Le groupe le plus controversé du trash américain revient en 2009 avec un successeur au très agressif Christ Illusion. World Painted Blood présente onze nouvelles offrandes toujours aussi mordantes et haineuses. Alors que l’ensemble du groupe enchaîne les interviews dans un sympathique hôtel du 18ème arrondissement, nous avons conversé avec Kerry King au saut du lit, toujours en mode réveil. Pas de déclarations virulentes comme il en a l’habitude, donc, mais des informations intéressantes sur la façon dont il gère la machine Slayer dont il est et restera toujours le leader.

Chaque album de Slayer possède une identité et une ambiance très fortes. Comment les décrirais-tu sur World Painted Blood ?
Kerry King :
Ce n’est pas le genre de trucs que je « dissèque » une fois que l’album est fini. D’ailleurs je ne les dissèque pas non plus alors que nous sommes en train de faire le disque (rires) ! Slayer n’a jamais fait de concept album et nous préférons simplement enregistrer ce qui nous vient spontanément. L’identité et l’ambiance sont donc fidèles à Slayer et c’est déjà bien. Nous faisons dix chansons – enfin onze dans le cas de World Painted Blood – qui ont leurs propres caractères et c’est dans cette diversité que se forge le disque.

Vous ne « réfléchissez » jamais en amont de la composition ?
Kerry King :
Non. C’est une perte de temps de trop penser à ce genre de choses. Je pense que la plupart du temps en se prenant trop la tête sur des trucs basiques on va à l’encontre de ce qu’on veut faire. Laissons simplement vivre les chansons ! Sur World Painted Blood nous avons été tellement vite que nous n’avons pas eu le temps de compliquer notre démarche.

Les fans de Slayer sont souvent très attachés à Reign In Blood et Seasons In The Abyss. Avez-vous déjà voulu copier délibérément un de ces albums, par facilité ?
Kerry King :
Non. Déjà ce serait une perte de temps. Ensuite ce serait assez dur de capturer l’essence de ce qu’il s’est passé il y a plus de vingt ans ! Il n’y a pas d’intérêt à essayer et de toute manière l’ampleur de la tâche à accomplir est trop importante. Et puis rien que la production est impossible à recréer. Et il reste toujours la scène pour ce genre de titres. « Raining Blood » est et restera un de mes morceaux préférés à jouer en concert. Il est tellement dense du point de vue de la guitare que c’est vraiment fun de le jouer. Il y a certains titres dont nous nous lassons mais vu que c’est moi qui compose toujours la setlist, je te garantis que si une chanson est présente ça signifie que je l’aime (rires).

Contrairement à pas mal de groupes officiant depuis plus de vingt ans, Slayer ne semble pas changer les arrangements où la façon de jouer les vieux morceaux. Ça ne t’intéresse pas à titre personnel ?
Kerry King :
Je ne changerais rien aux structures de toutes nos chansons car les gens veulent entendre nos morceaux de la même façon qu’ils ont été enregistrés. Le truc qui m’a toujours tenté pour aller dans le sens de ta question ce sont les medleys. Metallica en faisait dans le temps. C’est vraiment cool comme idée mais je n’ai jamais poussé la réflexion jusqu’à en faire pour nous. Nous avons tellement de chansons à jouer que ça serait un bon moyen d’augmenter artificiellement le nombre de titres en concert. En revanche, je retravaille certains soli car je ne suis pas fier de tout ce que j’ai pu faire par le passé. Je leur donne un petit coup de neuf.

Est-ce que tu sens que tu grandis encore en tant que guitariste ?
Kerry King :
Tout à fait ! Mais je ne prends pas la guitare comme un moyen de devenir populaire. Evidemment mon nom apparaît dans des classements de guitaristes. Et alors ? Perso, je ne crois pas être capable de rivaliser avec les meilleurs sur les soli. Je mets davantage l’accent sur les compositions car je suis l’un des principaux compositeurs du groupe. Il faut écrire une bonne chanson avant de pouvoir penser à un bon solo. Les soli sont systématiquement les derniers trucs auxquels on pense. Comme ça vient en dernier, souvent je pense qu’ils auraient pu être améliorés. Parfois, nous faisons ça un peu en roue libre…

Depuis Seasons In The Abyss, on dirait que le niveau global est à la hausse tout de même…
Kerry King :
Tu as raison. Depuis précisément cet album je fournis plus de travail là-dedans. Sur South Of Heaven, j’ai vraiment fait de la merde. Les soli étaient même pires que sur le premier album (rires) ! J’avais déménagé au moment de faire ce disque et mon esprit était ailleurs. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai commencé à me rendre compte que mon nom figurait dans des classements de guitaristes et qu’il était temps que je m’améliore (rires) ! Je ne voulais pas apparaître dans les classements des moins bons gratteux (rires). Il y a quelques soli classiques comme celui de « War Ensemble ». Il y en a d’autres qui sont différents à chaque interprétation comme sur « Bloodline ». Jeff ne m’avait pas dit qu’il y allait avoir un solo dessus. Il m’a prévenu au dernier moment en studio et je n’avais donc rien préparé. Je jouais n’importe quoi avec une pédale wah-wah et notre producteur de l’époque coupait le micro de temps en temps : voilà le solo de cette chanson (rires). En live, forcément, je dois m’adapter et le faire un peu autrement !



Tu as dit que pour World Painted Blood votre producteur t’avait permis de tirer ton jeu vers le haut. Après tant d’années à jouer, tu comptes vraiment sur le producteur pour te motiver ? La motivation n’est pas ailleurs ?
Kerry King :
(il réfléchit) Parfois ça vient de moi, parfois ça vient de notre producteur. J’ai aimé l’éthique de Greg Fidelman sur ce disque. Il entendait quelque chose dans mon jeu et me forçait à recommencer. Parfois, je n’entendais pas le problème mais le fait que je fasse deux ou trois prises de plus le satisfaisait. Je ne comprenais pas tout mais du moment qu’il était content du résultat c’était l’essentiel (rires) !

Quelles sont pour toi les chansons marquantes de World Painted Blood ?
Kerry King :
Difficile à dire car nous n’avons pas pu les jouer toutes sur scène. Nous n’avons joué que « Psycopathy Red ». « Hate Worldwide » est assez entraînante et marrante à jouer donc je pense qu’elle va s’imposer dans le set. Pour le reste il faudra jouer des coudes car les places sont chères !

Lorsque vous jouez les titres en concerts, vous arrive-t-il de changer d’avis sur des titres que vous pensiez bons et vice versa ?
Kerry King :
La seule fois où cela est arrivé récemment est lorsque j’avais voulu remettre « Hardening Of The Arteries » dans notre show. C’est quand même un putain de classique ! Et lorsque nous l’avons joué, les gens nous ont regardés comme si nous venions de la lune ! J’adore le riff pourtant. Et quand ça s’enchaîne avec « Hell Awaits » comme sur le disque ça tue encore plus. « Ghost Of War » sur South Of Heaven est pour sa part un titre que nous ne jouions plus. Je ne sais pas pourquoi. Nous l’avons ramené avec grand succès il y a quelques années mais je pense qu’il faudra se priver de ce titre maintenant que World Painted Blood est sur le point de sortir… Il y a tellement de classiques que nous ne pouvons plus jouer… Même Seasons In The Abyss n’a pas été fait depuis des lustres…


Slayer – World Painted Blood
American
www.slayer.net 
Slayer, l'instinct Metal