Pour moi, de nombreux groupes de prog' flirtent avec l'easy listening et l'AOR au lieu de prendre des risques avec une musique plus audacieuse... La nouvelle vague de rock prog' commence à s'étirer car cela fait seize ans que le premier album des Flower Kings a vu le jour et il est légitime de se demander combien de temps tout cela va tenir... Après tout, la première vague n'a pas duré seize ans ! Toujours est-il que j'aime la musique qui est produite et je compte encore investir beaucoup de mon temps et de mon énergie pour continuer le courant aussi longtemps que possible !

C'est ce qui te motive ?
Andy Tillison : Je veux juste faire des disques, sans trop réfléchir. Chaque année j'essaie de faire un disque que les fans aimeront.

Le titre « Down And Out In Paris And London » fait référence à deux capitales européennes. Que représentent ces villes à tes yeux ?
Andy Tillison : Ce sont deux villes que je connais très bien. Je suis amoureux de Paris depuis très longtemps. Néanmoins, j'ai juste pris le titre du disque d'un bouquin de George Orwell. Les textes ne s'inspirent pas du tout du livre, toutefois. Je m'inspire juste du titre (rires). J'ai aimé l'image car à titre personnel j'ai déjà connu la dèche à la fois à Paris et à Londres. La dernière fois que je suis venu faire de la promo pour The Tangent à Paris, je me suis retrouvé dans un très joli hôtel et je voyais de ma chambre des gens qui dormaient dehors en plein Paris. J'ai réalisé à quel point il pouvait être facile d'être dans une situation donnée à un moment et se retrouver dans une autre, plus précaire, l'instant d'après... Je me suis demandé combien de ces sans-abris avaient eu un toit seulement quelques mois plus tôt... C'était un moment assez triste qui m'a renvoyé directement aux galères que j'ai pu connaître dans chacune de ces villes. Néanmoins je les adore toutes les deux ! J'ai essayé de faire ressortir la personnalité des deux villes dans la musique.

Le groupe a connu quelques changements de line-up, comme à chaque fois (rires). Cette fois-ci néanmoins tu as consisté le premier line-up entièrement anglais de l'histoire de The Tangent !
Andy Tillison : J'avais décidé que le line-up « suédois » n'allait plus pouvoir fonctionner après une tournée effectuée en 2008. Jonas Reingold et Krister Jonsson, les deux des Flower Kings, avaient tout simplement d'autres priorités dans leurs vies musicales. J'avais besoin de gens motivés à 100% sur ce que nous faisons. Jonathan Barrett a donc pris la place du bassiste et fait maintenant partie du « cœur » du groupe avec moi-même et Theo Travis. Paul Burgess à la batterie ne va pas pouvoir se concentrer sur son poste de batteur car il va partir en tournée mondiale avec 10cc. Il va donc falloir vraisemblablement prendre un nouveau batteur mais aucune décision définitive n'a encore été prise à ce sujet. Il n'y a pas de nouveau guitariste sur cet album car j'ai tout simplement décidé d'enregistrer les pistes de gratte moi-même pour la toute première fois de ma vie ! Seul Jakko Jakszyk vient m'aide en jouant sur une des chansons de l'album.

Comment décrirais-tu cette première expérience d'enregistrement de guitare sur un album de The Tangent ?
Andy Tillison : Ce fut un gros défi car je n'ai envisagé cette solution qu'à mi-chemin dans la conception du disque ! « Pourquoi ne le ferai-je pas moi-même ? » (rires) Je me suis entraîné énormément pour ne pas être ridicule. J'ai eu recours à un nombre incalculable de prises également (rires). Au final, je pense avoir fait du bon boulot. Ce n'est pas un chef-d'œuvre de la guitare, c'est à la portée de tout guitariste un tant soit peu consciencieux, d'accord, mais ça se défend et vu les circonstances c'est vraiment bien. Etant le compositeur de la musique, je pense que j'ai pu réaliser les bons arrangements pour arriver à un résultat de bonne facture qui je l'espère vous plaira.


The Tangent
Down And Out In Paris And London
InsideOut
www.thetangent.org 
The Tangent, de Paris à Londres