Les mois, les années passent et Michael Amott semble ne jamais faiblir. Avec Arch Enemy, en tout cas, cela fait bien longtemps qu’il n’a pas connu le goût de la déception, pas plus que son public fidèle et de plus en plus nombreux. Khaos Legions martèle un message bien connu mais loin d’être dénué d’attrait puisque c’est sur cet album que le quintette exprime avec le plus de justesse son mélange de heavy, de death et de thrash.

Question essentielle pour commencer. Pourquoi avoir écrit « chaos » avec un « k » ? Vous partez en croisade contre l'orthographe (rires) ?
Michael Amott : Pour être différents (rires). Nous avons pensé au titre et il nous a tout de suite plu car il est très puissant et metal. De plus, il correspondait bien à certaines paroles qu'on retrouve tout le long du disque. Mais un type nous a dit qu'il y avait un jeu d'ordinateur qui s'appelait Chaos Legions. Ni une ni deux : nous l'avons rebaptisé Khaos Legions (rires). En plus en allemand ou en suédois, le mot s'écrit avec un « k ».

En espagnol, aussi, il me semble. Bien entendu, à la suite de cela, vous avez dû tout réécrire car la musique avait été composée pour le mot « chaos » et « khaos »...
M. A. : (rires) Exactement ! Nous avons tout recommencé car cela n'avait plus aucun sens ! « L'album est Khaos Legions maintenant, donc ce riff disparaît, les mecs... » (rires)

Musicalement, plus les albums passent plus je trouve que le chant dénote du reste du groupe. Ce n'est pas une mauvaise chose selon moi mais il semblerait que, malgré les racines death d'Arch Enemy, seul le chant en contient encore les codes. La musique, elle, évolue de plus en plus vers une sorte de heavy survitaminé avec des soli de guitares plus très loin de l'idéologie développée par Scorpions, Judas Priest, Iron Maiden, Megadeth... Tu es d'accord ? Finalement, c'est ce qui donne toute l'originalité à vos albums actuellement...
M. A. : Oui. Nous voulons rester un groupe de metal extrême. Nous voulons cette force vocale car nous pensons que sans elle la musique pourrait devenir quelque peu monotone et ennuyeuse. Avec un chant clair, nous ne serions plus très originaux comme tu le dis. Evidemment tout dépend de la voix car j'adore des gens issus du metal classique comme Rob Halford, Ian Gillan ou Ronnie James Dio. Aujourd'hui je me demande s'il y a encore une « grande voix » dans le hard rock ou le metal. C'est particulièrement vrai chez tous ces groupes d'emo / screamo / nu metal : le chant clair est très faible. Et ils crient aussi en même temps... Je déteste ce genre de trucs (rires). A partir du moment où l'on chante en clair, il faut être sûr de pouvoir le faire... La force d'Angela est le chant crié. En plus, elle arrive à le faire de manière « humaine » par opposition à certains chanteurs death qui tentent d'être le plus mécanique possible dans leurs growls monstrueux (rires). Derrière le chant extrême d'Angela, on entend la personne et ses sentiments. C'est ce qui me plait dans notre musique.

Par ailleurs, votre musique a changé et devient plus accrocheuse. Depuis dix ans, vos albums ont pas mal changé...
M. A. : C'est vrai. Toutefois Wages Of Sin était déjà relativement mélodique. Nous progressons lentement. Mais il me semble que la voix d'Angela a également changé quelque peu. Je ne pense pas trop à tout ça. Si nous cherchions vraiment à être le plus gros groupe sur terre, nous aurions plus de chant clair. Nous sommes loin du compte (rires).

Sais-tu si Angela émet parfois le souhait d'incorporer quelques éléments de chant clair dans votre musique ?

M. A. : Justement : c'est la première à ne pas en vouloir (rires). Sa forme d'expression est le growl et le cri. C'est ce que nos fans attendent d'elle aussi.

La dernière fois que nous avons parlé ensemble, c'était pour l'album de Spiritual Beggars, Return To Zero. Nous avions évoqué le fait que de plus en plus les soli de guitare des deux groupes se ressemblaient. Peut-on dire qu'aujourd'hui tu as vraiment trouvé ton propre style qui se greffe sur n'importe lequel de tes projets musicaux ?
M. A. : J'espère encore progresser. Je fais sur Khaos Legions quelques licks par-ci par-là que je n'avais jamais tentés auparavant. Il est certain que je ne progresse plus autant que lorsque j'étais jeune et sur nos premiers albums. Rappelle-toi le premier album de Carnage puis Necroticism et Heartwork de Carcass : les changements étaient alors visibles par d'autres personnes et pas uniquement par moi-même (rires). Maintenant, j'améliore des détails : le son, le feeling global, etc. Je ne joue plus autant de notes qu'avant mais j'espère au moins jouer les bonnes notes (rires). J'ai souvent le chant en tête lorsque je compose mes parties de guitare. Je veux qu'elles soient le prolongement de ce que fait Angela. Et parfois les idées viennent d'endroits un peu inattendus. Chris et moi jammons souvent sur de la bossanova, du tango ou de la musique latine par exemple ! Serge Gainsbourg, également, qui est un maître absolu de la composition, des mélodies nostalgiques et des progressions d'accords. Je citerais également Robert Fripp dont les chansons faites avec David Bowie me parlent particulièrement. En dehors de Judas Priest, Megadeth ou Slayer, nous ne nous inspirons pas trop de la scène metal... J'aime avant tout des sons un peu « fous » d'où mon attrait pour les artistes cités.

Apprécies-tu les groupes progressifs et créatifs de la scène metal comme Dillinger Escape Plan ?

M. A. : Oui ! C'est clair que c'est progressif dans le vrai sens du terme. On est loin d'une resucée d'Images And Words. J'aime aussi Protest The Hero dans le même genre. Cette musique est totalement folle et sans limite. J'adore la démarche de ces groupes. Ils prennent des éléments connus, les mélangent avec créativité et obtiennent un truc unique et qui dépasse la simple somme des éléments.

Khaos Legions présente trois morceaux instrumentaux, des sortes d'interludes ou intros. Comment sont-ils nés ?
M. A. : Notre batteur Daniel a écrit We Are A Godless Entity. C'est un bon guitariste. Il m'avait donné un CD rempli de ses idées. Un CD rempli à ras bord de riffs et de trucs complètement barrés. J'ai tout écouté pour voir si quelques trucs pouvaient correspondre à ce que nous recherchions pour Arch Enemy. A un moment j'ai entendu des idées intéressantes et elles ont été utilisées pour We Are A Godless Entity. Il y a aussi quelques unes de ses idées sur Cult Of Chaos et Through The Eyes Of A Raven. Turn To Dust est un interlude très court et simple qui doit surtout être vu comme un contrepoids à Vengeance Is Mine, le titre qui lui succède et qui est l'élément le plus heavy de l'album.

Tu apprécies particulièrement de jouer des titres comme Vengeance Is Mine qui sont pour le moins intenses ?
M. A. : Oui. Mais je ne veux pas trop en abuser. Ca doit rester exceptionnel. Et puis, la plupart de nos chansons fonctionne avec un tempo un brin plus lent. Nos plus grands succès comme We Will Rise ou Dead Eyes See No Future montrent bien ce que je veux dire. C'est notre « midtempo » bien à nous (rires).

Arch Enemy – Khaos Legions
Century Media
www.archenemy.net
Arch Enemy, pas de concession pour Angela !