Test de la pédale d'effet Caroline Guitar Kilobyte

Publié le 20/09/2019 par Gregory Priouret
Faute de trouver un emploi à la sortie de ses études en 2010, Philippe Herndon opte pour un plan B risqué : il crée Caroline Guitar Company. Neuf ans plus tard, l'entreprise américaine implantée à Columbia (en Caroline du Sud) est toujours présente, fière d'une gamme modeste mais très intéressante, en proposant des pédales atypiques. Pour preuve, nous avons aujourd'hui entre les mains la version 2 de la Kilobyte, un delay "LoFi" lancé en 2013 et financé par une campagne Kickstarter...

Découverte

Nous recevons une boite en carton marron imprimée de textes et visuels noirs. La dimension du contenant semble annoncer une pédale peu compacte (au vu des standards actuels). Au dos, nous trouvons une courte réclame de Caroline Guitar Company complétée de son adresse internet et sa ligne téléphone. 

À l'intérieur, nous sautent aux yeux un large autocollant portant le logo de la marque, deux médiators ainsi qu'une fiche cartonnée A6 présentant les différents contrôles de la pédale, leurs fonctions ainsi que des exemples de réglages. L'appareil est rangé dans un sac en coton.

La Kilobyte est assez colorée et mystérieuse. Hormis les traditionnels In/Out, 9V DC et Bypass, l'intitulé des contrôles n'est pas vraiment explicit : nous sommes face à 2 footswitches Bypass et HAVOC, 4 potentiomètres identifiés par des symboles et illustrations, ainsi qu'un mini potentiomètre encadré par une droite et une sinusoïde. La LED indiquant l'activité de la pédale est également assez différente de ce que nous voyons habituellement.

La description s'arrêtera ici pour le moment, car nous ne pouvons aller plus loin sans avoir lu le mode d'emploi (ce que nous ne faisons pas le premier soir...).

Passage sur le banc

Nous branchons donc et activons la Kilobyte avec tous les potards à 0. Lors de la mise en marche via le "BYPASS", on remarque une très légère baisse de volume. On devine que le potentiomètre en haut à gauche fait office de volume car définit par un histogramme. À la différence de ce que l'on trouve souvent sur les pédales de delay, il ne s'agit pas d'un "mix" faisant la balance entre signal direct et écho, mais bien du volume du signal répété : à toute gauche, seul le signal direct de l'instrument se fait entendre. Plus on va aller dans le sens des aiguilles d'une montre, plus la répétition va être forte, pour finir à un volume très légèrement supérieur à celui du signal original. Il est donc ici impossible de "supprimer" le signal direct pour ceux qui penseraient par exemple mettre la pédale dans la boucle d'effet en parallèle de leur ampli.

Le delay (retard) est géré par le contrôleur le plus bas sur la droite. Positionné à son minimum, il libérera un retard extrêmement court, qui transforme ainsi la pédale en réverbe très courte. Bien entendu, plus nous l'augmentons, plus le retard va être long, passant ainsi par un joli slapback au quart de la course pour finir à un retard maximum autour des 550 ms. Avec ce réglage et un feedback à 0 puisque nous ne savons pas encore où il se trouve, on entend le caractère LoFi de la répétition - quelque chose d'assez subtil mais très discernable et appréciable.

Essayons maintenant le contrôle qui fait miroir au delay, identifié par le symbole principal Sigma : voici le feedback (à savoir le nombre de répétitions). À son minimum, il laissera vivre une unique répétition, pour ensuite ouvrir le champ à environ 3 au 1/4 de sa course. Aux 3/4, nous avons à faire à un grand nombre de répétitions, et si nous dépassons ce stade, attention aux conséquences, les répétions deviennent infinies ! Si vous poussez le potentiomètre à son maximum, vous obtenez en une poignée de secondes une masse très sourde de saturation qui durera éternellement jusqu'à ce que vous manipuliez le potentiomètre – attention au volume qui augmente d'un coup. Si vous souhaitez obtenir une répétition (presque) infinie mais "gérable", il faudra trouver le bon spot, aux alentour des 8/10, avec un rendu très intéressant, créant une nappe de fond indescriptible.

Le mini potentiomètre central, comme on peut le supposer grâce aux signes l'encadrant, agit sur le "flutter" du delay. 

Un peu d'histoire : le délai a été découvert/crée en studio, en utilisant une bande magnétique qui enregistrait un signal pour le rejouer quelques millisecondes plus tard. Ce mécanisme pouvait parfois rencontrer quelques soucis techniques et les bandes subir quelques altérations physiques. En découlait ainsi une sorte d'effet de chorus présent sur la répétition du signal. 

Ce potentiomètre vous permettra d'ajouter un petit quelque chose à l'écho, et lui donner une légère fluctuation. Il s'agit d'un contrôle assez répandu, mais ici, même à son maximum, ce flutter reste très mesuré et agréable. 

Le quatrième potentiomètre, associé à un Space Invader de couleur, semble contrôler le niveau de dégradation de l'écho, du très léger (mais présent) au très abîmé – avec une augmentation de volume. 

Explications

La Kilobyte n'est ainsi pas une pédale de delay "standard". L'idée était ici de développer un écho LoFi (basse fidélité), en faisant un choix spécifique de composants. La particularité première du son de la Kilobyte provient de la puce qui va créer la répétition : ici, Caroline Guitar Company ne souhaitait pas restituer un signal pur, miroir parfait du signal original, mais un écho dégradé. Pour cela, le choix s'est porté sur une puce bon marché que l'on trouve dans les machines de karaoké et les jouets pour enfants. Ainsi, le signal répété va être assez sombre et d'une qualité limitée, se mettant à saturer de manière explosive lorsque l'on va augmenter le nombre de répétitions. Ce caractère est accentué par l'utilisation d'un préamplificateur pouvant augmenter jusqu'à 21dB (contrôle par le potentiomètre "Space Invader") le signal attaquant la puce (un peu comme le REC Level de certains vieux delay à bande). Ainsi, le signal répété sera distordu, mais avec une texture plus douce très différente du chaos amené par la puce poussée dans ses retranchements.

Reste l'action de l'interrupteur dénommé HAVOC qu'on peut traduire par "ravages" dans notre langue, annonçant le chaos à venir ! Il s'agit ici d'un second contrôleur du feedback. Cet interrupteur agit d'une manière plus "ciblée" que le simple fait de pousser le feedback à son maximum. Il va également manipuler légèrement le retard de l'effet. On peut, si on s'en sert de manière très subtile et mesurée, l'utiliser telle une pédale de sustain (infini). Le résultat est différent de la situation où le Sigma serait à son maximum ; les sonorités sont moins sourdes, plus claires et définies. 

Conclusion

Même si l'idée de départ ne correspond pas aux besoins et recherches sonores de l'ensemble des guitaristes, la Kilobyte a de quoi séduire. En restant dans les places de réglages les plus "standards", sans oscillation ou autre fantaisie, cette pédale laisse échapper de très belles sonorités "classiques". Lorsque l'on rentre un peu plus dedans et qu'on la laisse s'exprimer (réellement), on est naturellement amené sur d'autres pistes, d'autres idées (dévastatrices ou non) et la création d'ambiances caractéristiques et intéressantes. Et c'est ce qui fait (il me semble) la pertinence d'une pédale/d'un outil : donner des idées et aider la création. Sur ce plan, la Kilobyte est une réussite ! 

Proposée à 249€ TTC, il s'agit d'une pédale "boutique" au tarif plutôt élevé (mais qui reste dans la norme actuelle), et au caractère unique, et qui vous apportera énormément. 

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