Test Pédale Astrospurt par KMA Audio Machines

Publié le 26/10/2018 par Gregory Priouret
KMA Audio Machine est une micro entreprise allemande, fondée par Enrico Preuß en 2014. L'histoire est assez traditionnelle : après avoir intégré le groupe Amplified Backdoor Creatures, Enrico était à la recherche de diverses sonorités. Fatigué de commander, d'essayer et de renvoyer des pédales, il a commencé à fabriquer ses propres outils en s'appuyant sur la communauté DIY florissant sur Internet. De nombreuses recherches, développements et prototypes associés à la forte envie de ne pas être enfermé dans un bureau l'ont mené à la création officielle de KMA Audio Machines l'année suivante. Quatre ans plus tard, l'entreprise compte désormais deux personnes et propose déjà un catalogue de 13 créations originales dont l'Astrospurt, phaser 4 stages basé sur un transistor J-FET, fait partie depuis les premiers jours...

Astroquoi ? 

Nous recevons donc une boite en carton assez grosse qui renferme deux autocollants, un petit dépliant servant à la fois de mode d'emploi, de certificat (numéro de série) et de notes sur la conception de la pédale, et bien entendu l'Astrospurt elle-même. Ce phaser tire son nom de la course à l'espace que se sont livrée les USA et l'URSS entre les années 50 et 70, l'illustration de la pédale accompagnant cette idée : être le plus rapide et le vainqueur ! 

Le boitier de marque Hammond adopte un format assez large (120x100 mm) et accueille un visuel assez chargé. Ce dernier représente une sorte de voie lactée dans laquelle voyage un vaisseau (Sputnik, qui encadre deux LEDs dont nous verrons l'utilité plus bas,  à ce stade de la découverte l'appareil n'ayant pas encore été branché). Le boitier est fourni nu, sans pieds en caoutchouc ou semelle velcro, ce qui ne contentera visiblement personne. Bien que le visuel de fond soit très présent, on peut lire (et comprendre) sans grande difficulté les intitulés des différents contrôles présents.

Hormis la production des circuits imprimés nus en Chine et l'application du revêtement uni sur le boîtier, l'intégralité de la production, de l'assemblage et des tests des pédales est réalisée par l'équipe KMA, à Berlin. 

Embarquement

En vrac, nous trouvons sur ce vaisseau :

 - Un footswitch accompagné des 2 LEDs précédemment citées
 - Un petit interrupteur (manuel) On/Off
 - 4 potentiomètres EMPH / SIGNAL / MISC / DEPTH
 - Un plus gros potentiomètre nommé SPURT, couplé à une 3ème LED

Le tout fonctionne en 9V ou 18V (pas de possibilité d'alimentation par pile) et gère un signal entrant/sortant via des connexions jacks 6.35mm.

En dévissant le fond du boitier, on découvre une carte électronique proposant à l'utilisateur certaines personnalisations. Il est ainsi possible de régler la luminosité de la LED associée au SPURT, le gain de sortie du phaser ainsi que son Bias. Est également proposé un bloc DIP switch  de 4 interrupteurs permettant de gérer le FEEDBACK et l'endroit du circuit où le signal déphasé est réinjecté. Ainsi, il est possible d'obtenir une vaste panoplie de sonorités, qui vont soit insister sur les fréquences aiguës ou graves, saturer le signal, ou créer une sorte d'octaver aléatoire, de synthé-fuzz destructeur, ou simplement faire du bruit ! Dans le fonctionnement, cela peut parfois ressembler au chaos provoqué par la Fuzz Factory de Zvex et à l'interaction complète de ses composants 

 => pour détails, la vidéo a été enregistrée avec une configuration "DIP switch 2" = ON, les autres OFF) dans laquelle l'interrupteur ON/OFF  en surface fonctionne véritablement en ON/OFF et où les aigus sont mis en avant. En effet, et c'est parfois déroutant, jouer avec ces 4 DIP switch  peut modifier le comportement de l'interrupteur.

Sur le circuit, on note une mention en allemand. Il s'agit d'une citation d'un ouvrage de science-fiction "Befrelung In camouflage" de l'autrichien Michael Marcus Thurner pour la série ATLAN. Ne parlant plus assez bien allemand, et étant vraiment dubitatif quant à la traduction trouvée sur internet, je ne l'écrirai pas ici, mais libre à vous de chercher! 

Petit rappel : 

De manière vraiment très simplifiée, l'effet "phaser" est le résultat obtenu en envoyant un signal (celui de votre guitare) dans une série de filtres constitués d'une résistance et d'un condensateur, au sein desquels il va être divisé en deux puis traité indépendamment par chaque composant. 

Le signal "A" va ainsi passer par la résistance ou le condensateur, tandis que l'onde du signal "B" va être inversée pour ensuite être injectée dans le composant électronique restant. En résulte une différence de phase entre les deux signaux lorsqu'ils se retrouvent en sortie de filtre. Cette étape de filtrage est répétée (au moins) une seconde fois (ici, ce sera un total de 4 filtres/ étages), et le résultat du second changement de phase superposé au signal original entraine la création de l'effet sonore que nous connaissons, avec une impression de fréquences hautes et basses qui bougent (effet de "vague" à mes oreilles), se croisant parfois (renforcement) ou s'opposant (trous ou notchs). 

L'Astrospurt est un phaser J-FET 4 steps (étages), des transistors de type JFET (pour "transistors à effet de champ" en français) étant utilisés en tant que résistances variables.  Le signal va ainsi traverser 4 étages (chacun donc constitué d'un JFET + condensateur) qui vont chacun leur tour l'altérer et ainsi produire 2 "notchs" (1 par paire de filtres), à savoir des "trous" à une fréquence précise. Le choix d'Enrico de bâtir un phaser autour de transistors de type JFET (transistor à effet de champ) vient probablement, selon lui, de son amour pour Pink Floyd : il souhaitait des textures chaleureuses et riches.

Le feedback dont nous parlions plus haut consiste en la réinjection du signal filtré par les 4 étages à un endroit défini du cycle, afin d'accentuer tel ou tel aspect (fréquences aiguës, basses, distorsion...).

Décollage

Les deux LEDs (bleues) à proximité du footswitch fonctionnent en binôme et ne sont absolument pas témoin de l'activation de l'effet, comme on pourrait le penser. Elles reflètent en permanence (même lorsque la pédale est OFF donc) la fréquence du phaser et sont donc intimement liées à la position du contrôle SPURT.

A la première pression du footswitch, la plus grosse diode, celle à coté de SPURT, (vous suivez toujours ?) s'allume : le phaser est enclenché ! 

Si, par souhait de découverte de la pédale sans mode d'emploi, vous avez mis tous les potards à 0, vous n'aurez aucun son ! Le contrôle SIGNAL est en réalité un volume qu'il faudra positionner environ à 1h pour être au gain unitaire (pas d'augmentation ou diminution de volume lors de l'activation de l'Astrospurt). Ce contrôle est une très bonne idée car souvent avec ce type d'effet, son activation provoque un petit creux dans le volume. Le gain unitaire étant à environ 1h, on en déduit donc qu'il est possible d'augmenter drastiquement le volume de sortie du phaser pour pouvoir ainsi attaquer plus fortement l'entrée de votre ampli (et le faire saturer). La plage de fonctionnement est contrôlable via un trimpot interne et vous pouvez faire en sorte que le signal soit au gain unitaire lorsque le potentiomètre est à son maximum, ou alors comme sur la vidéo, lui permettre d'augmenter le volume de sortie jusqu'à +6dB. A sa droite se trouve le contrôle MIX qui va bien entendu doser la proportion de signal original (sans effet) et celle du signal traité en sortie. Étrangement, c'est dans le sens des aiguilles d'une montre qu'il faut positionner le MIX au maximum pour avoir uniquement le signal original. Ainsi, avec le signal à 1h et le MIX à droite (et la pédale en fonctionnement), vous n'entendez que votre guitare inaltérée, avec cependant une petite différence dans les bas si l'on compare avec le signal sortant de la pédale en OFF. A ce stade, vous pouvez toucher les autres potentiomètres, rien ne se passera si ce n'est qu'en activant le petit interrupteur ON/OFF  et en jouant avec le DEPTH et le EMPH, vous ferez apparaître au dessus de votre signal une sorte de petit sifflement aigu vibrant à la fréquence du SPURT (note : nous sommes ici sur les réglages internes d'usine).

Détaillons les actions des autres contrôleurs : 

 - SPURT : fréquence du phasage, (chez les autres constructeurs il est la plupart du temps nommé "Rate").

 - DEPTH : "profondeur" de l'effet. Le premier tiers de la courbe est sans action. On remarque une différence légère à partir de 10h, qui s'accentuera à partir de 12h. Tout au long de la seconde moitié de la course, et jusqu'à son maximum, on conserve des variations très musicales et surtout des sonorités utiles sans extrêmes.

A ce stade-là, nous avons couvert ce qu'on considère souvent comme les fonctions de base d'un phaser : vous pouvez déterminer la balance, la profondeur et la rapidité de l'effet (et le volume en plus). Avec ces 4 réglages, nous avons déjà de quoi bien sonder les possibilités et sonorités de l'Astrospurt. Il s'en dégage une certaine chaleur et musicalité, que ce soit sur les sonorités les plus légères ou celles qui ont tendance à beaucoup plus transformer le son de guitare classique.

 - EMPH (pour Emphase Control) : Lors de l'enclenchement, on note l'apparition d'un certain souffle ainsi qu'un sifflement aigu qui va et vient selon la fréquence déterminée par le SPURT. Ce sifflement va s'accentuer ou disparaître tout au long de la course et le signal de la guitare va également se distordre dès le début de la course, un peu comme une fuzz avec un Bias réglé "très craquant" et compressé. Bien entendu, le spectre aigu va être bien plus occupé. Il est d'ailleurs totalement possible de s'affranchir du son strident et du phaser pour ne conserver que cette distorsion du signal en positionnant le MIX, DEPTH et SPURT sur 0 et EMPH sur 10. Vous élargirez ainsi votre palette de sonorités de drive. Ce mode EMPH va vraiment marquer le coup et donner une personnalité en plus à votre son mais également apporter tout un tas de parasites, ce qui est voulu, et c'est la raison d'un switch ON/OFF  pour activer ou couper à la volée. Votre son va devenir instantanément "sale" et on va observer l'ajout d'un tas d'artefacts. 

Le seul bémol ici, si l'on met de coté le caractère totalement "ne peut pas plaire à tout le monde" de la chose, c'est le boost de volume que provoque l'activation du switch et qu'il faudra compenser immédiatement avec une correction du signal.

Un bon voyage ! 

Dans son fonctionnement "standard" de phaser, l'Astrospurt est une très belle pédale, qui va permettre de couvrir une large palette de sonorités et d'ambiances, des choses les plus douces à celles plus rapides et extrêmes. Ce qui ressort est assez chaleureux et il est également agréable d'avoir sous les pieds et les doigts un appareil où tout reste exploitable. Pour l'élément différenciateur qu'est la gestion personnalisée du feedback, la cible est ici clairement le bidouilleur de l'extrême qui recherche des sonorités non caractérisées et sortant clairement de l'ordinaire. KMA AUDIO arrive ici brillamment à proposer une pédale ciblant autant les guitaristes que nous nommerons "traditionnels" dans leur approche que les bruitistes et autres ingénieurs souhaitant déstructurer ou faire oublier qu'une guitare se trouve à l'origine de tout ca. 

Proposé légèrement sous la barre des 200€, l'Astrospurt est un phaser très musical et très mesuré aux premiers abords qui saura ensuite se transformer rapidement en arme sonique destructrice si le coeur vous en dit.

On a aimé

 - Mesuré et musical
 - Très facile d'utilisation (pour les sons traditionnels)

On a moins aimé

 - La logique de certains contrôles : le sens de rotation du MIX, à l'inverse de celui observé habituellement et, selon le positionnement des DIP switch, le fonctionnement inversé (ou annulé) de l'interrupteur 2 positions ON/OFF. Il faudra du temps pour se familiariser avec ces différentes humeurs. 

http://kma-machines.com

 

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