Arrivé légèrement après l'éclosion de la majorité des groupes de metalcore, DevilDriver est pourtant un des seuls qui s'affirment dans la durée. Il faut dire que Dez Fafara insiste album après album sur le fait que son groupe, monté suite au split de Coal Chamber, n'est pas là pour amuser la galerie. Un an et demi après le très réussi Pray For Villains, revoilà DevilDriver à l'attaque avec le bien nommé Beast. Ceux qui ont déjà vu l'état dans lequel se met Fafara lors des shows de son groupe confirmeront...

Il me semble que je te dis ça à chaque fois que nous nous rencontrons : chaque nouvel album de DevilDriver parvient à surpasser le précédent. N'importe quel groupe dit toujours en interview que son nouvel album est le meilleur mais dans le cas de DevilDriver c'est vrai (rires) ! Comment arrivez-vous systématiquement à vous surpasser ?
Dez Fafara : Merci beaucoup, déjà. Je tiens à préciser que nous ne disons jamais que notre nouvel album est meilleur que les autres. Nous attendons les réactions de gens comme toi, de la presse ou des fans qui affirment que nous avons fait quelque chose de mieux. Pour comprendre comment nous y arrivons, il faut remonter au début. La plupart des groupes se forment, jouent ensemble pendant quatre à six ans, font des démos avec une dizaine de chansons à chaque fois et signent un contrat avec un label. DevilDriver n'a jamais eu cette opportunité.

Vous avez été « jetés » en studio directement...

D. F. : Exactement. Au bout de quelques mois, nous étions en studio en train d'écrire notre premier album. Deux ans après arrive notre deuxième album. Un an et demi plus tard, notre troisième, etc. En fait, je crois que c’est cela notre force. Je ne l'avais jamais vu comme ça jusqu'à ce que je commence à réfléchir à ce que j'allais pouvoir raconter en interview pour Beast (rires). En effet, nous évoluons devant notre public. Les groupes qui font quatre démos avant de devenir ce qu'ils sont « cachent » cela du grand public qui ne connaît que les albums. Ce n'est pas notre cas puisque toutes nos sessions d'écriture et d'enregistrement ont systématiquement débouché sur quelque chose qui a été commercialisé. Nous ne faisons jamais le même disque deux fois. De plus, nous avons mûri et progressé en tant que musiciens et compositeurs durant ces quelques années passées ensemble. Voilà pourquoi, à mon sens, nous sommes capables de nous dépasser à chaque fois.

C'est vrai que vous ne faites jamais le même disque deux fois. Néanmoins, un fil rouge est bien visible. Tu en es conscient ?
D. F. : J'essaie toujours de ne pas revenir sur ce que j'ai fait avant et de me tourner vers l'avenir. Je sais que les musiciens qui m'accompagnent le font également. De plus, à chaque album il y a quelqu'un qui « prend le lead ». Sur Beast, notre batteur John Boecklin a écrit la majorité des parties de guitare. Du coup, cela donne un son différent et c'est capital d'avoir cette démarche. Une grande partie des groupes que j'adore et qui sont actifs depuis dix ou quinze ans se contentent de refaire les mêmes albums. Peindre le même tableau ou sculpter la même sculpture indéfiniment ne pourra conduire l'artiste qu'à l'ennui le plus profond... Généralement lorsque cela arrive, les amateurs de l'artiste ne tardent pas à s'ennuyer eux aussi. Je préfère donc rester imprévisible et faire des albums légèrement inattendus pour que cela reste un défi.

Si jamais un jour on voit que DevilDriver commence à tourner en rond, peut-on s'attendre à ce que le groupe se retire des affaires dans la foulée (rires) ?
D. F. : Il y aura toujours quelques ressemblances mais j'ai toujours soutenu que si le groupe commençait à stagner, je passerais à autre chose. J'ai toujours voulu explorer des nouvelles choses. Même à l'époque de Coal Chamber. J'ai besoin de trouver des sons uniques et originaux. Les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas intéressé uniquement par le metal. J'écoute tout ce qui se fait entre le blues et le black metal. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que DevilDriver amène quelque chose de nouveau à ce qui se pratique dans la scène heavy. Je suis extrêmement reconnaissant d'être entouré de super musiciens qui comprennent la même chose que moi.

Serais-tu intéressé par d'autres projets musicaux ou penses-tu que lorsqu'on fait partie d'un groupe DevilDriver qui vit à cent à l'heure il faut concentré dessus à 100% ?
D. F. : Je suis actif dans d'autres projets. Je fais la flûte et la narration d'un album qui s'appelle High Desert Moon. C'est du folk indien très intéressant. Aller voir ça sur www.myspace.com/highdesertmoonmusic. Mark Morton de Lamb Of God et moi-même avons un groupe qui a déjà écrit pas mal de chansons. Un jour peut être que cela sortira. C'est du classic rock qui n'a presque rien à voir avec du heavy metal. Je chante complètement et je ne growle jamais. Je fais toute cette musique pour le plaisir et pas pour la sortir commercialement. Ca peut venir mais ce n'est pas mon but primaire. Ca m'énerve énormément quand je vois d'autres musiciens dans des groupes qui ont des plannings en tête pour promouvoir leurs différents projets au mieux... Pourquoi ne pas faire de l'art pour le simple plaisir de la création ?



Revenons un instant sur Beast. J'ai été surpris de voir que vous n'aviez pas bossé avec Logan Mader à nouveau sur l'album. Pourtant Pray For Villains était une belle réussite et il me semblait que le groupe avait plutôt apprécié de collaborer avec lui comme producteur... Vous avez pris Mark Lewis à la place. Qui est-il car je n'en avais jamais entendu parler ?
D. F. : Mark a été ingénieur du son sur The Last Kind Words. Nous l'avons connu à ce moment-là. A la fin de ces sessions, il est clair qu'il était en fait le responsable du son de l'album. C'était le véritable producteur. Je ne veux pas dire du mal de Jason Suecof mais Mark a quasiment fait ? tout le boulot lui-même. Je me suis dit à ce moment-là qu'un jour il pourrait être promu au rôle de producteur pour un de nos albums, sans ambiguïté. L'heure était venue. J'ai adoré bosser avec Logan. Mais il répondait à un besoin précis lorsque nous étions sur Pray For Villains. Aujourd'hui, nous sommes partis sur des chemins différents et nous avons également besoin de quelqu'un de différent. Nous n'avons jamais eu le même producteur sur deux de nos albums et je n'ai pas peur de changer pour arriver à des sons différents. Cela rejoint mon avis de ne jamais faire le même disque deux fois.

Tu as apprécié Mark pour des qualités en particulier ?

D. F. : Beaucoup de producteurs font très attention à ce qu'ils disent pour ne pas froisser les artistes. Mark n'hésitait pas à nous dire ce qu'il pensait et nous poussait à améliorer nos idées en étant très ouvert et franc à propos de tout. Il me proposait souvent de faire des pauses pour reprendre mes esprits lorsqu'il trouvait que je ne chantais pas tout à fait comme il fallait.

A cause de cette collaboration, entends-tu des ressemblances entre Beast et The Last Kind Words ?

D. F. : Non car nous avons fait attention à ne pas avoir les mêmes sons que sur ce disque. Nous l'avons pris comme maître étalon pour être sûrs que Beast était meilleur. Nous avons réussi.


DevilDriver - Beast
Roadrunner
www.devildriver.com
DevilDriver, l'excellence n'a pas de limite !

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