DevilDriver est connu pour ses concerts apocalyptiques où les pogos et cercle pits font la loi. Il faut dire que leur mixture si particulière de hardcore, death et punk prend tout son sens sur scène. Jusqu’à présent, en trois albums, le gang emmené par Dez Fafara, l’ex-leader de Coal Chamber, n’avait pas réussi à marquer autant les esprits par ses réalisations studio. Rectification effectuée avec Pray For Villains, véritable tonneau d’explosifs qui détonne de la première à la dernière seconde.

Les quatre albums de DevilDriver deviennent à chaque fois meilleurs. En même temps le premier disque n’était pas une franche réussite… Néanmoins cette spirale d’amélioration est plutôt un bon chemin à suivre pour un groupe, non ?
Dez Fafara : C’est vrai. Pour moi il y a deux catégories de groupes : ceux qui sortent un premier disque de référence et qui n’arrivent pas à le surpasser ensuite et ceux qui s’installent sur la durée. Dans le cas de DevilDriver, le premier album avait été presque entièrement écrit par notre guitariste de l’époque. Par la suite, tout s’est ouvert et les influences des membres se sont davantage ancrées dans ce que nous jouions. The Last Kind Words montrait déjà cela assez clairement. C’était un gros doigt envers toute la scène qui fait du metalcore avec du chant clair. Pour Pray For Villains nous avons cherché à prendre du recul sur notre musique et nous nous sommes demandés s’il nous fallait devenir encore plus heavy / agressifs / rapides… Où devions-nous aller en tant qu’équipe ? Au final, notre désir commun était de progresser en tant que compositeurs. Nous nous sommes donc attachés à faire quelque chose de technique avec beaucoup de groove et d’accroches, quelque chose qui puisse devenir un classique dans la durée…

Pour une fois, tu sembles dire que les chansons et la direction de l’album n’ont pas été définies de façon très naturelle, contrairement aux autres albums de DevilDriver…
Dez Fafara : Et pourtant ce fut le cas. Tout le monde compose à la guitare dans le groupe : le batteur a écrit une grande partie du disque ! Les musiciens écrivent chacun de leur côté, puis deux par deux et après nous nous réunissons tous pour voir ce que l’on va faire. Nous obtenons généralement une vingtaine de titres où je pioche celles qui peuvent convenir à DevilDriver et j’écarte celles qui sont trop bizarres. Pour Pray For Villains nous avons fait des démos de toutes les chansons proposées, même les plus étranges. Nous avons ensuite décidé lesquelles mettre sur le disque, puis en faces B, puis en titres bonus. Vous constaterez que nous en avons enregistré beaucoup ce coup-ci !

C’est à ce moment-là que vous avez décidé de faire une reprise d’Iron Maiden, « Wasted Years » ?

Dez Fafara : Non car ce titre fut enregistré pour le magazine Kerrang. Je ne suis pas un gros fan d’Iron Maiden même si je sais que cela ne se dit pas (rires). C’est un des pires trucs que l’on peut dire à un magazine de metal mais je préfère AC/DC ! Néanmoins les paroles de « Wasted Years » m’ont plu car elles me faisaient penser aux longs moments que je peux passer en tournée et qui m’éloignent de ma vie de famille. Et puis vocalement, me frotter à une putain de chanson d’Iron Maiden représente un sacré défi. Evidemment je ne sais pas chanter du tout comme Bruce – je ne sais pas s’il sait chanter comme moi, d’ailleurs – mais nous avons simplement essayé de mettre notre propre patte sur ce titre emblématique de leur répertoire. Ce fut une expérience sympathique en tout cas car nous avons pu jouer un titre très différent des nôtres. De plus, le groupe est une légende que je respecte énormément et la plupart des membres de DevilDriver sont des dingues de Maiden.

Vous avez choisi la chanson par rapport aux paroles ?
Dez Fafara : Nous avions une sélection de titres potentiels. J’ai du mal à m’approprier les paroles d’autres artistes. Avec Coal Chamber je l’avais fait pour une reprise de « Shock The Monkey » de Peter Gabriel mais je n’y arrive pas… Il y a plein de groupes de metal actuellement qui laissent le bassiste ou le guitariste écrire les paroles. Voilà quelque chose que je n’arriverai jamais à faire ! Heureusement les paroles de « Wasted Years » m’ont parlé à un niveau très personnel. Musicalement le groupe s’est bien approprié le truc sans pour autant faire quelque chose qui ne rappelle pas du tout le morceau d’origine.

Tu n’as jamais laissé un gars de DevilDriver écrire les paroles à ta place ? Et dans Coal Chamber ?

Dez Fafara : Non… Mais par contre parfois un type proposera un mot et je l’accepterai (rires). Uniquement si je suis complètement coincé. Quand je dis que je n’arrive pas à chanter ce que les autres écrivent, je n’y arrive vraiment pas ! Je dois avoir une authentique raison d’être motivé à chanter vingt-neuf jours par mois sur scène.



Vocalement Pray For Villains me semble être l’album le plus varié que tu aies réalisé jusqu’à présent. Etait-ce voulu ?
Dez Fafara : Je vais t’expliquer le truc. Quand tu dois te mettre à faire un disque, tu te demandes ce qu’il faut faire. Ici il s’agissait de rendre la musique la plus dynamique possible d’où l’emploi de quelques passages de chant clair çà et là. Certains titres du disque avaient besoin d’une orientation très punk rock, d’autres nécessitaient une attention toute particulière et un traitement mélodique. Il était tempos pour DevilDriver d’aller dans une direction inédite autant vocalement que musicalement.

Avec ces deux évolutions qui arrivent alors que le style du groupe était resté très linéaire, penses-tu que certains de vos fans vont lâcher l’affaire ?
Dez Fafara : Non car ils seront toujours autant brutalisés par notre hargne. Il est impossible de dire que nous sommes des vendus. Nous sommes toujours aussi heavy et brutaux. Je crois que les fans attendaient un peu plus de groove et de diversification dans ce que nous faisions et c’est ce que nous leur apportons. C’est la même chose sur scène car un groupe ne parle pas entre les pistes : les fans attendent un speech. Ils veulent entendre une voix. Comme sur notre album.


DevilDriver – Pray For Villains
Roadrunner
www.devildriver.com 
DevilDriver trouve ses marques